- Baptiste Gouret | Crée le 10.09.2025 à 19h00 | Mis à jour le 22.09.2025 à 10h13ImprimerSébastien Lecornu, alors ministre des Outre-mer, en visite à Nouméa, en 2020. Photo Thierry PerronDurant son passage aux Outre-mer de 2020 à 2022, le nouveau Premier ministre a adopté, sur le dossier calédonien, une méthode qui a divisé la classe politique locale. Applaudi par les non-indépendantistes, il est tenu responsable d’un abandon de la neutralité de l’État et d’une rupture du dialogue par les indépendantistes. Récit.
Un "signal terrible" pour les uns, "un excellent choix" pour les autres. La disparité des réactions, depuis la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, résume à elle seule la trace laissée par le nouveau Premier ministre en Nouvelle-Calédonie. Celle d’un ancien ministre des Outre-mer parvenu, certes, à relancer les discussions, mais devenu, en deux ans de mandat rue Oudinot, un des responsables de la rupture du dialogue entre l’État et les indépendantistes.
C’est en juillet 2020 que Sébastien Lecornu prend ses quartiers au ministère des Outre-mer. La Nouvelle-Calédonie, comme le monde entier, fait face à l’épidémie de Covid et s’apprête à voter une deuxième fois pour ou contre l’indépendance. Trois mois plus tard, l’intime d’Emmanuel Macron se rend une première fois sur place pour entamer une réflexion sur la suite à donner à l’accord de Nouméa, dont la troisième et dernière consultation sonnera la fin. Après 15 jours de quarantaine au haut-commissariat, il embarque une délégation de dix responsables politiques sur l’îlot Leprédour, au large de Boulouparis, pour un huis clos inédit.
"En démocratie, on ne change pas la date des élections"
La rencontre actera une reprise des échanges tripartites et donnera son nom à un nouveau format, le "groupe Leprédour". Sébastien Lecornu veut en effet se débarrasser du rigide Comité des signataires, un rendez-vous annuel "où chacun vient avec sa délégation faire une déclaration d’abord destinée à rassurer son propre camp…", soulignait le ministre en mai 2021. Mais cette nouvelle configuration fera long feu, mise à mal par le conflit autour de l’usine du Sud, fin 2020. Le "groupe Leprédour" se retrouvera une seule fois, en novembre 2020, en visio-conférence avec Sébastien Lecornu, et en l’absence de deux des cinq responsables indépendantistes conviés. Un mois plus tard, aucun indépendantiste ne répondra à l’invitation du ministre.
Dans les mois qui suivent, début 2021, Sébastien Lecornu continue de défendre la nécessité d’un "nouveau statut" pour la Nouvelle-Calédonie, quel que soit le résultat du troisième référendum. "Un accord de transition en cas d’indépendance ou bien un accord différent en cas de maintien dans la France", mais "pas de statu quo", assène le locataire d’Oudinot.

Le 30 octobre 2021, Sébastien Lecornu avait embarqué les responsables politiques des deux camps sur l’îlot Leprédour, afin de poser les bases de la discussion sur l’avenir institutionnel. Photo DRTout s’accélère en mai de la même année. Pendant une semaine, les responsables politiques calédoniens sont réunis à Paris pour prendre connaissance du document sur les conséquences du Oui et du Non à l’indépendance. L’équipe du ministre a travaillé sur des simulations concrètes à envisager à la suite du troisième référendum. Un document qui "n’est ni plus ni moins qu’un manifeste de propagande pour le Non", dira le FLNKS lors de son congrès, en août. Le texte est jugé déséquilibré par ses détracteurs, qui y voient une diabolisation de l’accès à la pleine souveraineté. Les premières critiques sur une supposée partialité de l’État commencent à se faire entendre chez les militants et responsables indépendantistes. Elles ne feront ensuite que se renforcer, jusqu’au déclenchement des émeutes, en mai 2024.
Passage en force
Dans le même temps, le gouvernement français acte, le 2 juin 2021, la date du troisième référendum : il aura lieu le 12 décembre. Rapidement, plusieurs composantes du FLNKS, à commencer par l’Union nationale pour l’indépendance (UNI), regrette ce choix. "Ce timing nous est imposé par le ministre des Outre-mer et il n’est pas bon du tout", déclare Louis Mapou, alors président du groupe UNI au Congrès. À cela s’ajoute, quelques semaines plus tard, un nouveau paramètre : en septembre, la Nouvelle-Calédonie est frappée par une nouvelle vague d’épidémie de Covid, qui fait plus de 300 morts, en particulier dans la communauté mélanésienne. En octobre, le FLNKS demande officiellement à l’État un report de la consultation après les élections présidentielles de 2022, afin de respecter la période de deuil. Sébastien Lecornu refuse, affirmant que seule une épidémie "hors de contrôle" pourrait remettre en cause la tenue du référendum. "En démocratie, on ne change pas la date des élections comme ça", assène le ministre. "L’État prend parti", regrette alors le président de l’Union progressiste en Mélanésie, Victor Tutugoro.
En octobre, le ministre des Outre-mer se rend pour la quatrième fois en Nouvelle-Calédonie afin de s’assurer que "que toutes les conditions sont réunies pour que la consultation, dont l’État est l’organisateur, se passe dans les meilleures conditions". Elle a bel et bien lieu le 12 décembre 2021. Le non l’emporte avec 96,5 % des suffrages exprimés, conséquence d’un boycott massif des électeurs indépendantistes. Sébastien Lecornu est sur place à l’annonce des résultats et se dit alors prêt à "ouvrir la phase de transition" post-accord de Nouméa. Pas question, pour les indépendantistes, de discuter avec le responsable d’un "énième accord sur un statut au sein de la République française", fruit d’un "passage en force". Plus aucun échange n’aura lieu entre Sébastien Lecornu et les indépendantistes.
Rapprochement avec Backès
Au contraire, ses relations avec les non-indépendantistes se renforcent, en particulier avec Sonia Backès. La présidente de la province Sud, qui n’avait jusqu’alors jamais voulu choisir entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, annonce en janvier 2022 son ralliement au président sortant, citant le travail réalisé par Sébastien Lecornu pour le maintien d’une Nouvelle-Calédonie française. Un rapprochement qui aboutira à la nomination de Sonia Backès au gouvernement, en tant que secrétaire d’État chargée de la citoyenneté, après la victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle de mai 2022. Un geste qui finira de convaincre les indépendantistes du parti pris de l’État.
À la tête du ministère des Armées depuis 2022, Sébastien Lecornu s’est éloigné du dossier calédonien, mais à garder un œil sur les affaires du Caillou. En décembre 2023, il était de retour à Nouméa à l’occasion du 10e Sommet régional des ministres de la Défense. Son dernier déplacement en Nouvelle-Calédonie est plus récent encore. En mai 2024, il avait accompagné le président de la République dans sa tentative, ratée, d’apaiser un pays qui venait de sombrer dans un des épisodes les plus violents de son histoire. Preuve que sa méthode n’a toujours pas été digérée par les indépendantistes, ces derniers ont refusé sa présence, ainsi que celle de Gérald Darmanin, lors de leur entretien avec Emmanuel Macron. Reste à voir, désormais, si le prochain ministre des Outre-mer pourra, aux yeux des partisans de la pleine souveraineté, effacer ce lourd passif du nouveau Premier ministre.
MERCI DE VOUS IDENTIFIER
Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.X
J'AI DÉJA UN COMPTEJE N'AI PAS DE COMPTE- Vous n'avez pas encore de compte ?
- Créer un nouveau compte
Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement. -
-
DANS LA MÊME RUBRIQUE
-
VOS RÉACTIONS




Les transports aériensà consulter ici











