fbpx
    Nouvelle Calédonie
  • Mathurin Derel | Crée le 23.10.2025 à 16h33 | Mis à jour le 31.10.2025 à 17h09
    Imprimer
    Le tribunal a condamné le prévenu à un an de prison avec sursis et cinq ans d’interdiction d’exercice de la profession d’éleveur porcin. Photo Archives LNC/NikO VinCent
    Le tribunal correctionnel de Nouméa a condamné, jeudi 23 octobre, un éleveur de porcs à Moindou, à un an d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’interdiction d’exercer la profession d’éleveur porcin, pour avoir poursuivi son activité près de vingt ans malgré de nombreuses mises en demeure restées sans effet. Une décision qui souligne en creux les carences de la réglementation en cas de destruction de l’environnement.

    L’absence du prévenu, jeudi matin, a interrogé l’ensemble des parties du dossier. Autant les parties civiles que le ministère public et le tribunal avaient de nombreuses questions à poser à Philippe Postic, exploitant d’une porcherie depuis 2004. Malgré les années, l’agriculteur était totalement en dehors des clous, bien qu’il soit soumis au régime relativement strict des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

    Le rappel des faits du président du tribunal a de quoi surprendre. En près de 20 ans, Philippe Postic aura fait l’objet de 11 inspections et cinq mises en demeures qui seront systématiquement restées lettre morte, l’agriculteur n’ayant jamais fait suite aux injonctions de l’administration provinciale. Surconcentration d’animaux (200 au lieu de 137), mauvaises gestions des cadavres d’animaux et, pire, des fosses à lisier débordant directement dans la Méaoué.

    Des années de laxisme administratif

    Résultat, à l’aval immédiat de la ferme, les analyses ont montré une hausse alarmante d’Escherichia coli et la présence de Salmonella typhoidienne, bactéries nocives pour la faune aquatique et la santé humaine. Les rejets s’écoulaient vers la mangrove et la baie du Moindou, zones inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco et garde-manger des tribus voisines dont le conseil des clans de Moméa et Kélé s’était constitué partie civile.

    Une affaire qui se retrouve devant la justice non pas à la suite d’un signalement de l’administration provinciale, mais du travail du collectif d’associations Ensemble pour la Planète, représentée par Martine Cornaille, et Mylène Aïfa, la présidente du Comité de la zone côtière ouest. "Ce qui est extrêmement choquant, c’est la durée de ces dysfonctionnements, près de vingt ans. Bien sûr, M. Postic en porte la responsabilité, mais la tutelle provinciale a aussi la sienne, pour ne pas avoir ordonné suffisamment tôt la fermeture de l’élevage, alors même qu’on est sur un site éminemment sensible reconnu par l’Unesco comme patrimoine mondial. On a laissé faire et ce n’est pas normal", a dénoncé au tribunal Martine Cornaille.

    Paradoxalement, la province, représentée à l’audience, a "exig (é)" de la part du tribunal "une sanction exemplaire". Une déclaration qui tranche avec celle du ministère public : "on peut vraiment regretter le fait que les premières mises en demeure n’aient pas été suivies soit d’une saisine immédiate du parquet, soit d’une fermeture. […] Imaginez la même chose en métropole : jamais une situation pareille n’aurait pu se produire, et encore moins durer aussi longtemps. L’administration a été très laxiste."


    L’exploitation agricole située sur la Méaoué, à Moindou, a fait l’objet de cinq mises en demeure sans qu’aucune sanction administrative ne soit prononcée. Cette exploitation impactait pourtant directement la Zone côtière ouest, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Photo Georep NC

    L’avocate de la partie civile, Me Cécile Moresco, a également rappelé que la province Sud avait même insisté pour aider financièrement l’éleveur à se mettre en conformité, ce qu’il a décliné. "J’ai envie de dire à la province Sud, augmentez un peu les subventions, qui sont dérisoires et quasiment nulles aujourd’hui, aux associations qui œuvrent tous les jours pour la protection du patrimoine", a ironisé Me Moresco.

    Un cadre environnemental aux failles béantes

    Au-delà des conséquences pour la faune et la flore, la baie impactée est un lieu de pêche et de baignade de nombreux habitants. "Aujourd’hui, on ne sait même pas si l’activité est arrêtée ou si elle continue. Ce qui est sûr, c’est que nous, on avait déjà interpellé les pouvoirs publics de la province, et malgré tout ce qui a été constaté, rien n’a bougé. Rien. Alors on continue de pêcher, parce qu’on n’a pas le choix. Nos enfants sont toujours là, on continue de pêcher pour se nourrir et pour vendre aussi", a interpellé Franck Sanon à l’adresse des pouvoirs publics au nom du conseil des clans de Moméa et Kélé.

    Les échanges ont également mis en lumière la faiblesse du cadre réglementaire en matière de protection de l’environnement. "Si j’étais en métropole avec le code de l’environnement de France, je ne poserais pas toutes ces questions, parce que dans le code français, les dégradations spécifiques à l’environnement existent et elles sont punies, et pas par des peines de six mois. […] On a même créé un écocide, qu’on considère comme un crime", a encore souligné le parquet. Ce dernier s’est également étonné des déclarations du prévenu lors de son audition par les gendarmes. "M. Postic, lui, il fait comme on fait ici, en Nouvelle-Calédonie : on réfléchit après. […] L’idée de M. Postic, c’est qu’en Nouvelle-Calédonie, on fait n’importe quoi et on régularise après. C’est un peu bizarre comme mentalité."

    "Est-ce que mon client a respecté les règles ? Je vais le dire clairement, non. […] Il a fait n’importe quoi", a admis l’avocat de la défense, Me Pierre Ortet. Ce dernier a néanmoins souligné l’absence de cadre réglementaire et les manquements de la procédure. Il a en particulier pointé du doigt l’absence de prélèvements dans le lisier pour vérifier la présence des bactéries mises en cause.

    Des arguments qui n’auront pas retenu l’attention du tribunal. Philippe Postic a été reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés et condamné à un an de prison avec sursis, l’interdiction d’exercer la profession d’éleveur pendant cinq ans et le versement d’un million de francs aux parties civiles pour le préjudice écologique, 500 000 francs pour le préjudice moral ainsi que 50 000 francs au titre des frais de justice engagés par les parties civiles. L’avocat de la défense a fait savoir aux Nouvelles calédoniennes que M. Postic pourrait faire appel de la décision du tribunal.

    MERCI DE VOUS IDENTIFIER
    X

    Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.

    J'AI DÉJA UN COMPTE
    Saisissez votre nom d'utilisateur pour LNC.nc | Les Nouvelles Calédoniennes
    Saisissez le mot de passe correspondant à votre nom d'utilisateur.
    JE N'AI PAS DE COMPTE

    Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
    Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement.
  • DANS LA MÊME RUBRIQUE
  • VOS RÉACTIONS