- Anne-Claire Pophillat | Crée le 11.04.2025 à 08h42 | Mis à jour le 17.04.2025 à 10h20ImprimerStéphane Retterer, président de l’Autorité de la concurrence, et Sophie Charlot, rapporteure générale, lors de la conférence de presse de l’institution jeudi 10 avril. Photo A.-C.P.L’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie a présenté son bilan lors d’une conférence de presse, jeudi 10 avril. En 2024, l’organisme a rendu des avis, sanctionné des pratiques anticoncurrentielles, pris des mesures allégeant les procédures administratives en cas de reconstruction… Si, cette année, le cheval de bataille est la vie chère, l’ACNC indique qu’elle sera sur tous les fronts, celui "des protections de marché, du modèle économique, des télécommunications, etc.".
2024 : souplesse et vigilance
L’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie (ACNC) a dû adapter son fonctionnement l’an dernier. L’institution l’a fait de deux façons. D’une part, en faisant preuve de "beaucoup de souplesse", indique Stéphane Retterer, son président. Deux types de mesures – toujours en vigueur – ont été mises en place afin d’alléger les procédures administratives et accélérer le traitement et l’instruction des dossiers, soit pour reconstruire un magasin qui a été détruit (de plus de 600 m2), soit en cas de rachat d’une entreprise touchée par la crise. Si le dispositif a encore peu été utilisé, l’ACNC compte sur une augmentation en 2025, notamment en raison de la reconstruction. Car si, en fin d’année dernière, "c’était encore calme", "il y a eu de l’attentisme", Sophie Charlot, rapporteure générale, note "un petit frémissement, ça reprend un peu".
D’autre part, l’Autorité a fait preuve d’une vigilance accrue, du fait de "pratiques anticoncurrentielles que peuvent avoir certains profiteurs de crise". Les prix ont-ils augmenté ? "Il y a eu certainement des augmentations des prix post-crise", selon Stéphane Retterer. Des enquêtes sont en cours. "On a constaté quelques phénomènes, on a des dossiers, mais je ne peux pas en dire plus", déclare Sophie Charlot, tenue par le secret de l’instruction.
Un tiers des grandes surfaces brûlées
"On estime qu’à peu près un tiers de la surface de vente de la grande distribution a disparu depuis le mois de mai", informe Sophie Charlot. GBH, dont les enseignes ont été moins touchées que d’autres, a vu sa position renforcée, passant environ de 35 à 38 % de part de marché, estime l’ACNC. Pour autant, le groupe n’est pas en position dominante. Ce qui n’empêche pas l’institution de rester vigilante sur les ouvertures de magasins – création ou reconstruction d’enseignes -, "de manière que les Calédoniens bénéficient d’une offre diversifiée". " Par exemple, l’ACNC a limité le nombre de mètre carré du récent commerce Naturalia, appartenant à GBH, construit au Green Retail, à Dumbéa, afin, "au vu des parts de marché du groupe, de prendre en compte cette position". Un outil, parmi d’autres, qui permet "d’éviter qu’une entreprise, qui malheureusement bénéficie de la crise, puisse renforcer son pouvoir de marché au détriment des autres concurrents", ajoute Stéphane Retterer.
La vie chère, "un sujet fondamental" pour 2025
Le sujet est "au cœur de l’activité de 2025", appuie le président de l’Autorité de la concurrence. "C’est plus que fondamental." L’ACNC compte suivre "avec grand intérêt" l’investigation lancée par son homologue national sur le groupe GBH, car les thèmes qui y seront évoqués concernent aussi la Nouvelle-Calédonie. "Ils vont en quelque sorte défricher le terrain." L’Autorité envisage d’en tirer "des enseignements et de proposer au gouvernement des modifications de la réglementation dans l’intérêt des consommateurs calédoniens". Autre dossier qui sera suivi, le rapport demandé par le ministre de l’Outre-mer sur les marges en Martinique, poursuit Stéphane Retterer.
L’établissement administratif s’est déjà penché sur cette problématique. Un rapport a été publié en 2020. "On sait pourquoi la vie est chère. Et on a fait des recommandations. Mais près de 75 % d’entre elles n’ont pas été reprises. Donc, on revient en parlant des circuits courts, des intermédiaires, des travaux du port, du développement du commerce électronique, etc. On dit : essayons déjà de faire ce qui avait été mis en avant."
Le gouvernement planche également sur l’élargissement des prix mini. "On pousse pour passer de 60 à 150 produits de grande consommation, et ainsi faire baisser les prix sur un panel plus large", développe Stéphane Retterer. Les Calédoniens doivent-ils s’attendre à une vie moins chère en 2026 ? "C’est ce qu’on souhaite, c’est notre leitmotiv." En cela, l’Autorité pourrait être aidée par un projet de loi de pays qui doterait, entre autres, la structure de davantage de "pouvoir". "J’ai bon espoir qu’il passe d’ici à la fin de ce semestre." Ses capacités à intervenir dans certains domaines, par exemple si des prix étaient jugés excessifs, seraient ainsi renforcées. "Ce sont des compétences supplémentaires pour pouvoir lutter, notamment, contre la vie chère."
L’activité de l’ACNC en 2024
L’année dernière, l’Autorité de la concurrence, qui compte 13 agents permanents - dont 6 locaux -, a fonctionné avec un budget de 186 millions de francs, a rendu 19 avis et décisions et 2 notes économiques - dont une, en juin, sur la réglementation des prix et des marges, et la seconde, en octobre, sur le protectionnisme en Nouvelle-Calédonie -, a examiné 12 secteurs différents, a autorisé 8 concentrations d’entreprises et 6 équipements commerciaux, et a prononcé une sanction au titre des pratiques anticoncurrentielles concernant un accord exclusif d’importation entre Ericsson et Intelia, assortie d’une sanction pécuniaire de 479,8 millions de francs. À noter que l'Autorité a traité moins d'affaires. Les demandes d'autorisation de concentration d'entreprises et d'équipements commerciaux ont été divisées quasiment par deux.
La plus forte sanction jamais prononcée

Un accord exclusif d’importation affecte l’économie.C’est en décembre 2024 que l’ACNC a prononcé la sanction financière la plus importante depuis sa création en 2018 : 479 millions de francs. "Pour donner un ordre d’idée, si on cumule toutes les sanctions en sept ans, cela représente entre 300 et 350 millions de francs", compare Stéphane Retterer, président de l’Autorité. Cette décision vient sanctionner un accord exclusif d’importation mis en place entre les sociétés Ericsson et Intelia. Or, ce type d'accord est interdit depuis 2014 en Nouvelle-Calédonie, rappelle Stéphane Retterer. Il a permis de renchérir les prix des produits vendus par Ericsson via son importateur exclusif à l’OPT. "L’Office avait des prix plus élevés d’environ 20 %. Évidemment, cela se répercute sur le consommateur." Les faits ont été reconnus par les deux parties prenantes et un appel est en cours.
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Explication de l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence.Inciter les entreprises à déclarer leurs comptes
C’est un sujet qui est "dans les tuyaux depuis pas mal d’années", indique Stéphane Retterer, président de l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie, la question du dépôt, par les entreprises, de leurs comptes et bilans financiers. Et pour les inciter à être davantage coopératives, une solution serait d’augmenter l’amende en cas de non-respect de cette obligation, sachant qu'elle est actuellement de 1 million de francs. "Une entreprise qui ne dépose pas ses comptes peut avoir une amende, encore faut-il qu’elle soit poursuivie. Et pour certaines sociétés, c’est parfois plus intéressant de la payer. En revanche, si on appliquait un taux dissuasif, je pense que ce ne serait pas pareil."
Un projet de loi de pays pour une meilleure connectivité
Ce projet de loi de pays est attendu d’ici à la fin du semestre, estime Stéphane Retterer. L’organisme travaille avec le gouvernement afin de mettre en place une régulation indépendante des télécommunications. En 2025, l’idée est de réguler le marché des fournisseurs d’accès à Internet en Nouvelle-Calédonie, au nombre de cinq, pour qu’ils "proposent des prix plus compétitifs et une qualité de prestations plus élevée". L’ACNC explique la démarche sous forme de dessins explicatifs.
S’ouvrir sur la région
Le sujet est mentionné depuis longtemps. Que la Nouvelle-Calédonie se tourne davantage vers les pays de la région pour développer des liens commerciaux plus proches. Le gouvernement travaille depuis plusieurs années sur un accord de libre-échange avec le Vanuatu. Il pourrait être conclu d’ici à la fin de l’année, annonce Stéphane Retterer, qui incite le territoire à en développer avec d’autres États de la zone, Australie, Nouvelle-Zélande, etc. Mais, des freins existent. Cela nécessiterait de revoir les flux commerciaux, de changer de modèle, de réviser les tarifs douaniers, d’accepter différentes réglementations, etc. Un travail qui incombe au gouvernement. "C’est le choix d’une politique industrielle et on voudrait le pousser dans cette direction." Cette proposition de l'ACNC a à nouveau émerger dans le cadre de la note économique sur le protectionnisme du 4 octobre 2024. Le document propose "une évolution du modèle économique calédonien", avec une "trajectoire d'ouverture à la concurrence, mais aussi à la région".
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