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    Nouvelle Calédonie
  • Anthony Tejero | Crée le 14.03.2023 à 18h25 | Mis à jour le 16.03.2023 à 09h15
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    Malgré la chaleur accablante de ce milieu de journée, la bonne humeur règne. Photos Anthony Tejero
    Elles ont quasiment disparu du pays et pourtant elles jouent un rôle primordial pour la ressource en eau ainsi que contre l'érosion et le changement climatique. C'est pourquoi une poignée de Calédoniens s'efforcent à restaurer nos dernières forêts sèches, notamment à Pouembout, où 2 700 arbres ont été plantés depuis janvier.

    Savanes à niaoulis, vastes espaces de pâturage, plaines agricoles, collines dénuées de végétation ou tout juste couvertes de faux mimosas... Difficile d'imaginer qu'avant l'arrivée de l'homme, ces paysages typiques de la côte Ouest n'existaient pas. À leur place, s'épanouissaient d'immenses étendues de végétation bien plus dense et variée : la forêt sèche. Selon les experts, il y a 3 500 ans, ces milieux occupaient près d'un quart de la surface du pays, soit 4 500 km2. De nos jours, ces écosystèmes se sont réduits comme peau de chagrin. Des reliques qui ne se trouvent plus qu'en quelques fragments, représentant 2 à 3 % des surfaces initiales (soit un total de 175 km2). De là à ce que ces forêts soient rayées de la carte, il n'y a plus qu'un pas.

    Mais c'est sans compter sur la ténacité d'une poignée de Calédoniens, qui ont décidé de se retrousser les manches pour tenter de sauver la formation végétale la plus menacée du Caillou. Depuis une vingtaine d'années, les chantiers de conservation et de reboisement se multiplient du nord au sud-ouest. À l'image de la presqu'île de Pindaï, à Pouembout, où 2 700 jeunes arbres viennent d'être mis en terre.


    Une fois planté, chaque arbre reçoit 10 litres d'eau.

    Clôture anti-cerfs

    Une plantation sous haute protection cernée par une clôture de 5 kilomètres de long qui empêche l'introduction des cerfs et des cochons sauvages. "Ces espèces exotiques envahissantes bloquent la régénération de ces écosystèmes en consommant les jeunes plants, rappelle Sophie Lefebvre, adjointe au pôle terrestre de l'Agence néo-calédonienne de la biodiversité (ANCB). À la base, cette presqu'île était entièrement constituée de forêt sèche, sauf qu'aujourd'hui, il n'en reste que quelques petits noyaux séparés les uns des autres. L'objectif, à terme, c'est donc que l'ensemble de ces noyaux puissent de nouveau se rejoindre, en créant des corridors de végétation. Car plus ces fragments sont isolés, plus ils sont vulnérables. Naturellement, une forêt est censée être à proximité d'autres îlots forestiers pour fonctionner correctement et pouvoir se régénérer."


    Sophie Lefebvre a à cœur de partager ses connaissances.

    Une parcelle de 200 hectares est ainsi sanctuarisée, véritable refuge pour tout un éventail d'oiseaux, d'insectes et de plantes endémiques en danger d'extinction. Le même dispositif sera d'ailleurs lancé, l'an prochain, sur le site de Déva, à Bourail. Alors que les climatologues prévoient des sécheresses de plus en plus intenses sur le Caillou, notamment lors des phénomènes El Niño, il devient urgent d'accroître les superficies de ces dernières forêts sèches, à la merci du moindre feu de brousse. "C'est d'autant plus important que c'est l'un des principaux milieux menacés en Nouvelle-Calédonie et même dans le monde car la forêt sèche ne pousse que jusqu'à 500 mètres d'altitude maximum. Or, c'est là que l'homme va habiter, défricher et cultiver puisque cela correspond aux endroits les plus accessibles, explique Sophie Lefebvre. Même s'il en reste très peu, il n'est jamais trop tard pour sauver les forêts sèches. Il faut continuer à œuvrer pour préserver l'existant, pour que les surfaces ne diminuent plus et, parallèlement, pour restaurer d'autres milieux dégradés comme ce site de Pindaï où il n'y a plus que des fourrés de gaïac. C'est un travail de longue haleine sur le long terme qui doit s'accompagner de communication. Depuis les années 2000, c'est quand même un milieu pour lequel il y a de plus en plus de prises de conscience, de connaissances et de sensibilisation."


    Ces élèves du lycée Michel-Rocard ont participé à la plantation.

    C'est pourquoi plusieurs élèves de la région sont venus prêter main-forte au personnel de ce chantier piloté par l'association Pi Wian Maa Paarii, qui mobilise une quinzaine d'habitants de la tribu de Ouaté. "La plupart d'entre nous découvrons ce milieu et surtout les différentes espèces qui s'y trouvent. À la tribu, on connaît la forêt humide et le maquis minier mais pas du tout cet écosystème. Quand on voit qu'il n'y a plus que du gaïac, on comprend qu'il est important de repeupler la presqu'île avec les espèces endémiques et natives du milieu, glisse Maguy Naouna, directrice de l'association, qui a vu peu à peu les mentalités évoluer. La plupart d'entre nous fumons. Avant, on jetait les mégots, maintenant, on fait attention. Notre travail responsabilise les gens, même si les changements de comportement sont encore récents par ici. "

    Où ?

    La forêt sèche est répartie sur du foncier public (44 %), privé (42 %) et sur des terres coutumières (14 %). Parmi les sites remarquables accessibles au public : la presqu'île de Pindaï, le domaine de Déva et le Ouen Toro.

    Richesse.

    Près de 366 espèces de plantes forment la forêt sèche. Parmi elles, 221 espèces sont endémiques de la Nouvelle-Calédonie (60 %), dont 76 ne se rencontrent que dans cet écosystème.

    80 %.

    C'est en moyenne le taux de survie des jeunes arbres relevé lors des suivis, deux ans après les plantations.

    À quoi sert cet écosystème ?


    Les dix espèces plantées sur le site sont natives.

    Si elle est souvent méconnue, la forêt sèche (du moins ce qu'il en reste) abrite une grande variété de paysages et d'espèces animales et végétales souvent uniques au monde.

    "Pour les non avertis, c'est parfois un milieu qui peut donner l'impression d'être moins attrayant que la forêt humide d'un point de vue visuel, mais c'est un écosystème extrêmement intéressant et important pour l'homme car elle lui rend de nombreux services, notamment pour la ressource en eau", insiste Sophie Lefebvre, adjointe au pôle terrestre de l'Agence néo-calédonienne de la biodiversité (ANCB).

    "Ce milieu joue un rôle dans l'atténuation du changement climatique. "

    En clair, lorsqu'il pleut, le système racinaire de ces arbres favorise l'infiltration dans le sol, ce qui permet de recharger les nappes phréatiques. Sans cette formation, l'eau a tendance à ruisseler sur le sol et finir dans le lagon. Une capacité d'autant plus utile que, comme leur nom l'indique, les forêts sèches poussent dans les milieux les moins arrosés du pays, dans les zones de la côte Ouest où les précipitations n'excèdent pas 1 100 mm par an.

    Par conséquent, ces espèces sont adaptées aux longues, si ce n'est aux sévères périodes de sécheresse. Pour survivre à ces conditions difficiles, elles ont développé un réseau racinaire important, ce qui permet également de lutter contre l'érosion des sols.


    Depuis 2020, Maguy Naouna multiplie les chantiers de plantation sur la presqu'île.

    Urbanisation

    "Cet écosystème, enfin, joue un rôle dans l'atténuation du changement climatique puisque ses arbres stockent le carbone", ajoute Sophie Lefebvre. Depuis longtemps, l'installation puis l'augmentation des troupeaux d'élevage sur le littoral Ouest ont provoqué le défrichage d'immenses surfaces de forêt sèche.

    Considérée à l'époque comme une formation broussailleuse et sans intérêt, la forêt sèche a vu sa surface se réduire considérablement.

    Aujourd'hui, au-delà des incendies, la menace vient de l'urbanisation, notamment dans le Grand Nouméa.

    Sanctuaire de biodiversité

    Pour autant, de petits fragments de cet écosystème subsistent encore au cœur des villes. D'où l'intérêt de protéger tout autant qu'en Brousse, ces écrins isolés dans le paysage urbain qui sont un véritable sanctuaire de la biodiversité.

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