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    Pacifique
  • Tahiti Infos | Crée le 06.04.2018 à 04h25 | Mis à jour le 06.04.2018 à 08h54
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    Analyse. Mercredi dernier, un débat était organisé à la Chambre de commerce de Papeete sur le thème de la liberté économique en Polynésie. Les intervenants y ont lancé un plaidoyer pour ouvrir le pays et favoriser les investisseurs.

    Pourquoi les prix sont-ils si chers en Polynésie ? Pourquoi le secteur du tourisme est-il le seul du Pacifique à avoir détruit des emplois depuis dix ans ? Pourquoi 100 000 personnes vivent-elles sous le seuil de pauvreté à Tahiti et à Moorea ? Pourquoi n’applique-t-on pas les recettes économiques qui ont marché chez les autres ? Autant de questions explosives qui ont animé le débat mercredi dernier dans l’amphithéâtre de la Chambre de commerce de Papeete. Cette rencontre était organisée par l’Institut économique de Tahiti (IEDT), un tout nouveau « think tank » (groupe de réflexion, laboratoire d’idées).

     

    La Multiplication des monopoles

    Pour répondre à ces vastes questions, trois intervenants ont apporté leur éclairage. D’abord l’économiste polynésien Jean-François Gay a présenté les résultats de sa thèse de doctorat obtenue à l’Université de la Polynésie française, « Protectionnisme et obstacles au développement en Polynésie française ». Pour faire simple, le chercheur conclut que les innombrables taxes à l’importation conduisent à un renchérissement insupportable des prix, à la multiplication des monopoles, détruisent plus d’emplois qu’ils n’en rapportent, frappent les plus pauvres disproportionnellement et ne sont pas efficaces pour augmenter les revenus fiscaux. Il montre également qu’au fenua les inégalités sociales sont au plus haut alors que l’efficacité de la dépense publique est au plus bas (même si le débat a fait apparaître que la dispersion du territoire peut contribuer à cette inefficacité).

    Ensuite est intervenue Sandra Lévy-Agami, présente au titre de son travail d’expertise au sein de la commission de l’économie et des finances de l’Assemblée de Polynésie. Elle a dressé le tableau des récentes réformes législatives en faveur de la liberté économique, comme le nouveau droit de la concurrence, la protection de la maison familiale des créateurs d’entreprise, ou encore la baisse de la fiscalité sur les entreprises. Elle a aussi expliqué comment le pays en était arrivé là en retraçant l’historique du droit économique polynésien depuis l’époque du CEP. Au cœur de la stratégie de dissuasion nucléaire française, la Polynésie était alors hyper-protectionniste pour des raisons politiques et de sécurité nationale.

     

    Un tableau morne

    Elle a ensuite dressé le tableau morne de plusieurs décennies sans réformes, le changement de statut et l’accès à l’autonomie.

    Enfin Gérard Kochersperger a lancé un vibrant plaidoyer pour l’ouverture de l’économie polynésienne. Il est le cofondateur de l’Institut économique de Tahiti et un ancien professeur d’économie dans des universités nord-américaines (lire ci-dessous). Il a montré que l’économie polynésienne avait une croissance très inférieure à ses voisines du Pacifique, même des pays déjà développés comme la Nouvelle-Zélande. Il souligne, comme Jean-François Gay, que les prix élevés sont une fausse excuse, en prenant l’exemple de plusieurs voisins. Il a également une vision pessimiste sur la grave crise économique et sociale que le pays traverse. Pour lui, les 55 % de la population des Îles-du-Vent vivant sous le seuil de pauvreté ne seraient que les victimes d’une crise qui va en s’aggravant. Une crise qu’il explique principalement par un protectionnisme outrancier qui décourage les investisseurs locaux et étrangers. Sans investissements, pas d’emplois, et la taille du marché polynésien continue de décroître dans un engrenage vicieux où l'économie s’épuise rapidement.

     

    Trois piliers

    La seule solution pour y échapper est, selon lui, de mettre en place une bonne gouvernance et un cadre institutionnel favorable aux investisseurs, qui leur assurerait un traitement égal, qu’ils soient locaux ou étrangers, connectés ou non, et donc la fin de l’arbitraire politique. Les trois piliers d’une économie ouverte que sont l’application du droit international, l’ouverture du marché aux investissements du monde entier et enfin la création d’emplois pourraient alors faire leur œuvre et sortir les Polynésiens de la pauvreté.

     

    Le point de vue de Gérard Kochersperger, économiste,
    membre de l’Institut économique de Montréal, de l’Institut Fraser et de l’Institut économique de Tahiti

    Quel est votre parcours ?
    J’étais professeur d’université en économie aux États-Unis, et je suis passé au Canada. Je ne suis donc pas un universitaire français, on peut dire que j’ai un regard extérieur. Je suis installé en Polynésie depuis dix ans.

    Les Polynésiens associent souvent le libéralisme à un appauvrissement des moins aisés…
    C’est un point de vue erroné. Une économie est fondée sur la quantité et la qualité des flux, des échanges. Mais ici, on n’exporte pas, tout est importé. Il y a très peu d’investissements. Donc on peut libérer l’économie en favorisant le développement de ces échanges. Mais sans investissements il n’y a pas d’entreprises. Et sans entreprises, il n’y a pas d’emplois ! Comment voulezvous sortir de la pauvreté s’il n’y a pas l’activité pour faire travailler tout le monde et créer des emplois ?

    Quelles mesures simples et efficaces pourraient être appliquées dès demain pour relancer l’économie ?
    Premièrement, mettre en place ici les règles internationales sur l’investissement. Deuxièmement, faire en sorte que les entreprises viennent s’installer en Polynésie dans un espace ouvert de concurrence et de libre-échange. Et enfin, troisièmement, créer des emplois. Si personne ne vient s’installer en Polynésie, il n’y aura jamais d’emploi, et je n’ai jamais vu un gouvernement créateur d’emplois… Sauf dans la fonction publique. Mais là ils sont déjà au complet ! Il faut que Tahiti se structure juridiquement pour recevoir des investissements étrangers, et se mette au niveau des règles du commerce international en termes de libre-échange. De plus, les gouvernements successifs n’ont jamais mis en place ce que l’on appelle en anglais « The rule of law », le règne de la loi. A la place, ce sont les politiques qui décident de tout au cas par cas… Il faut progresser dans les institutions. La création de l’autorité de la concurrence est un premier pas très important.

     

    Quelques repères

     

    Population : 268 207 habitants en 2012.

    Taux de chômage : 21,8 % en 2012.

    Principales activités : le tourisme et la perliculture.

    En 2013, les dépenses de l’Etat ont atteint 176,6 milliards de francs, soit une hausse de 1,59 % par rapport à 2012.

    En 2014, 50 entreprises, dont certaines en situation d’oligopole, détenaient 50 % du marché local dans onze secteurs dont le cumul représente environ le quart du PIB. Néanmoins, d'autres secteurs sont plus concurrentiels, comme le petit et gros commerce alimentaire et l’hôtellerie.

     

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