JUSTICE. L’enquête sur la mort de William Decoiré, tué par un gendarme en octobre 2016 à Saint-Louis, pourrait connaître une avancée capitale. Le procureur s’est dit favorable à une reconstitution. Mais c’est à la juge d’instruction d’avoir le dernier mot.

Il a en surpris plus d’un, jusqu’à la maman de William Decoiré, Line. Au cours de ses réquisitions lors du procès contre les émeutiers de Saint-Louis, lundi, le procureur de la République a annoncé être favorable à une reconstitution de la scène qui a amené à la mort de William Decoiré, tué par un gendarme le 29 octobre 2016 à Saint-Louis « en état de légitime défense », selon le parquet. Alexis Bouroz aurait ainsi changé d’avis, plus d’un an après les faits qui avaient mis le feu aux poudres à la tribu. « Je n’étais pas favorable à cette reconstitution. Aujourd’hui, je la solliciterai si les conditions de sécurité sont garanties. On n’a pas pu la faire avant car il n’y avait pas toutes ces garanties. Nous n’avons pas peur de faire une reconstitution parce que l’on craint la vérité, mais plutôt parce que l’on craint que Samuel Moekia [activement recherché pour sa participation dans les violences de Saint-Louis, NDLR] ne règle ses comptes avec un fusil longue portée », a-t-il développé.

L’avocat évoque « Une bavure »

Cette intervention peut paraître comme un effet d’annonce sachant que l’enquête est entre les mains d’un juge d’instruction après le dépôt de plainte de Line Decoiré pour « meurtre ». Elle conteste l’état de « légitime défense » au moment des faits du gendarme et le classement sans suite du parquet. « Ce que l’on a qualifié de meurtre dans notre plainte est une des plus grosses bavures que j’ai connues, avance l’avocat de Line Decoiré, Me Lucien Felli. La légitime défense ne se décrète pas, il ne suffit pas de l’affirmer pour qu’elle existe. C’est un des concepts du code pénal les plus précis qui a fait l’objet d’une jurisprudence colossale. » Pour la famille Decoiré et son conseil, William n’aurait jamais voulu écraser un gendarme. « Les contradictions dans le dossier » soulevées par la partie civile mais qui n’ont pas été révélées, secret de l’instruction oblige, poussent la famille Decoiré « à continuer son combat vers la vérité ». « Il ne faut pas étouffer cette affaire. Si William Decoiré était mort en Métropole, cela aurait eu un retentissement énorme. Avec les mêmes effets, c’est-à-dire des émeutes. Il n’y a qu’à se souvenir de la mort de Zyed et Bouna… », rappelle Me Felli.

L’intervention du procureur a eu pour effet de redonner espoir à Line Decoiré. Depuis la saisine de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) par le juge d’instruction, cette mère de famille n’a eu aucune nouvelle de l’avancée de l’enquête. Son avocat espère désormais que « le gendarme sera entendu sur commission rogatoire et mis en examen ». « Cette affaire reste une cicatrice importante pour les gens de Saint-Louis », confie-t-il.

La reconstitution permettrait ainsi de répondre aux nombreuses interrogations de Line Decoiré. « Il ne faut pas croire que le gendarme a sabré le champagne en rentrant à la caserne. C’est la première fois qu’il tue quelqu’un. Indépendamment de sa responsabilité pénale, cet homme portera toute sa vie la responsabilité morale d’avoir tué William Decoiré », assure Alexis Bouroz.