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    Nouvelle Calédonie
  • Par Olivier Poisson | Crée le 02.10.2019 à 06h36 | Mis à jour le 02.10.2019 à 07h13
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    Jacques Jeandot avait certes une passion pour la voiture, mais pas seulement. C’est ce que sa fille, Johanna, évoquait dans l’ouvrage retraçant les 40 ans du groupe Jeandot, en 2014 : « Il est aussi à l’aise avec un volant, qu’avec un guidon de quad ou un manche d’hélicoptère. Un jour, il s’est crashé alors qu’il était au-dessus du lagon. On nous a dit que c’était la première fois qu’un pilote privé arrivait à sauver à la fois l’équipage et la machine ! ». Photos GHJ
    Le patron de l’un des plus importants groupes de Nouvelle-Calédonie est décédé à 74 ans dans la nuit de lundi à mardi. Il laissera le souvenir d’un homme d’affaires avisé, parti de rien et qui a pris le risque, avec passion, d’entreprendre dans les moments les plus troubles. Aimé de ses collaborateurs, il laisse un grand vide.

    « Lorsqu’il y a 45 ans, j’ai pris la décision de quitter la Métropole et fait le choix de venir vivre dans le Pacifique, je ne me doutais pas de ce que nous serions aujourd’hui. Mes seules certitudes étaient que tout était possible. »

    C’est en 2014, alors qu’il célébrait les 40 ans du groupe qui porte son nom, que Jacques Jeandot écrivait ces lignes pour raconter, dans un très beau livret, son épopée.

    Car il s’agit réellement d’une grande aventure que celle de ce jeune homme de 23 ans, débarqué de la région lyonnaise avec sa seule valise à Nouméa, pour créer de toutes pièces l’une des plus remarquables sagas calédoniennes. Un homme qui a incarné l’esprit pionnier comme peu ont réussi à le faire. Dans la nuit de lundi à mardi, la Calédonie a perdu l’un de ses bâtisseurs.

    C’est seulement armé d’un chalumeau qu’il a commencé sa carrière en faisant des étanchéités. Mais le nickel lui tend rapidement les bras. Il achète sa première grosse pelle à M. Ohlen et effectue des chargements de minerai pour la SLN à Tontouta. Il parcourt désormais la Calédonie, construisant ici un aérodrome, décrochant là des contrats d’entretien de routes minières.

    Sentant le « boom du nickel » s’essouffler, en grand passionné d’automobile, il décide d’ouvrir un parking place Bir-Hakeim. Il ne le savait pas encore, mais il venait de poser la première pierre d’un groupe qui deviendra rapidement le leader incontesté de la vente auto.

    Il laissera surtout l’image d’un patron comme il n’en existe plus.

    Pourquoi un tel succès ? Tout simplement parce que Jacques Jeandot n’a jamais fait comme les autres. Sa meilleure arme des débuts n’était autre que le tuyau d’arrosage. Bien avant l’avènement du marketing, il avait compris qu’il devait bichonner les voitures et les camions comme personne d’autre n’était capable, ou n’avait le courage, de le faire. Ce petit plus, c’était déjà la marque de fabrique du groupe naissant. Son flair et son courage feront le reste. Parce que du courage, il en fallait au moment des Événements pour donner une nouvelle dimension à sa société. Importateur de véhicules neufs dès 1982, il rachète ses premières concessions en 1984 et en 1985 à un moment où tout était figé en Calédonie. L’impressionnante progression du Groupe Jeandot, dans lequel il a été rejoint par une bonne partie de sa famille, lui donnera raison (lire par ailleurs).

    Mais Jacques Jeandot était aussi un homme dont la passion ne s’arrêtait pas au seul sens des affaires. Le rallye en était une autre. Des années durant, il a sillonné les pistes calédoniennes. La team Jeandot a connu ses heures de gloire et certains pilotes de renom, à l’image de Jean Ragnotti, ont porté ses couleurs.

    Jacques Jeandot a transmis sa passion de l’automobile à toute sa famille. Il est ici avec son neveu Laurent.

     

    Sa course la plus incroyable s’est cependant déroulée bien loin du Caillou lorsqu’il prit place derrière le volant d’une « cox caldoche » de 50 chevaux pour la mythique Londres-Sydney. Aux côtés de Werner Koch, il s’est embarqué pour un périple de 30 000 kilomètres qui s’est terminé par une incroyable étape australienne de 13 000 kilomètres sans dormir. A l’arrivée, une première place chez les amateurs et le respect de professionnels aussi prestigieux que Jean Todt, l’actuel patron de la Fédération internationale de l’automobile (FIA), avec lequel il s’était remémoré cette étonnante aventure il y a quelques mois à Nouméa. Pilote de quad ou d’hélicoptère émérite (il a réussi à sauver les occupants et l’appareil lors d’un crash), grand amateur de cuisine et de musique, Jacques Jeandot aura eu de multiples passions qu’il partageait le plus souvent avec sa famille.

    Il laissera surtout l’image d’un patron comme il n’en existe plus. Celui d’un homme qui aura su mêler une gestion paternaliste de ses équipes et un sens des affaires d’une impressionnante modernité.

    A sa famille, à ses proches ainsi qu’à l’ensemble de ses collaborateurs, Les Nouvelles calédoniennes adressent leurs plus sincères condoléances.


    Du parking à la holding

    C’est en compagnie du directeur Asie-Pacifique de Porsche que Jacques Jeandot a inauguré, en 2008, la première concession de la marque allemande sur le Caillou.

     

    - « J’ai fait un coup magnifique aujourd’hui ».

    - «Ç a y est, tu es riche ? » - « Ma boîte est riche, mais mes poches sont à l’envers ».

    Ce dialogue, raconté par l’une de ses amies, résume parfaitement les qualités d’entrepreneur et le goût du risque, toujours savamment mesuré, de Jacques Jeandot. C’est d’ailleurs dans des années bien troubles qu’il donne la plus grande impulsion à ce qui n’était pas encore un groupe et allait devenir un véritable petit empire. Après Kia et Volvo en 1984, il rachète d’abord la Satma et ses mythiques Land Rover en 1985. La même année, il crée la société de location longue durée Nouméa Renting qui permet de proposer une solution alternative aux banques. C’est là encore une énorme prise de risque à cette période.

    Au-delà des chiffres, le groupe Jeandot c’est un savoir-faire qui ne doit rien au hasard

    Comme souvent avec lui, ce sera un coup gagnant puisque cette société permettra de développer la vente de matériels industriels coûteux à partir des années quatre-vingt-dix. La reprise de la marque Renault sera à son tour, en 1988, un puissant levier pour le développement du groupe. Tout comme les rachats d’Audi, de Porsche et de Volkswagen en 1992 qui lui donneront ses lettres de noblesse. Sans être exhaustif, Ford, Fiat, Dacia, Jaguar ou encore Jeep s’ajouteront petit à petit à ce qui ressemblait de plus en plus à un tableau de chasse. Renault trucks, Volvo et Tatra, du côté des poids lourds, seront aussi de la partie aux côtés d’une multitude de marques de matériels industriels.

    Au total, ce sont plus de 350 collaborateurs qui travaillent au quotidien pour ce qui est devenu la Holding Jeandot, qui regroupe aussi la compagnie aérienne Air Alizé, spécialiste de l’Evasan.

    Mais au-delà des chiffres, le groupe Jeandot c’est un savoir-faire qui ne doit rien au hasard. Jacques Jeandot était le genre de patron à venir saluer ses employés tous les jours, mais il faisait aussi preuve d’une grande exigence. Les véhicules devaient être rutilants et il voulait voir jusqu’au parfait alignement des roues sur le parking. Pour lui, un client devait toujours être reçu comme un roi et ne devait jamais attendre. C’est aussi dans cette optique qu’il a fait le pari, contrairement à ses concurrents, de disposer d’importants stocks de véhicules sur le territoire. Appelés les « stock-men» pour cette raison, les hommes du groupe Jeandot ont commencé à vendre davantage que les autres dans les années 1980 grâce à cette méthode, là encore innovante. Et s’il ne devait rester qu’un exemple de cette vision, ce serait avec le Ford Ranger. Il croyait en ce véhicule et voulait le voir sur les routes. Quand ses collaborateurs avaient prévu d’en commander 30, il insista pour en prendre 150. Là encore, il avait vu juste puisque ce pick-up est la voiture qui s’est le mieux vendue en Calédonie dans la dernière décennie.

    Il faut dire que le Caillou, il l’appréciait comme personne et le comprenait très bien. Il n’aimait d’ailleurs que rarement le quitter, sauf peut-être pour essayer quelques nouveaux bolides sur les rares autoroutes européennes qui n’ont pas encore de limitations de vitesse. L’automobile, toujours…


    Patron de presse et de radio

    Lors de l’inauguration des locaux du Gratuit à Normandie, en compagnie de sa fille Johanna et de Gérard Dinet, le directeur du journal gratuit.

     

    Le Gratuit et Le Gratuit Nord, Les Nouvelles calédoniennes, NRJ ou encore l’imprimerie des IRN : Jacques Jeandot présidait aussi aux destinées du groupe Melchior.

    C’est en 1992 qu’il a racheté Le Gratuit. Avec sa fille Johanna, qui en a pris la direction générale, il s’est toujours attaché à faire de ce journal un outil indispensable à la vie des Calédoniens. Son histoire avec Les Nouvelles calédoniennes est plus mouvementée.

    C’est Gérard Dinet, un ancien directeur du Gratuit, qui raconte : « Alors qu’il était dans un avion de ligne pour Paris, un homme avait allumé un cigare et enfumait tout le monde. Jacques Jeandot s’est levé pour le prier de l’éteindre. C’était Morny, le bras droit de Hersant, qui venait de racheter Les Nouvelles. Il a non seulement refusé d’éteindre son cigare, mais il a aussi pris Jacques de haut, insistant sur son statut de directeur des Nouvelles. A ce moment-là, Jacques lui fit la remarque suivante : “ Vous avez l’apparence d’un porc et vous en avez les manières” . Peu après son retour de Métropole, il rachète le Nouméa édito, qui était moribond. C’est le début du Gratuit, qui deviendra le principal concurrent commercial des Nouvelles. Au point que le groupe Jeandot sera en position de racheter le quotidien 20 ans plus tard ».

    Homme de presse, Jacques Jeandot était aussi un grand amateur de musique (lire par ailleurs) et la reprise d’NRJ lui a permis d’échanger à l’envi sur les groupes qu’il adorait avec le directeur d’antenne, Ricardo. Bien sûr, en passionné, il cherchait à obtenir toujours un peu plus de rock sur la station.


    Président

    Jacques Jeandot était le président du groupe Melchior dont les Nouvelles calédoniennes font partie. Hier, à 14 heures, les salariés ont tenu à lui rendre hommage en observant une minute de silence.


    « Une main sur le cœur, l’autre sur le volant. »

    Jacques Jeandot était aussi un mécène. En 1999, il a créé Les Autos du Cœur qui étaient destinées à soutenir des actions en faveur de l’enfance « malheureuse ». Des dizaines d’associations et de particuliers bénéficieront d’une aide conséquente prélevée sur chaque véhicule vendu.

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