- Anthony Tejero | Crée le 25.02.2025 à 16h28 | Mis à jour le 26.03.2025 à 15h35ImprimerLancé en 2019 à Nouméa, le World mosquito program, supervisé par Nadège Rossi, a pris officiellement fin cette année. Photo Thierry PerronClap de fin pour le Word Mosquito program en Nouvelle-Calédonie, qui a permis de relâcher, dès 2019, près de 24 millions de moustiques porteurs de Wolbachia. Cette bactérie, qui s’est largement répandue dans Nouméa et son agglomération, bloque la transmission de la dengue aux êtres humains. Signe de l’efficacité de cette initiative, le Caillou n’a plus connu d’épidémie depuis cinq ans. Si les autorités estiment que ce risque est désormais quasi inexistant, elles appellent les Calédoniens à rester vigilants et continueront de suivre chaque année, l’évolution des populations d’insectes.
Quel était l’objectif de ce programme ?
Lancé à Nouméa, avec des lâchers de moustiques dès 2019, puis progressivement dans les trois autres communes du Grand Nouméa, le World mosquito program, dont le clap de fin a officiellement été donné ce mardi 25 février, visait plusieurs objectifs. Tout d’abord, cette initiative devait réduire le risque d’épidémies de dengue et protéger les Calédoniens contre la survenue dans le pays de nouvelles épidémies d’arboviroses : fièvre jaune, zika ou chikungunya.
Cette initiative poursuivait également d’autres buts comme stopper les épandages d’insecticides ou encore réduire la pression sur les établissements de santé et les coûts liés aux épidémies de dengue.
Comment fonctionne Wolbachia ?
La Wolbachia est une bactérie présente naturellement dans les cellules d’environ 60 % des espèces d’insectes à travers le monde, comme les mouches des fruits, les libellules et les papillons. En revanche, elle n’existe pas chez le moustique aedes aegypti, vecteur des arboviroses, dont la dengue.
Les scientifiques ont alors extrait puis injecté cette bactérie dans les œufs de ces moustiques porteurs afin qu’elle se développe et se transmette de génération en génération. Lors des phases d’expérimentation, le virus de la dengue a été transmis aux moustiques contenant cette bactérie. Et les résultats sont tombés : la maladie ne s’est plus développée correctement chez ces aedes aegypti, qui ne pouvaient alors plus la transmettre à l’homme.
En les faisant se reproduire en captivité, les moustiques porteurs ont à leur tour transmis la bactérie à leur progéniture. C’est ainsi que le Word mosquito program (WMP) est né en Australie et s’est répandu dans de nombreuses régions du monde, dont la Nouvelle-Calédonie.
Combien de moustiques lâchés et quels taux de réussite ?
Au total, près de 24 millions de moustiques porteurs de Wolbachia ont été relâchés dans l’agglomération, dont la moitié à Nouméa. En moyenne, 87 % des moustiques sont désormais porteurs de la bactérie sur ce territoire, dont un taux de 88 % dans la capitale ; de 91 % à Dumbéa ; de 88 % au Mont-Dore et de 80 % à Païta, dernière commune à avoir rejoint le programme, fin 2023.
Pourcentage de moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia par secteur. Source World mosquito programIl est à noter que certaines zones moins urbanisées et plus dispersées, dont la tribu de Saint-Louis et certains squats, affichent encore des taux assez faibles dus à une densité initiale plus élevée et à des conditions moins propices à l’installation et donc à la reproduction des spécimens contenant Wolbachia.
Pour autant, "une progression reste possible" puisque ce phénomène a déjà été observé dans certains secteurs de Nouméa, dont la presqu’île de Ducos, où des pourcentages élevés ont été atteints au fil du temps.
Quelle efficacité sur les cas et épidémies de dengue ?
En déployant ce programme dans l’agglomération du Grand Nouméa, les experts estiment que 67 % de l’ensemble de la population calédonienne est directement protégé. Sans oublier une protection indirecte pour les personnes de Brousse et des îles puisque l’émergence des épidémies précédentes a généralement eu lieu en ville avant de s’étendre au reste du pays.
"Le taux moyen de 87 % de moustiques porteurs de la bactérie dans le Grand Nouméa est suffisant, en tout cas, pour casser les chaînes de transmission de la dengue. D’autant plus que ce pourcentage va bien sûr continuer à évoluer et tendre vers 100 %", assure Nadège Rossi, chef de projet du WMP, qui sans discréditer le programme ne tient pas à employer le terme "d’éradication" des épidémies de dengues sur le Caillou. "Je préfère dire qu’on évite les épidémies de dengue. Dans le contexte actuel, on est à peu près certains que nous n’aurons plus d’épidémies de dengue en Nouvelle-Calédonie, en tout cas, pas de la même intensité que ce qu’on a pu avoir auparavant. Malgré tout, on reste vigilant. Il y a des zones sur le territoire qui ne sont pas couvertes par cette méthode et donc où on pourrait avoir des petits foyers actifs."
Evolution épidémies de dengue en Nouvelle-Calédonie. Source World mosquito programSigne du succès de ce programme, aucune épidémie n’est à signaler dans le pays depuis celle de 2019. Pour autant, ponctuellement certains cas importés surviennent encore, mais les transmissions dites secondaires sont, elles, plus rares, "ce qui démontre l’incapacité des moustiques porteurs de Wolbachia à transmettre ce virus", insiste Nadège Rossi, qui juge néanmoins essentiel de maintenir les campagnes de sensibilisation et de rester vigilants : "Il faut continuer à détruire les gîtes larvaires, se protéger des piqûres, etc.15 jours après un retour de voyage dans un pays où la dengue circule, on se protège avec des produits répulsifs, etc. On demande encore un petit effort à la population, assez facile, pour éviter les risques."
Source World mosquito programQuel sera le suivi sur le long terme ?
La fin du déploiement du programme ne signifie pas l’arrêt complet du dispositif. Ainsi, chaque année, une surveillance sera maintenue notamment par le gouvernement, l’Institut Pasteur, les communes et les bénévoles. Objectif : s’assurer du maintien de la bactérie Wolbachia à un pourcentage élevé dans la population de moustiques. Par ailleurs, les captures réalisées contribueront à la détection éventuelle d’introduction d’autres espèces vectrices de maladies présentes chez certains de nos voisins.
Wolbachia colonisera-t-elle tout le pays ?
A moins d’investissements supplémentaires des collectivités dans d’autres secteurs, (ce qui n’est pas à l’ordre du jour), l’introduction de Wolbachia se cantonnera au Grand Nouméa. Mais pourrait-elle, à terme, se répandre dans toute la Nouvelle-Calédonie ? Pas sûr. "L’Aedes aegypti n’est pas un très grand voyageur. Il va s’étendre dans un périmètre d’environ 200 mètres autour de son gîte. Imaginer une progression naturelle du pourcentage de moustiques porteurs de la bactérie vers le Nord paraît donc compliqué, explique Nadège Rossi. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on a multiplié les lâchers sur chacune des communes, même si elles étaient juxtaposées."
Quel a été le coût de ce programme ?
Depuis son lancement en 2018, le déploiement du Word Mosquito program dans les quatre communes de l’agglomération a nécessité un investissement de 800 millions de francs, financés par les institutions locales (gouvernement, communes et province Sud) mais aussi par l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie et, dans une moindre mesure, par l’université de Monash, à Melbourne.
À titre de comparaison, ce budget représente la moitié des dépenses engagées par les autorités pour faire face à une seule épidémie de dengue dans le pays, qui représente une somme estimée en moyenne à 1,6 milliard de francs.
La fin des épandages d'insecticides
Ensemble pour la planète tient à saluer la mise en place du programme wolbachia qui a permis de mettre fin, dans la ville de Nouméa, aux épandages pour lutter contre la dengue. "La municipalité de Nouméa répandait un insecticide extrêmement toxique appelé malathion dans le cadre de la lutte anti vectorielle. Nous nous inquiétions de ce que ce produit organophosphoré, perturbateur endocrinien, autorisé en agriculture exclusivement dans des lieux clos, était alors épandu en zone urbaine en plein air, aux heures d'entrée et de sortie des classes sans la moindre précaution, tant pour les passants que pour les applicateurs et les écosystèmes", réagit la présidente de l'association Martine Cornaille, qui estime ainsi avoir contribué à la mise en place du WMP dans la capitale.
Les résultats dans le Grand Nouméa
Pourcentage de moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia par secteur. Source World mosquito program
Pourcentage de moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia par secteur. Source World mosquito program
Pourcentage de moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia par secteur. Source World mosquito programMERCI DE VOUS IDENTIFIER
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