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    Nouvelle Calédonie
  • Jean-Alexis Gallien-Lamarche / jeanalexis.gallien@lnc.nc | Crée le 30.03.2018 à 04h25 | Mis à jour le 30.03.2018 à 07h59
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    Les avocats ont évalué le temps qu’il faut pour tirer cinq fois. Ce fusil est une réplique de celui utilisé par Béa Bati : partie en Métropole pour expertise, l’arme n’a jamais été retrouvée. Photo J.-A.G.-L.
    JUSTICE. Au deuxième jour du procès de Béa Bati, jugé pour avoir tué deux membres du clan Kabeu, les témoins ont livré des versions contradictoires du déroulé du crime. De quoi compliquer la tâche de la cour et celle des jurés. Le verdict est attendu aujourd’hui.

    L’écoute est attentive et le stylo ne quitte pas la feuille. Ils ont bien du mérite les jurés de la cour d’assises depuis le début du procès de Béa Bati, mercredi, accusé d’un double meurtre et de trois tentatives de meurtre, à la tribu de Thu, le 23 septembre 2016. Car en deux jours d’audience, il a fallu entendre une quinzaine de témoins, éplucher des dizaines de procès-verbaux, recouper toutes les informations et les dires des témoins. Parfois, entre la version de l’un et le récit de l’autre, tout se mélange, tout se contredit. Les membres des clans Bati et Kabeu ne s’accordent pas sur le déroulé du crime.

     

    Pas une, mais plusieurs versions

    Moins de cinq secondes suffisent à Béa Bati pour semer le chaos et rompre certainement à jamais les relations entre ces deux clans de Houaïlou. Son fusil à pompe en main, le trentenaire ouvre le feu sur les Kabeu qui menacent son père, François Bati. Deux d’entre eux, Pierre-Chanel, chef de clan, et Hervé ne survivent pas. Trois autres souffrent de blessures graves. « J’ai mis mon arme à la hanche. Je savais qu’il y aurait des blessures mais je ne voulais pas les tuer », indique Béa Bati. Une version contestée par Jean-Yann Kabeu, l’un des blessés, qui assure que « Béa a mis les anciens en joue. Comme il y avait François [son père, NDLR] entre lui et nos vieux, il s’est décalé puis il a fait feu sur moi ». Quelle est donc la position de l’arme lorsque Béa Bati appuie sur la détente ? Les versions divergent.

    Les témoins de la scène ne s’entendent pas non plus sur le nombre de coups de feu. L’accusé dit avoir tiré à cinq reprises, son père, François, parle de quatre coups tout comme Stanley Kabeu tandis que Jean-Yann n’est pas en mesure de déterminer le nombre exact de détonations. Les débats ont également porté sur l’ordre des personnes touchées.

    L’accusé affirme avoir fait feu sur Hervé Kabeu en premier, puis sur Pierre-Chanel et enfin sur le reste du clan, Stanley, Jean-Yann et Gérard. « Je ne vois pas Béa tirer car il est dans mon dos. Mais je suis sûr que les premiers coups de feu sont sur Hervé et sur Pierre-Chanel », raconte François Bati. Une thèse que ne partage pas Jean-Yann Kabeu qui affirme avoir été visé en premier.

    Un autre témoin, Félicité, jure que Pierre-Chanel a été la première victime. « La scène s’est déroulée en cinq secondes et avec le choc émotionnel, il est évidemment compliqué de retracer à l’exactitude la scène », concède Me Jean-Jacques Deswarte, le conseil du clan Kabeu.

     

    « Ils imposent leur loi à la tribu »

    Qu’importe, finalement, pour les avocats de la défense toutes ces contradictions. Au fil des débats, ils ont commencé à esquisser leur stratégie, celle de la légitime défense. Car, lorsque Béa Bati s’avance vers les Kabeu pour faire feu, ceux-ci sont face à son père, François. « Il sait de quoi sont capables les Kabeu. Quand il s’est approché, Béa a vu François désarmé face à des excités qui voulaient en découdre », estiment Mes Jacques Loye et Barbara Brunard. L’accusé avoue cependant qu’« il n’y avait pas de violence contre François, mais tous les Kabeu étaient devant lui, il y avait des risques de bagarre. Les Kabeu ne respectent rien, ils imposent leur loi à la tribu ». Ce matin, les débats vont se poursuivre avec la suite de l’audition de l’accusé. Le verdict est attendu en milieu d’après-midi. La peine de 30 ans de réclusion plane au-dessus de la tête de Béa Bati.

     

    « Pour résoudre le problème, il faut que les Bati partent »

     

    À la tribu de Thu, la pression n’est pas retombée. Hier, les familles Bati et Kabeu ont contesté les propos tenus mercredi par le maire de Houaïlou, Pascal Sawa - « la situation s’est apaisée ».

    « Il y a eu des tas d’incidents depuis le drame », comme l’incendie de la maison de l’accusé, assure Stanley Kabeu. Un point de vue partagé par François Bati, chef de clan et père de Béa : « la situation n’est toujours pas apaisée. Il y a pourtant eu des réunions coutumières. Le président du district de Waraï est venu pour discuter. J’espère qu’un jour, on pourra avoir un dialogue avec les Kabeu ». « Ça ne va pas mieux, les réunions n’y ont rien fait. Tout cela est un gros gâchis, c’est à cause d’un manque de dialogue entre nous. Les gendarmes, le conseil des anciens et le district n’ont pas fait leur travail », confirme Jean-Yann Kabeu. Stanley Kabeu ne voit qu’une solution : « pour résoudre le problème, il faut que les Bati partent ». « C’est radical, je ne vous cache pas que ça me surprend. Il n’y a donc pas d’issue… », lâche le président de la cour.

     

     

    Repères

    Les Kabeu déjà condamnés pour le guet-apens
    Le président de la cour et les avocats de la défense sont longuement revenus sur le guet-apens tendu par le clan Kabeu contre les Bati. Des violences qui avaient précédé de cinq minutes les faits reprochés à Béa Bati. La cour a jugé utile de disséquer cet épisode pour mieux comprendre ce double meurtre. De quoi mettre en colère les conseils de la partie civile. « Ce n’est pas ce dossier qu’on juge. Ils n’ont jamais nié leur implication dans ces violences », souligne Me Deswarte, le conseil des Kabeu. L’avocat général est également sorti de ses gonds. « Ça fait 48 heures que nous parlons de ces faits. On sait que les Kabeu ont attaqué les Bati, ce n’est pas contesté. Avançons ! Avançons ! », s’est emporté Christian Pasta. Les Kabeu ayant participé à ce barrage ont été condamnés devant le tribunal de Koné.

    Frictions entre avocats
    Le public a assisté à des joutes oratoires musclées entre les avocats. Me Loye a, par exemple, ironisé sur la voix grave de son confrère, Me Deswarte : « ce n’est pas la tonalité de votre voix qui fait la qualité de l’argumentation ». « Eh bien, parfois si », a répliqué, l’intéressé.

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