- Propos recueillis par Anthony Tejero | Crée le 30.06.2025 à 18h00 | Mis à jour le 26.07.2025 à 14h16ImprimerSégolène Thomas, à la tête de l’Adie en Nouvelle-Calédonie, donne rendez-vous à ses bénéficiaires jeudi 3 juillet, de 8h30 à 12h30 à Kari Veo, le site de la FOL, pour célébrer ses 25 ans. Photo Anthony TejeroL’Adie fête ses 25 ans de présence en Nouvelle-Calédonie. Cette association qui octroie des microcrédits aux entrepreneurs qui veulent se lancer, mais qui disposent de ressources insuffisantes pour les banques classiques, a ainsi accordé 26 000 financements pour créer et développer 11 000 sociétés partout dans le pays. Alors qu’une crise sociale et économique frappe de plein fouet le Caillou depuis le 13-Mai, de nouveaux profils se tournent vers cet organisme. Entretien avec sa directrice, Ségolène Thomas.
Quelle est la mission de l’Adie ?
C’est une association reconnue d’utilité publique qui a pour vocation de permettre à chacun de créer son entreprise, même sans capital, même sans diplôme, même sans réseau, partout en Nouvelle-Calédonie.
Et ce, à travers l’octroi de microcrédits. Pourquoi ?
Nous accompagnons des personnes qui portent un projet de création ou de développement d’entreprise, mais dont le projet n’est pas financé par les banques classiques. Le microcrédit que l’on propose est un petit prêt qui peut aller jusqu’à 1,7 million de francs. Il permet de lever le frein de l’absence de capital pour se lancer.
En Nouvelle-Calédonie, trop de personnes, faute de moyens, ne peuvent créer leur entreprise. L’Adie s’engage à les accompagner avec un suivi personnalisé, à travers ce microcrédit qui est un outil puissant d’insertion et d’inclusion économique.
Y a-t-il un profil type des clients de l’Adie ?
Nous avons tous types de profils : des jeunes, des hommes, des femmes, des seniors, des entrepreneurs informels, des personnes qui sont déjà en activité, avec des projets dans les tribus, dans les îles, dans les quartiers, etc. Tout le monde peut devenir entrepreneur dès lors qu’on a l’idée et qu’on nous en donne les moyens.
Combien de personnes avez-vous accompagné en 25 ans ?
Nous avons octroyé plus 26 000 financements, ce qui représente plus de 11 000 entreprises calédoniennes soutenues pour démarrer leur activité ou pour se développer au fil des années. En termes de volume, cela représente plus de 12 milliards de francs en cumulé de microcrédits qui ont été injectés dans l’économie locale.
"Au bout de trois ans, plus de 81 % des entreprises sont toujours en activité."
Quel est le taux de réussite chez vos clients ?
Tous les trois ans, nous mesurons l’impact de notre action en passant par un cabinet indépendant pour s’assurer de la cohérence et de la pertinence de ces données. Quand on mesure le taux de pérennité des entreprises financées, on constate qu’au bout de trois ans, plus de 81 % sont toujours en activité. Cela montre qu’elles fonctionnent, continuent à bien tourner, voire créent de l’emploi puisqu’on a 1,26 emploi créé en moyenne par entreprise.
L’autre chiffre important concerne le taux d’insertion qui est de 89 %. Autrement dit, 9 personnes sur 10 vont soit créer leur entreprise et au bout de trois ans être toujours sur leur projet, soit vont rebondir vers d’autres projets, parfois vers un emploi salarié car l’entrepreneuriat permet déjà de gagner confiance en soi, de développer des compétences et des fois de partir sur un nouveau parcours professionnel.
Quelles sont les retombées économiques pour le pays de ce micro-entrepreneuriat ?
L’Adie accompagne les entreprises du quotidien. Je pense à Gabriela, à Hienghène, qui est la seule coiffeuse de toute la Côte Est. Ce sont des services de proximité qui permettent de créer du lien social et de l’emploi, de permettre à des personnes de vivre de leur passion. La création d’entreprise permet à certains de sortir d’une situation de précarité, à des femmes de s’émanciper économiquement alors qu’elles peuvent se trouver dans une situation de violences conjugales, à des jeunes qui n’ont pas encore d’expérience de se la forger par eux-mêmes, etc. C’est déjà un impact humain et social extrêmement positif.
"La création d’entreprise permet à certains de sortir d’une situation de précarité, à des femmes de s’émanciper économiquement alors qu’elles peuvent se trouver dans une situation de violences conjugales."
Ensuite, pour les collectivités, quand on crée une entreprise, on peut sortir d’un cercle d’aides sociales, tout en créant de la valeur puisqu’on va payer des impôts, des cotisations sociales, et donc cette mécanique, c’est autant de coûts évités et autant de recettes nouvelles pour ces collectivités, qui en soutenant l’action de l’Adie, retombent sur leurs pieds en matière d’investissement.
Aujourd’hui, l’exclusion bancaire et sociale est extrêmement prégnante en Nouvelle-Calédonie, les difficultés d’accès à l’emploi sont de plus en plus marquées, notamment depuis 2024, et il y a un vrai besoin d’autonomie économique. Les solutions proposées par l’Adie trouvent donc un écho favorable sur l’ensemble du territoire.
Justement, quelles conséquences le 13-Mai a-t-il eues sur l’activité de l’Adie ?
Les semaines qui ont suivi le 13-Mai ont marqué un arrêt dans notre capacité à aller vers notre public. Nous avons 5 300 clients actifs, suivis au quotidien et accompagnés autant que nécessaire. La priorité a donc été de reprendre contact avec eux afin de voir comment la situation touchait leur activité et leur proposer des rééchelonnements de remboursements pour éviter qu’ils aient les traites en plus d’un éventuel arrêt de leur activité. Et on constate que l’activité reprend, puisqu’on a déjà, depuis le 1er janvier, financé plus de 500 entreprises, ce qui est aussi une conséquence du 13-Mai.
"En temps de crise, le microcrédit est un outil encore plus puissant pour créer des opportunités"
Justement, de nouveaux profils se tournent-ils vers l’Adie depuis les émeutes ?
Depuis octobre, de nombreuses personnes qu’on ne connaissait pas sont venues se renseigner. Parmi elles, beaucoup étaient déjà en activité ou démarraient une activité entrepreneuriale et ne faisaient pas forcément partie du public cible de l’Adie. Elles auraient probablement pu, en 2023 ou avant, lancer l’activité autrement, en étant financées par une banque. Sauf qu’aujourd’hui, les difficultés dans l’octroi de prêts par les banques poussent les entrepreneurs à trouver d’autres solutions, et l’Adie en est une. Au-delà de ce public, nous avons aussi beaucoup de demandeurs d’emploi qui ont été licenciés à la suite d’une diminution d’activité de l’entreprise qui les employait. Il y a enfin des entrepreneurs qui ont des besoins nouveaux, notamment de trésorerie, et donc qui viennent voir l’Adie pour pouvoir tenir dans le temps.
Depuis le mois d’avril, on a déjà dépassé les niveaux d’activités de 2023, avec plus de 500 financements accordés cette année.
Est-ce que vous arrivez à quantifier cette hausse des demandes par rapport à la période pré-émeutes ?
Depuis le mois d’avril, on a déjà dépassé les niveaux d’activités de 2023, avec plus de 500 financements accordés cette année. De manière générale, en temps de crise, le microcrédit est un outil encore plus puissant pour créer des opportunités. Donc forcément, notre activité suit une tendance extrêmement dynamique.
En revanche, comme toutes les associations, nous sommes tributaires sur une partie de notre modèle économique des financements publics. Or, nous subissons des diminutions des soutiens et des subventions pour notre fonctionnement. Nous avons donc une capacité plus limitée à développer notre activité. Heureusement, on a la chance d’être une grande association nationale qui dispose d’un budget consolidé par un soutien de l’État et d’autres financements qui ne sont pas uniquement calédoniens.
Des secteurs comme le tourisme n’ont pas encore redémarré. Est-ce que vous disposez de chiffres sur les fermetures d’entreprises suivies par l’Adie ?
Je ne pourrais pas mesurer le volume, mais finalement, ces données sont assez minimes. Ce qu’on a remarqué, même pour des activités touristiques, c’est que la très large majorité des entrepreneurs soutenus par l’Adie ont pu diversifier leurs activités pour tenir. Beaucoup ont rebondi vers des activités plutôt agricoles ou de pêche en attendant. Comme il s’agit de petites structures avec peu de charges fixes, puisque la plupart du temps, il n’y a pas de location la terre leur appartenant, l’activité peut être mise en suspens sur une période donnée. Ce qui est le plus important, c’est la capacité de rebondir vers d’autres ressources financières.
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