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    Nouvelle Calédonie
  • Frédérique de Jode / L Calédonie | Crée le 21.04.2024 à 05h00 | Mis à jour le 21.04.2024 à 10h34
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    Dans l’Hexagone, un élève sur cinq affirme avoir été victime de violences répétées. Sur le Caillou, impossible d’avancer des chiffres car aucun sondage ni étude n’ont été réalisés sur le sujet. Photo DR
    Violences verbales, physiques, psychologiques, racket, le harcèlement scolaire revêt différentes formes. La lutte contre cette persécution, qui est reconnue comme un délit pénal depuis mars 2022, est une priorité du vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie comme à l’échelle nationale. Un dossier réalisé par Frédérique de Jode pour notre partenaire, le magazine L Calédonie.

    Ils s’appelaient Nicolas, Lindsay, Lucas. Ils avaient 15 ans et 13 ans. Ils se sont suicidés tous les trois en 2023, victimes de harcèlement scolaire. Des adolescents qui ont subi l’impensable. Des drames suscitant en Métropole indignation, consternation et prise de conscience collective. À tel point que l’ancienne première ministre, Élisabeth Borne avait déclaré à l’Assemblée nationale vouloir " faire de la lutte contre le harcèlement la priorité absolue de la rentrée 2023 ".

    Dans l’Hexagone, un élève sur cinq affirme avoir été victime de violences répétées, selon une étude menée par l’Ifop en ligne, entre les 13 et 22 septembre 2023, auprès d’échantillons représentatifs de 1 001 jeunes scolarisés au collège et au lycée. Pour 16 % des victimes, le harcèlement, principalement groupé, durerait plus d’un mois.

    En augmentation

    En Nouvelle-Calédonie, combien d’élèves sont-ils harcelés lors de leur scolarité ? " Nous ne savons pas vraiment puisque nous n’avons pas de chiffres, appuie Virginie Mucia, vice-présidente de l’UGPE, Union des groupements des parents d’élèves. Nous les attendons impatiemment. " Mais est-ce que ce phénomène a pris de l’ampleur ? " En dix ans, je trouve que les cas sont en augmentation, poursuit Virginie Murcia. Et ce n’est plus un phénomène réservé aux garçons. Les filles prennent part au harcèlement malheureusement. "

    Le harcèlement se définit comme une violence répétée qui peut être verbale, physique et/ou psychologique, une relation de pouvoir qui blesse ou écrase l’autre qui se répète et dure pendant un certain temps. Le phénomène se prolonge de plus en plus en ligne, on parle alors de cyberharcèlement. " Le harcèlement scolaire ne s’arrête pas dans l’enceinte de l’établissement, il se poursuit aux abords, dans le quartier et à la maison via les réseaux sociaux ", souligne Virginie Murcia.


    Photo DR

    Il peut commencer très tôt, en primaire, et se poursuivre au collège, au lycée. Le harcèlement se fonde généralement sur le rejet de la différence et sur la stigmatisation de certaines caractéristiques, telles que : l’apparence physique (le poids, la taille, la couleur de la peau), le sexe, l’identité de genre (garçon jugé trop efféminé, fille jugée trop masculine, sexisme), l’orientation sexuelle ou supposée, le handicap (physique, psychique ou mental). Une méchanceté parfois gratuite, sans aucun point de départ, tout simplement parce que l’on sent une fragilité chez la victime.

    Invisibilité

    Comment reconnaître un élève qui subit cette violence ? " C’est très difficile car les élèves harcelés ne veulent pas le dire de peur que les représailles soient amplifiées ", relève Virginie Murcia. C’est ce qui s’est passé pour Élodie, harcelée à 13 ans, par un groupe de filles. " C’est ma mère qui s’est rendue compte qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Quand je lui ai raconté, elle a voulu immédiatement aller voir le principal et la vie scolaire mais je l’ai suppliée de ne pas le faire car j’avais trop peur des conséquences. Je ne voulais même pas en parler à la police comme le voulait ma mère. "

    Certains parents ne décèlent pas que leur enfant est victime de harceleurs. Des signes existent qui peuvent alerter, comme un décrochage scolaire ou un stress d’aller en classe.

    Le plus souvent, le harcèlement se dissimule derrière des violences qui s’accumulent jusqu’à susciter un sentiment de honte, de persécution et d’isolement chez l’élève harcelé. " C’est un phénomène difficile à appréhender, explique Gérald Giacomino, conseiller technique sécurité auprès du vice-rectorat de Nouvelle- Calédonie. Lorsqu’il y a harcèlement, la règle est de rendre invisible ce qui se trame autant du côté de l’harceleur que du côté des harcelés et des témoins. Certains parents ne décèlent pas que leur enfant est victime de harceleurs. "


    Illustration L Calédonie

    Des signes existent qui peuvent alerter, comme un décrochage scolaire ou un stress d’aller en classe. " Je ne mangeais quasiment plus et je ne voulais plus aller au collège. Alors que j’étais une bonne élève, mes notes ont chuté car je ne travaillais plus, j’étais obsédée par ces filles qui me harcelaient ", se souvient Élodie.

    Que faire ?

    Depuis mars 2022, le harcèlement scolaire est reconnu comme un délit pénal et peut-être puni d’une peine de prison et d’une amende. " Cela signifie qu’un élève victime de harcèlement scolaire peut porter plainte auprès de la police ou de la gendarmerie, poursuivre l’harceleur au tribunal et des sanctions pénales peuvent être prononcées à l’encontre de l’auteur des faits ", souligne Gérald Giacomino. " Le problème est que les décisions de justice prennent entre dix-huit mois et trois ans ", poursuit Virginie Murcia.

    Entre-temps, il faut impérativement mettre en place des mesures pour protéger la victime. Une fois que le chef d’établissement scolaire a été alerté par les parents, l’harceleur, selon la gravité des faits, peut être convoqué en conseil de discipline et d’éducation qui prendra une sanction qui peut aller jusqu’à l’exclusion de l’établissement.


    Photo DR

    La réaction habituelle est de déplacer la victime. " Je ne pouvais plus retourner au collège. Ma mère m’a inscrite dans un autre collège où j’ai pu reprendre une scolarité normale. Mais je suis restée traumatisée durant plusieurs années ", souligne Élodie. Un suivi psychologique des victimes est indispensable dans le processus de reconstruction.

    " Cet accompagnement psychologique doit permettre à l’élève de ne plus être angoissé et d’éviter à tout prix que se déclenche une phobie scolaire, appuie Virginie Murcia. Cela arrive chez les élèves harcelés. Leur avenir est en jeu. "


    Le premier numéro de L Calédonie est sorti le 7 mars.

    05 30 30

    À retenir, le numéro de SOS Écoute, 05 30 30, destiné aux parents et aux élèves pour déclarer une situation de harcèlement. Un numéro vert et gratuit. Un professionnel vous conseillera sur les démarches à suivre. Autre option, contacter directement le chef d'établissement ou encore le vice-rectorat au 26 62 44.

    Un protocole de lutte contre le harcèlement scolaire


    Les 50 collèges publics du territoire doivent être dotés, d’ici la fin de l’année, de ce protocole mis en place par le vice-rectorat. Le temps de mener des sessions de formation de l’ensemble des personnels de l’éducation auxquelles peuvent participer les parents d’élèves. Porté par une équipe dédiée au sein du vice-rectorat, ce protocole doit répondre à l’objectif d’accompagner les chefs d’établissement et l’ensemble des équipes pédagogique et éducative des établissements scolaires du second degré en Nouvelle-Calédonie dans l’identification et la prise en charge des situations de harcèlement des élèves. " Notre équipe intervient dans les collèges publics afin de former sur deux jours le personnel qui travaille dans l’établissement, précise Gérald Giacomino, conseiller technique sécurité au vice-rectorat. Les parents d’élèves sont également invités à y participer. "

    Repérer

    Le protocole vise en premier lieu à repérer, détecter le moindre signal d’un mal-être chez un élève et donner à toute la communauté éducative des directives vers qui se tourner, en général vers une équipe ressource, formée dans le cadre du traitement des situations de harcèlement pour résoudre la situation et être en lien avec les familles. Quant aux parents, ils peuvent se rapprocher du chef d’établissement, de la vie scolaire ou encore de l’infirmier (ière) ou de l’assistante sociale.

    Méthode

    Tout en sécurisant et accompagnant la victime, il est proposé de se baser sur la méthode Pikas ou la méthode de préoccupation partagée pour la résolution de situations de harcèlement qui n’impliquent pas de violences graves.

    " L’idée, c’est d’intervenir le plus tôt possible avant que cela ne devienne du harcèlement et de rendre acteur le harceleur, souligne Gérald Giacomino. L’objectif est de faire prendre conscience au harceleur de la portée de ses actes, qu’il change de posture et de construire une solution partagée. "

    Une fois ces étapes passées, il est possible d’organiser une médiation entre la victime, si elle est prête, et son harceleur. Outre la méthode Pikas, des programmes de prévention sont dispensés dans les établissements tout au long de l’année. Intervention des forces de l’ordre et également des élèves eux-mêmes pour sensibiliser et lutter contre ce fléau, avec le programme des élèves ambassadeurs dont la mission est d’être vigilants.

    Plan ministériel du 27 septembre 2023

    Contre le harcèlement scolaire, de nouvelles mesures ont été prises par l’exécutif français : grille d’autoévaluation du CE2 à la troisième sur le bien-être à l’école, saisine du procureur systématique en cas de signalement ou de plainte, confiscation du téléphone des harceleurs, cours d’empathie à la rentrée de septembre 2024 et création d’une cellule anti-harcèlement dans chaque rectorat.

    Note

    Retrouvez les infos de L Calédonie sur sa page Facebook. Le magazine, sorti début mars, est toujours disponible dans la plupart des tabacs presse.

    Les photos utilisées dans ce dossier sont volontairement tirées d’une banque d’images.

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