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    Pacifique
  • Marion Durand / Outremers360 | Crée le 13.11.2023 à 17h54 | Mis à jour le 13.11.2023 à 17h55
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    Le laboratoire de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) de Polynésie analyse depuis plus de 60 ans l'environnement et les aliments consommés par les populations des cinq archipels. Photo Patrick Bouisset / IRSN
    Selon le dernier bilan de surveillance de la radioactivité en Polynésie française, dévoilé vendredi 10 novembre, les niveaux de radioactivité relevés dans les sols, dans les denrées alimentaires et dans le lagon restent à des niveaux faibles, dans la continuité des années précédentes. Patrick Bouisset, en charge de la surveillance radiologique, alerte sur les dangers liés à la consommation de bénitiers. Cinquième et dernier partie d'un dossier en cinq volets réalisé par Marion Durand pour Outremers360.

    Poissons, mollusques, viandes, légumes, fruits… Depuis 1962, le laboratoire de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) de Polynésie analyse l'environnement et les aliments consommés par les populations des cinq archipels. Cette surveillance radiologique a été mise en place suite aux essais nucléaires aériens menés entre 1966 et 1974. Elle concerne sept îles : Tahiti, Maupiti, Hao, Rangiroa, Hiva Oa, Mangareva et Tubuai.

    En 2021 et 2022, Moorea et Rapa ont pour la première fois fait l'objet d'analyses. C'est aussi le cas de six atolls des Tuamotu de l'Est (Pukarua, Reao, Vahitahi, Vairaatea, Nukutavake et Hikueru), où les derniers prélèvements dataient de 1974.


               

    Le bilan 2021-2022, dont une synthèse a été dévoilée lors de la Commission d'information auprès des anciens sites d'expérimentations du Pacifique, fait état d'une faible exposition de la population aux rayonnements ionisants.

    La concentration de Césium 137 (principal radionucléide présent dans les sols et dans les denrées) est, en moyenne, de 1 becquerel par kilo. Est-ce beaucoup ? " Non, ces taux sont très faibles ", répond Patrick Bouisset, directeur du laboratoire d'étude et de suivi de l'environnement à l'IRSN. " Dans les années 1974-1975, on relevait des taux bien plus élevés mais toujours en dessous des 1 000 becquerels, niveau au-dessus duquel on interdit la consommation des produits. " En termes de doses ingérées par les Polynésiens, ce sont des " microquantités " assure le physicien en charge de la surveillance radiologique.

    Du Césium 137 dans le coco, le bœuf ou les poissons

    Les mesures réalisées dans les îles polynésiennes couvrent la quasi-totalité de la gamme d'éléments radioactifs artificiels susceptibles d'être décelés dans les sols, les aérosols, l'eau de mer, l'eau douce ou dans les denrées : le césium 137, le cobalt 60 et les isotopes du plutonium.

    Dans chacune des îles, l'IRSN travaille avec des correspondants chargés de récolter des prélèvements représentatifs de la ration alimentaire et de l'environnement des habitants. 350 échantillons sont prélevés chaque année aussi bien dans les milieux physiques (eaux de pluie, rivières, aérosols) que biologiques avec des prélèvements de lait, de poissons de haute mer ou de lagon, de fruits, de légumes, de boissons diverses, etc.


    Dans chacune des îles, l'IRSN travaille avec des personnes chargées de récolter des prélèvements représentatifs de la ration alimentaire et de l'environnement des habitants. Photo Patrick Bouisset / IRSN

    " Le cobalt 60 donne des résultats en dessous des mesures de détection. Sa période radioactive est de cinq ans, on le détectait à l'époque des essais nucléaires mais ce n'est plus le cas aujourd'hui ". Quant au plutonium " il ne participe pas ou de façon très marginale à l'exposition des populations car il reste en profondeur dans les océans et dans les sédiments des atolls ", indique Patrick Bouisset.

    Le Césium 137 reste le seul radionucléide présent aujourd'hui dans les sols et dans les denrées. Il " contribue très faiblement à l'exposition des populations ", décrit le dernier rapport dont la publication est prévue dans les prochains jours. Il reste environ 30 % de la quantité totale retombée durant la période des essais nucléaires. On le trouve dans la chair de certains poissons ou d'animaux tel que le bœuf ou le porc car le Césium 137 est contenu dans les muscles. " On le détecte aussi dans la chair ou l'eau de coco, car c'est un des fruits qui concentre le plus la radioactivité ", précise Patrick Bouisset. " Sur l'ensemble des îles, on observe parfois une singularité, avec une concentration un peu plus élevée chez certains animaux selon ce que l'animal a ingéré car certaines plantes concentrent davantage le Césium 137. " Mais Patrick Bouisset ne déconseille aucun aliment à la consommation.

    Une exposition d'origine naturelle

    Pour bien comprendre, il faut distinguer l'exposition naturelle et l'exposition artificielle. Naturellement, nous sommes tous exposés à des rayonnements ionisants d'origine naturelle qui sont présents dans l'air, les sols et les denrées : du radium, du polonium, du carbone et du radon. À cette exposition naturelle, on ajoute donc l'exposition d'origine artificielle qui peut provenir des retombées atmosphériques des essais nucléaires (dans le cas du Pacifique par exemple) mais aussi de l'exposition médicale (scanner) ou d'une exposition accidentelle (paratonnerres radioactifs).

    L'exposition naturelle en Polynésie française est de 1,4 mSv (millisievert). Celle liée aux retombées des essais nucléaires est, selon le dernier rapport, de 0,003 mSv par an, soit moins de 1 % de l'exposition radioactive totale. " L'exposition d'origine naturelle représente plus de 99 % de l'exposition de la population ", assure Patrick Bouisset. Ce chiffre varie peu d'une année sur l'autre. " Les niveaux de radioactivité artificielle mesurés en 2021-2022 sont dans la continuité de ceux obtenus ces dernières années ".

    " Dans les îles des Tuamotu, qui n'avaient pas été observées depuis longtemps, on retrouve des valeurs similaires à celles de Rangiroa ou de Hao ", complète le représentant de l'IRSN. Peut-on dire alors que l'exposition liée aux essais nucléaires français est sans danger pour la population ? " Je dirais que oui même si c'est un terme difficile à utiliser car la radioactivité n'est jamais bonne pour un organisme ", estime Patrick Bouisset. " Nous sommes depuis toujours soumis à la radioactivité naturelle. Même si les niveaux sont très faibles, nous devons toutefois continuer les mesures pour informer et rassurer la population ".

    Les bénitiers : un problème de santé publique


    Pour le directeur du laboratoire d'étude et de suivi de l'environnement à l'IRSN, une consommation importante de bénitiers, qui ont une forte concentration d'éléments radioactifs, peut être dangereuse pour la santé.  Photo Patrick Bouisset / IRSN

    Par le biais de ce rapport, Patrick Bouisset veut alerter sur les risques liés à la consommation de bénitiers. Ces animaux, très consommés par les populations locales, ont une forte concentration d'éléments radioactifs. " Dans les Tuamotu, où les sources d'alimentation sont peu nombreuses, les habitants peuvent consommer plusieurs dizaines de kilos de bénitiers par an. Au bout de quelques années, on dépasse le seuil des 100 mSv autorisé ", s'alarme le directeur. Une consommation trop importante peut représenter une exposition supplémentaire de 10 mSv par an, voire 30 mSv pour les plus gros consommateurs de ce mollusque.

    La radioactivité naturelle présente dans les sols se retrouve dans le lagon avant d'être ingérée par le plancton, les micro-organismes dont se nourrissent les bénitiers. Dans ces organismes, les chercheurs ont relevé des concentrations de 400 becquerels de polonium 210 et la même quantité de plomb 210. " Je ne veux pas minimiser les doses engendrées par les retombées des essais nucléaires atmosphériques, mais je veux vraiment mettre en lumière ce problème de santé publique. Il est important de réduire sa consommation de bénitiers et d'éviter d'en donner aux enfants ", préconise Patrick Bouisset, qui conseille aussi de retirer la masse viscérale (les poches noires) qui concentre 80 à 90 % de la radioactivité.

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