"Aider chaque femme à se reconnaître comme actrice de la vie spirituelle et sociale du pays." Le 30 novembre 1975, c’est avec cette ambition que les pasteurs Elia Tidjine, Ajapuhnya et Welepane fondent officiellement le Mouvement des femmes de l’Église protestante de Kanaky-Nouvelle-Calédonie (EPKNC). La concrétisation d’une "dynamique féminine" mise en place une dizaine d’années plus tôt, afin de construire une communauté de femmes au sein des différentes paroisses protestantes calédoniennes, prêtes à relayer la foi et transmettre leurs savoir-faire.

Dans un mois, l’association fêtera ses cinquante années d’existence lors d’un grand rassemblement organisé au centre culturel Tjibaou les 28, 29 et 30 novembre. L’occasion de faire vivre la mémoire du mouvement, à travers les témoignages de celles qui l’ont construit.

"Grand moment d’émancipation"

"Les premières années, on a surtout observé et réfléchi à la manière par laquelle, en tant que femmes, on pouvait porter notre vision au sein de l’église", se souvient Waimalo Wapotro, présidente emblématique du mouvement de 2000 à 2012. La quête d’une place, pour chaque femme, à l’intérieur "de l’église, de la famille et du pays", s’est traduite par le développement de formations, des actions de soutien aux familles ou encore l’élargissement de leur implication à la vie ecclésiale. "La création du Mouvement des femmes au sein de l’EPKNC fait partie d’un grand moment d’émancipation, rappelle le pasteur Var Kaemo. À partir de là, elles ont été autorisées à prêcher, à se faire une place au sein du bureau, etc." Jusqu’à la nomination des premières femmes pasteurs. "Avant, les femmes ne prenaient jamais la parole dans l’église, aujourd’hui nous n’avons plus peur de nous lever", abonde Loélia Eurimindia, actuelle présidente du MDF, évoquant elle aussi un mouvement "vecteur de réconciliation et d’émancipation".

Un foyer d’accueil en projet

Les défis à relever restent toutefois nombreux au sein d’une institution encore très conservatrice. "Ce cinquantenaire est la proclamation de l’identité des femmes, mais la lutte doit se poursuivre, car leur parole n’est pas encore suffisamment entendue", estime le pasteur Var Kaemo. "On a fait ce qu’on a pu, mais c’est toujours compliqué quand on est une femme kanak", constate Jenny Qanune, présidente du MDF de 1986 à 1992.

L’évènement du 28 au 30 novembre, intitulé "Les femmes, piliers du passé et actrices de l’avenir", vise justement à ouvrir un "nouveau chapitre" du mouvement, et à passer le flambeau à "une nouvelle génération de mamans", espère Jenny Qanune. "Quelle vision on veut porter pour les dix, vingt prochaines années ? Il faudra qu’on s’interroge", juge Waimalo Wapotro. Temps fort du week-end, une table ronde sera organisée le samedi 29 novembre et "proposera un dialogue intergénérationnel sur la résilience, la place et le rôle des femmes dans l’avenir".

Il s’agira également d’aborder le grand projet du mouvement : la création d’un foyer d’accueil au service des femmes, au sein duquel seront proposés des ateliers (éducation financière, parentalité, artisanat, numérique…) pour renforcer l’autonomie et les compétences de chacune. Une "main tendue" de la communauté des femmes de l’Église protestante en Nouvelle-Calédonie envers "celles qui en ont besoin".