- | Crée le 01.05.2018 à 19h05 | Mis à jour le 02.05.2018 à 18h43ImprimerCapture écran de la page Facebook « Nous, Calédoniens ».
Elles et ils ne veulent pas lancer un nouveau parti politique ni donner des leçons. Ils sont simplement excédés par les prises de positions violentes sur la délinquance de la part des politiques.
C'est dans ce but que ces Calédoniens « de la génération des accords » se sont constitué en groupe et ont diffusé une tribune. Elle est à découvrir en intégralité plus bas.
Ils ont aussi ouvert une page Facebook.
Les explications, le sens de leur démarche, à lire dans votre édition de demain mercredi, en pages Pays.
« Nous, citoyens calédoniens »
A quelques mois du référendum, nous, qui étions enfants pendant les événements et qui constituons aujourd’hui la population active de Nouvelle-Calédonie, avons décidé d’exprimer publiquement notre sentiment sur la question de la délinquance. Nous déplorons en effet que certains l’utilisent pour attiser les tensions, à l’aube de la consultation référendaire.
Nous représentons toutes les sensibilités politiques du pays. Certains d’entre nous sont, par ailleurs, sans avis arrêté. Malgré nos divergences, nous sommes tous persuadés que derrière la mosaïque de communautés, un peuple calédonien s’est forgé, avec son histoire commune, son système de valeurs, ses différences et surtout, son intérêt général. Le mot « peuple » n’a ici aucune connotation politique ; il traduit la réalité sociale d’une communauté humaine unie. « Nous » existons.
Nous pensons qu’il faut valoriser cette réalité pour renforcer le vivre-ensemble. Or, nous constatons chez beaucoup de responsables politiques une grille de lecture passéiste, qui divise et réduit notre société à une juxtaposition de communautés ethniques cloisonnées. Notre pays serait avant tout clivé entre les Loyalistes et les Indépendantistes.
La tentation passéiste
Nous souhaitons sortir de cette grille d’analyse. Nous n’y adhérons pas. Nous ne sommes plus dans les années 70-80. La Nouvelle-Calédonie s’est développée, elle s’est ouverte sur l’extérieur.
Parfois agrippés au passé, certains de nos élus entretiennent des discours démagogiques aux effets pervers ; ils semblent plus préoccupés par leurs résultats aux prochaines élections provinciales que par la construction d’une société calédonienne équilibrée. Nos institutions (indépendantistes d’un côté, loyalistes de l’autre) figent les divisions. Mais les questions de fond restent souvent sans traitement… Et le climat économique et social calédonien se détériore, à quelques mois du référendum. La question de la délinquance s’est ainsi imposée ces derniers mois dans le débat public. Chaque jour, des faits divers alimentent la peur, en ville, dans les villages, comme en tribu. Cambriolages, dégradations, agressions, nourrissent un climat délétère. Les Calédoniens, qui pensaient vivre épargnés, s’angoissent. C’est une triste réalité que nous condamnons.
Certains, face à cette situation, restent dans le déni. D’autres s’adonnent à une surenchère sécuritaire, parfois raciste, fondée sur leur vision archaïque de la Calédonie. Nous le regrettons sincèrement. Pour régler un problème, il faut en avoir une appréhension juste et sortir des réflexes communautaires.
Examinons notre société, avec discernement et sans tabou
OUI, il y a plus de délinquance aujourd’hui. Mais objectivons ce constat : d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur, en 2017, 18,1 % des personnes mises en cause dans les affaires de délinquance au niveau national (hors infraction routière) sont des mineurs contre 23,4 % en Nouvelle-Calédonie. Nous avons donc davantage de mineurs délinquants MAIS dans une proportion proche de la moyenne nationale. Il ne s’agit pas de s’en féliciter ; simplement, de cerner plus justement cette délinquance, pour mieux la juguler.
OUI, la société calédonienne est violente, machiste. Ce constat n’est pas nouveau. Rappelons-nous les luttes claniques ancestrales, les outrances de la colonisation, la dureté du bagne et de l’exploitation minière.
NON, la délinquance des mineurs n’est pas la seule violence préoccupante. Ici, aujourd’hui, les violences les plus inacceptables se déroulent dans l’intimité familiale. Les violences conjugales sont vingt fois plus importantes en Nouvelle-Calédonie qu’en Métropole ! Dans ce contexte, où le non-dit s’est imposé, comment nos enfants peuvent-ils se construire ? Comment ne pas devenir violent quand on voit ses parents ivres se frapper à coups de poing, voire de sabre ou de marteau? Ces violences sont intolérables, tout autant que les cambriolages. Pourquoi les politiques et coutumiers ne les dénoncent-ils pas avec la même vigueur que celle qu’ils mettent à vilipender les jeunes ?
NON, la situation actuelle n’est pas la faute d’un État laxiste, contrairement aux discours fallacieux de certains politiques. L’État joue son rôle : les forces de l’ordre interpellent ; les magistrats jugent selon la loi ; l’administration pénitentiaire emprisonne. Le taux d’occupation à la maison d’arrêt de Nouméa est de 193 % !
Pour une action pragmatique, responsable et bienveillante
OUI, violence et délinquance touchent en majorité la communauté kanak, n’ayons pas peur de le dire. OUI, cette communauté est aussi la première affectée par la consommation excessive d’alcool.
Cette situation nous préoccupe tous : quand un des membres d’une famille a des difficultés, tous ses frères et sœurs s’alarment. Or, la société que nous formons est comme une famille : les maux qui touchent l’une de nos communautés nous touchent tous. Quand un enfant de notre pays est en déshérence, quelle que soit son ethnie, nous avons tous échoué.
Nous ne sommes pas arrivés à la délinquance actuelle soudainement. Notre histoire et les lacunes dans sa transmission (que l’on veuille minimiser les travers de la colonisation ou les avancées de la décolonisation) y ont contribué. Plusieurs facteurs sont venus l’augmenter : l’alcool, si difficile à réguler tant les intérêts économiques en jeu sont défendus ardemment dans la communauté européenne ; les inégalités sociales majeures, malgré des progrès incontestables ; la déscolarisation massive de nos jeunes avec un taux d’illettrisme important. Identifier tout cela, c’est déjà avancer.
Qui a le pouvoir d’endiguer la montée de la délinquance chez les jeunes ? Nous seuls, Calédoniens, dans notre rôle de parents, d’amis, d’éducateurs, d’électeurs et bien sûr d’élus. Depuis trente ans, la Nouvelle-Calédonie, grâce aux accords de Matignon-Oudinot puis de Nouméa, est dotée des pouvoirs nécessaires pour mettre en place des politiques publiques. Nous sommes compétents dans les domaines de la prévention de la délinquance et de la protection de la jeunesse. Contre la délinquance, ayons le courage de mettre en œuvre, sereinement, des mesures efficaces. Ciblons en priorité le milieu Kanak s’il le faut, au nom de la société calédonienne dans son ensemble.
Certains programmes intéressants ont été votés. Mais encore faut-il les mettre en œuvre sereinement et efficacement sur le terrain. S’il y a eu des dérives (nous savons tous que l’emploi local a parfois conduit à des nominations de personnels insuffisamment préparés), elles font partie de l’apprentissage des compétences. Réparons-les. Nous sommes tous capables d’atteindre un excellent niveau. Mais encore faut-il bénéficier de formations adaptées, pendant le temps nécessaire. Les accélérer ou les raccourcir pour améliorer des statistiques ne nous mènera qu’à plus de frustration, au détriment de la construction de notre pays. Nous, citoyens calédoniens, voulons servir notre pays. Pas l’intérêt d’un parti, d’un syndicat, d’un clan, ou d’une famille.
Un célèbre adage dit que nous avons les élus que nous méritons. Nous avons aussi le pays et la délinquance que nous méritons. Attaquons-nous avec pondération et bienveillance aux vrais problèmes de notre société ; ne laissons pas une partie de notre jeunesse se perdre. C’est tout le sens de cette tribune.
Nous, citoyens calédoniens, appelons l’ensemble de nos responsables politiques, religieux, coutumiers, syndicaux et économiques, de tous bords, à utiliser tous les leviers à leurs dispositions pour construire un pays plus juste et améliorer le soutien à la jeunesse de notre pays
Certes la Nouvelle-Calédonie de 2018 n’est pas celle d’il y a trente ans. Nous notons des reculs sur cette période, mais aussi des avancées considérables.
Nous devons tous, suivre l’exemple de nos anciens, qui ont su il y a 30 ans penser contre eux-mêmes et contre leurs communautés pour le bien du pays.
Nous devons continuer à penser contre nous-mêmes, contre les évidences, contre les solutions toutes faites, pour imaginer le meilleur pour notre société avec ambition et pragmatisme.
Unissons-nous pour parcourir ce chemin difficile. Comme un seul peuple.
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