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    Nouvelle Calédonie
  • Par Anthony Tejero | Crée le 19.10.2018 à 06h35 | Mis à jour le 19.10.2018 à 06h41
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    Le gouvernement estime par ailleurs que deux tiers des communes ne garantissent pas d’eau potable et propre toute l’année. Infographie : Patrica Crezen
    C’est une première. Le gouvernement a dévoilé les chiffres sur les usages et les ressources en eau en Calédonie. Le constat est alarmant. Menaces environnementales sur la majorité des captages et rivières, gaspillage en ville comme en Brousse, méconnaissance du milieu naturel... Autant de raisons qui ont poussé les élus à lancer une politique de l’eau partagée.

    « S’il n’est pas encore catastrophique, le constat est très préoccupant », lâche Nicolas Metzdorf, le porte-parole du gouvernement, qui vient de dévoiler des chiffres inédits sur la situation de l’eau en Nouvelle-Calédonie. Ce diagnostic posé mercredi, lors du lancement d’une politique de l’eau partagée (lire par ailleurs), est pour le moins effarant.

    Ainsi, en 2018, 7 % des ménages n’ont toujours pas accès à une eau potable ou traitée. Un taux qui explose et avoisine les 40 % de la population sur la Côte Est. Au-delà du manque d’infrastructures, ce phénomène s’explique notamment par une grande méconnaissance des ressources et des milieux naturels : selon le gouvernement, seule une dizaine des 33 communes du Caillou sont suivies en matière d’eau brute, prélevée dans les captages d’eau souterraine ou de surface. Pire, un tiers de ces zones de captage sont considérées comme vulnérables et un quart se situent en milieu minier. « Nous ne nous attendions pas du tout à de tels chiffres, avoue Didier Poidyaliwane, élu en charge du développement durable. L’un des faits les plus marquants, ce sont les périmètres autour de ces captages d’eau qui sont dégradés à hauteur de 90 % sur toute la Calédonie.

     

    Il y a urgence à reconnecter les Calédoniens à la nature.

     

    C’est énorme. C’est à la fois dû aux espèces envahissantes, aux cerfs et à l’érosion qui s’aggrave en raison des feux. Aujourd’hui, l’une des priorités est de sanctuariser ces espaces. »

    Disparition de rivières

    Les menaces sur la ressource liée à l’environnement sont particulièrement nombreuses. « On estime que 600 km de cours d’eau sont surengravés. Cela représente une fois et demie la Calédonie en longueur, poursuit Nicolas Metzdorf. C’est-à-dire qu’il y a une présence de matières premières issue de la mine ou de l’érosion qui ne devraient pas naturellement être présentes dans le lit de la rivière et qui fait que l’eau ne coule presque plus ou du moins qu’elle est infiltrée. Comme la Moindah, à Poya, qui est devenue une rivière souterraine. »

    Près de 300 personnes étaient réunies, à la Communiqué du Pacifique Sud, mercredi, afin de présenter les grandes lignes de la PEP. Photo : A.T.

     

    Pourtant, au chapitre de la consommation quotidienne, bon nombre de Calédoniens font figure de mauvais élèves. Alors que les Métropolitains et les Australiens utilisent 130 à 175 litres par jour et par personne, ce taux passe à 350 litres dans le Grand Nouméa et s’envole en Brousse, pouvant atteindre jusqu’à 1 600 litres sur la côte Est. « On peut expliquer cet écart par le phénomène de gratuité, estime Nicolas Metzdorf. Le tarif est fixé par les communes. Nouméa est la ville la plus chère et c’est là où l’on observe le moins de consommation, alors que certaines communes de la côte Est ne facturent pas ce service. » La lutte contre le gaspillage est ainsi l’un des principaux enjeux de la mise en place d’une politique de l’eau partagée, dont l’objectif est de réduire cette consommation quotidienne à 150 litres à l’horizon 2025.

    « Il y a urgence à reconnecter les Calédoniens à la nature car ils croient que l’eau est abondante sur notre Caillou. Mais en fin de compte, on est arrosés qu’une partie de l’année », rappelle Didier Poidyaliwane. « La Calédonie a oublié que la gestion de l’eau était fondamentale à partir du moment où l’adduction en eau potable s’est développée et qu’il a suffi d’ouvrir le robinet, martèle le porte-parole. Il y a un gros travail à faire sur l’obtention de données car les chiffres présentés aujourd’hui, c’est tout ce dont nous disposons. Est-ce qu’on a cartographié les zones susceptibles d’être touchées par un manque d’eau ? Non. Est-ce qu’on a défini les périmètres des ressources stratégiques qu’il faut à tout prix préserver ? Non. On est au tout début. Comme le système de santé qui fonctionne et qu’on ajuste d’année en année, comme le tourisme ou encore l’agriculture, l’eau doit devenir un secteur à part entière qui doit se gérer. »

     

    L’agriculture consomme 70% de la ressource du pays

    Le développement de l’agriculture, ici une récolte de squash à Bourail, est un enjeu stratégique pour l’autonomie alimentaire de la Nouvelle-Calédonie. Photo Archives Julien Cinier

     

    Les conclusions de la politique de l’eau partagée (PEP) ont été présentées par le gouvernement, mercredi. Un dossier de longue haleine mis sur la table lors du forum H2O, organisé en avril et qui avait réuni près de trois cents professionnels durant trois jours. De ces débats est ressortie une feuille de route pour le moins ambitieuse qui réunit 708 actions à mettre en oeuvre en quinze ans. 

    Sensibilisation des familles sur les usages de l’eau, préservation des milieux naturels, amélioration des réseaux d‘assainissement… Parmi les six « objectifs stratégiques » fixés, sans surprise l’agriculture tient une place prépondérante. Car ce secteur d’activité concentre près de 70 % de la consommation d’eau du pays. « L’agriculture a été le gros détonateur de cette politique. Si on ne fait rien, c’est ce domaine qui souffrira en premier parce qu’à ressource égale, un élu choisira toujours d’orienter l’eau vers la population, entame Nicolas Metzdorf, membre du gouvernement en charge de l’élevage et de l’agriculture. Pourtant, on a un objectif d’autosuffisance alimentaire et on a besoin de 20millions de mètres cubes en plus pour atteindre ce but. »

    Bientôt des exploitations pilotes pour l'irrigation

    Dans un premier temps, la feuille de route de la PEP prévoit ainsi de maîtriser l’eau afin d’augmenter la production locale à hauteur de 50% des besoins d’ici 2030. Mais encore faut-il que la modernisation des techniques d’irrigation suive. « L’enrouleur par exemple n’est pas l’outil le moins consommateur d’eau. Il faut donc adapter l’irrigation aux besoins spécifiques de chaque culture, poursuit l’élu.

     

    On a besoin de 20millions de mètres cubes d’eau supplémentaires.

     

    Changer ces équipements appartient à l’agriculteur, mais il n’est pas seul. » Car des aides financières pourront être octroyées aux exploitants et ce dès l’an prochain. « Nous créerons au 1er janvier l’Agence rurale qui lancera alors des appels à projets pour des exploitations pilotes en termes de gestion de la ressource en eau. Dans ce cadre, nous pourrons apporter une aide financière à l’achat de matériel innovant, détaille le porte-parole du gouvernement, qui rappelle que la collectivité doit en parallèle mettre la main au porte-monnaie afin de développer de nouvelles structures en vue d’une gestion plus raisonnée. Notre travail, c’est aussi d’améliorer le stockage de l’eau sachant que 70 % de la pluie tombe durant les quatre à cinq premiers mois de l’année, et ensuite plus rien. Le monde agricole se retrouve souvent en pénurie d’eau à la fin de l’année. On a réalisé des retenues collinaires, mais il y a aussi les barrages de moyenne envergure comme La Tamoa ou la Ouaménie que l’on pourrait multiplier afin de parvenir à une irrigation et un stockage d’eau de pointe et adapté. »


    Savoir +

    Plus d’informations sur la politique de l’eau partagée sur le site www.forumh2o.nc

     

    Repères

    Le casse-tête de la gouvernance de l’eau La répartition de la gestion de l’eau est pour le moins complexe. En bref, les communes gèrent l’adduction en eau potable, les provinces tout ce qui est relatif au développement économique et donc à l’eau consommée par l’agriculture, le gouvernement est responsable du domaine public fluvial sauf lorsqu’il se situe sur terre coutumière, auquel cas ce sont les autorités coutumières qui gèrent. L’un des objectifs de la mise en place d’une politique de l’eau partagée (PEP) est donc d’adopter une gouvernance commune sur cette question. « La première étape est de définir les actions concrètes à mettre en œuvre pour résoudre les problématiques : desengraver les rivières, assainir, apporter l’eau nécessaire à l’irrigation et ensuite viendra la problématique de la gouvernance pour mettre en oeuvre cette politique publique », juge bon de préciser Didier Poidyaliwane.

    Puiser l’eau souterraine ?

    L’une des carences pointées par la PEP est un manque d’informations sur l’eau à l’échelle du pays. « Collecter les données n’est pas quelque chose qui va coûter très cher, mais cela va demander du temps car on a une connaissance qui est quand même partielle, notamment sur les eaux souterraines, analyse Gérard Fallon, directeur de la Davar. La connaissance des eaux souterraines est très importante pour faire le lien avec les périmètres de protection d’eau potable. Aujourd’hui, on protège surtout les eaux de surface très vulnérables. Mais peut-être que dans certains cas, la solution serait d’aller chercher l’eau plus en profondeur, même si c’est plus coûteux. » 

     

    708

    C’est le nombre d’actions concrètes qui doivent être réalisées à court, moyen et long termes dans le cadre de la politique de l’eau partagée.

     

    Zones inondables

    On estime que 13 000 bâtis sont recensés en zone inondable en raison du retard de la mise en place de règles d’aménagement.

     

    Assainissement

    Deux des trois provinces n’ont pas de règles sur l’assainissement individuel et 40% des foyers nouméens ne sont pas raccordés au réseau.

     

    Houaïlou

    Au vu de la réduction des ressources, il y a trois semaines, le maire de Houaïlou a déjà appelé les habitants à prendre des précautions sur l’usage de l’eau.

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