Il faudrait bien plus qu’un filet pour empêcher ce requin léopard de venir sur son territoire. Depuis dimanche 26 octobre, l’animal a réussi à franchir le filet destiné à empêcher l’intrusion de squales pour protéger les baigneurs. C’est justement l’un d’entre eux qui l’a repéré. "Je plonge tous les matins depuis un an, et c’est la première fois que j’en vois un, explique Patrick Lefevre, qui a filmé et photographié l’animal. Il semble vraiment vouloir sortir, mais son corps est de la taille des anneaux du filet et les pectorales ne peuvent passer. Comment est-il entré ?", s’interroge-t-il.

Rien à craindre, le requin léopard est inoffensif et ne représente aucun danger pour l’homme. Pour les défenseurs de l’environnement, cette intrusion serait même plutôt une bonne nouvelle. "La baie des Citrons a toujours été une maternité de requins léopards", explique Aline Guémas, membre des Fantastiques Grands-mères, un groupe de passionnées de biodiversité qui a fait de la baie son terrain d’étude depuis de nombreuses années. D’autant que la période d’octobre à décembre correspond à celle de ponte de l’espèce.

Une affirmation que Olivier Chateau le directeur de l’Aquarium des Lagons, nuance : "La baie des Citrons n’est pas à proprement parler un site de ponte, même si à cet endroit, avant la pose du filet, on a retrouvé des œufs qui auraient a priori été pondus par la même femelle. Des études génétiques sont en cours pour le confirmer. La bonne nouvelle, c’est que le filet ne l’a pas empêchée de revenir pondre dans la baie, puisque nous avons retrouvé des œufs à une centaine de mètres à l’extérieur du filet", précise le spécialiste. 

"Un comportement normal"

Pour Aline Guémas, farouchement opposée à la pose par la mairie de ce filet en décembre 2023, destiné à protéger les baigneurs après des attaques mortelles de requin qui avaient fait trois victimes cette année-là, "c’est un comportement normal. En juin, un individu était déjà parvenu à passer et avait été recueilli par l’Aquarium des Lagons et en janvier, une raie guitare avait même passé presque trois semaines à l’intérieur de la zone", détaille-t-elle.

Si, pour l’instant, le sexe de l'animal n'a pas été confirmé, pour Olivier Chateau, "d’après les images il semblerait que ce soit un jeune mâle, mais nous n’avons pas réussi à en être sûrs ce [mardi] matin." Une équipe de l’Aquarium s’est en effet rendue sur place pour tenter de libérer l’animal. "Il est probablement rentré tout seul et il réussira sûrement à sortir tout seul, rassure le directeur. S’il reste coincé trop longtemps on finira par l’attraper pour le faire passer de l’autre côté." 

Des études en cours pour mesurer les effets du filet

Quant aux œufs récupérés par l'association des Grands-mères fantastiques, ils ont été confiés à l'Aquarium, précise Aline Guémas. Dans la nature, deux œufs de requin léopard sur dix succombent aux prédateurs (murènes, coquillages…). La naissance en aquarium permet de protéger l’espèce. Les bébés sont relâchés au bout de quelques mois de captivité. "Nous travaillons sur le Zebra Shark project à l’Aquarium et nous étudions l’espèce de près. Le requin léopard n’est pas sous pression en Nouvelle-Calédonie. La reproduction en captivité pourrait nous aider à réintroduire l’espèce dans des endroits où elle a disparu, comme en Thaïlande ou en Indonésie", explique Olivier Chateau.