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    Nouvelle Calédonie
  • Par Yann Mainguet | Crée le 13.09.2018 à 06h41 | Mis à jour le 13.09.2018 à 10h46
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    L’histoire calédonienne, souvent heurtée, a divisé les habitants. Leur rapprochement passe notamment par l’information au travers des conférences, des ouvrages ou du travail journalistique. Photos NC la 1ère Extraits « Les chemins de l’Histoire » et Le Mémorial calédonien
    La chaîne Nouvelle-Calédonie la 1ère diffuse, ce soir à 20 heures, un nouveau documentaire de la série « Les chemins de l’Histoire ». Place cette fois à la période douloureuse 1984- 1988. Ce travail journalistique de qualité amène les Calédoniens à s’interroger, à la veille du référendum, sur le partage de leur passé commun, souvent lourd et complexe.

    La Nouvelle-Calédonie est-elle en paix avec son histoire ? La question, aux reflets de sujet de thèse, traverse aujourd’hui le petit écran. Si une large majorité de téléspectateurs apprécie la série mensuelle « Les chemins de l'Histoire » diffusée sur Nouvelle-Calédonie la 1ère, la direction de la chaîne a recensé quelques commentaires d’habitants choqués, voire inquiets devant certaines images.

    Ces réactions, faibles en nombre, interrogent toutefois sur la capacité du territoire à intégrer et à vivre avec son passé. L’entièreté de son histoire. Le retour de la relique d’Ataï, icône de l’insurrection de 1878, sur sa terre d’origine en septembre 2014, a fait grincer des dents. La direction du Cinécity à Nouméa avait refusé de projeter sur ses écrans le film L'ordre et la morale de Mathieu Kassovitz en novembre 2011. Ce qui avait entraîné une vague de protestations. Et puis, de la prise de possession à la Fête de la citoyenneté, en passant par le jour de deuil, le 24 septembre a revêtu plusieurs significations... 

    Il ne faut pas confondre histoire et mémoire

    Un préalable, « la Nouvelle-Calédonie est encore une société fragile », observe l'historien Ismet Kurtovitch. Une terre en construction marquée par des conflits et des réconciliations, où des plaies peinent malgré tout à cicatriser. Les analystes se refusent néanmoins à parler de sujets « tabous ». Seuls comptent une lecture dépassionnée et l’alignement des faits. « Il ne faut pas confondre histoire et mémoire », signale Cynthia Debien-Vanmaï, professeure en lycée. Les courants mémoriels ont leur légitimité. La mémoire, subjective, a parfois été récupérée et manipulée par les politiques dans leur propre logique. Cette utilisation pas si surprenante, a semé de la confusion. Aux historiens donc d’appliquer des méthodes de recherche et de la rigueur scientifique.

    La réforme passe mal

    Sauf qu’un champ du passé, exploré par les journalistes, subit un manque. « L’histoire des « Evénements » entre 1981 et 1989 est à écrire. Oui, elle est et elle reste le segment le plus douloureux de l’histoire contemporaine de la Nouvelle-Calédonie en raison principalement de sa proximité dans le temps - une trentaine d’années -, des souffrances endurées et de la permanence des enjeux fondateurs », explique l'historien Olivier Houdan. De plus, « le bilan économique des « Evénements » n’a pas encore été traité ». Le défaut de références historiques sur cette période troublée rend sa sensibilité plus vive à l’approche du référendum 2018.

    Pourtant, dans les classes calédoniennes, « il y a une écoute très attentive des élèves lorsque sont abordés les « Evénements » », note Cynthia Debien-Vanmaï. Cette attitude traduit une réelle demande d’éclairage de la part des jeunes sur ces années sombres. Une parenthèse lourde qui nécessite une mise en perspective avec le traitement tout d’abord de la colonisation, au dire d’enseignants. Mais ce travail s’avère difficile, semble-t-il, depuis la réforme du lycée sous l’ère du président de la République Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2012. L’histoire calédonienne n’est plus traitée à part entière comme autrefois, mais doit être glissée, articulée, dans le programme sur l’histoire nationale. Cette formule de « la contextualisation » est critiquée.

    Si le passé pèse, conférences et ouvrages se multiplient, les gens se rapprochent et échangent, les historiens l’admettent. La dernière phrase du livre « Le pays du non-dit », de Louis-José Barbançon, publié en 1992, est toujours valable. « Si la Nouvelle-Calédonie, de la Grande Terre aux Iles, ne mérite pas encore d'être appelée le Pays de la libre Parole, j'aperçois néanmoins, pour bientôt, des lendemains qui parlent ». 

     

    « Il faut quand même expliquer d’où l’on vient »

    ANTOINE LE TENNEUR, JOURNALISTE À NOUVELLE-CALÉDONIE LA 1ÈRE

    Par Yann Mainguet

    Les Nouvelles calédoniennes : Quelle idée a fait germer le projet de la série « Les chemins de l’Histoire » ?

    Nous avons un référendum qui est issu de l’accord de Nouméa. Nous nous sommes dit : comment ont évolué, de façon contemporaine, la citoyenneté calédonienne, la politique, etc ? Nous n’avions jamais fait ce passage en revue des 53 années, de 1945 à 1998. 1998 marquant le départ de la période qui nous conduit au référendum. Nous avons donc scindé par grandes phases, et nous sommes allés chercher des archives chez les particuliers - sous forme de films 8 mm -, mais aussi auprès de l’Ina (Institut national de l'audiovisuel, NDLR), ou dans nos propres fonds. « Une mémoire audiovisuelle » est ainsi apparue pour la période de 1945 à 1970. Puis nous avons fait ressurgir la mémoire des années 1970 à 1998.

    Quels sont les documents inédits ?

    Nous avons par exemple trouvé, grâce à la famille Idoux, le film de l’arrivée d’une mission qui doit décider en 1952 des collèges électoraux en Nouvelle-Calédonie. Car se pose déjà le problème du corps électoral. On y voit Henri Sautot, Henri Lafleur, Maurice Lenormand jeune... On assiste là à l’histoire qui, d’un seul coup, se matérialise dans l’image, alors qu’avant, nous ne l’avions pas du tout.

    Une histoire officielle s’est créée, et nous redécouvrons ses nuances ou ses violences. Nous nous sommes rendu compte que les familles qui filmaient dans les années 1940-1950, ont un regard presque  journalistique. Il y a des perles historiques. 

    Une large majorité des téléspectateurs apprécie la série, toutefois il y a eu quelques réactions.

    Des gens nous ont contactés, car ne voulaient pas revoir des images, pas revivre des expériences très dures. C’était il y a trente ans, mais... certains Calédoniens estiment que voir des barrages et des tirs, peut faire redémarrer de sombres épisodes. Je ne le pense pas. Si nous arrivons au référendum, c’est à cause de cette période douloureuse. Il faut quand même expliquer d’où l’on vient. L’histoire, ce sont des racines dans le temps. À aucun moment, des gens ont contesté le fond du sujet et son traitement. On peut s’en féliciter.

    L’histoire est parfois violente. Quelles limites vous êtes-vous fixé dans l’exercice ?

    Des propos sont parfois violents, mais peut-être trop violents. Les gens se crisperaient dessus. Donc, non. Nous ne voulons pas faire du spectacle. C’est « un des chemins de l’Histoire », nous ne sommes pas exhaustifs, il a fallu faire des choix. Mais dans le commentaire et les images, nous essayons de tenir un équilibre.

    Après ce travail, considérez-vous que le traitement de l’histoire ou du fait politique en Nouvelle-Calédonie doit être particulier ?

    Nous sommes là dans du journalisme de proximité physique et de proximité dans le temps. Il faut donc rester dans une impartialité. L’exercice n’est pas simple. La station (de NC la 1ère, NDLR) a vraiment soutenu le projet en apportant des moyens : contribution d’une documentaliste, musique originale de David Leroy, restauration et sonorisation des archives... Il y a de bons retours. Les gens s’approprient l’Histoire.

     

    Repères

    « Evénements » ou guerre civile ?

    L’historien Olivier Houdan a apporté des éléments de réponse dans un article publié sur son blog. 73 victimes civiles et militaires confondues, 1 200 personnes déplacées, 70 orphelines et orphelins, 16 veuves et 2 veufs... Chiffres qu’il faut mettre en relation avec le nombre d’habitants en Nouvelle-Calédonie à l’époque. « Entre 1981 et 1989, par l'affrontement de leur légitimité, les deux principales communautés de la Nouvelle-Calédonie ont vécu une véritable guerre civile ».

    De mars à octobre

    Lancée en mars et clôturée mioctobre, la série « Les chemins de l’Histoire » propose huit documentaires de 26 minutes : de la fin de la Seconde Guerre mondiale à l’accord de Nouméa. Possibilité de les revoir sur : la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/emissions/cheminshistoire La chaîne lance d’ailleurs un appel aux particuliers possesseurs de vieux films. En 2019, en avril ou mai, tous les archivistes audiovisuels du Sud-Est asiatique et du Pacifique se retrouveront au Centre culturel Tjibaou. Un des thèmes de la réunion : la sauvegarde des archives audiovisuelles.

     

    Kilomètres

    Selon des experts calédoniens, existent dans des centres locaux, nationaux ou internationaux, des kilomètres de rayonnage pour l’instant indemnes de toutes études historiques. 

     

    1990

    L’intégration officielle de l’histoire calédonienne dans les programmes scolaires des collèges et lycées remonte aux années 1990.

     

    « La connaissance du passé est en mesure de libérer les consciences et d’apaiser les coeurs et les esprits. »

    Olivier Houdan, historien.

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