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    Nouvelle Calédonie
  • Propos recueillis par Gilles Caprais | Crée le 09.04.2018 à 07h09 | Mis à jour le 09.04.2018 à 07h47
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    « Quand on veut s\'attaquer aux inégalités scolaires, on s\'attaque aux inégalités de milieu social, avec des politiques de redistribution », dit Mme Ris. Photo Thierry Perron
    Éducation. Le rééquilibrage a produit des effets spectaculaires mais les disparités dans l’accès aux diplômes restent fortes, disent les économistes Catherine Ris et Samuel Gorohouna. Le déficit de formation est vu comme un frein à la diversification.

     

    Entretien avec Catherine Ris

     

    Les Nouvelles calédoniennes : Votre étude affirme qu’en dépit du rééquilibrage, l’accès aux diplômes reste fortement dépendant de l’origine ethnique et géographique. Quelle a été la méthode d’analyse ?
    Nous avons utilisé les données des recensements de 1989 à 2014. En 1989, 71 % de la population était sans diplôme, contre 27 % en 2014. La part de la population qui est diplômée de l’enseignement supérieur est passée de 4 à 21 %. On peut dire que l’amélioration des niveaux d’études est générale et se vérifie dans toutes les provinces, et que les inégalités ont été fortement réduites. Cependant, les disparités entre provinces restent fortes. Il y a encore 39 % de non-diplômés dans le Nord et 41 % dans les Loyauté contre 22 % dans le Sud. Ces différences reflètent en partie des disparités ethniques. En 2014, 36 % des Kanak étaient sans diplôme, contre 17 % pour les non-Kanak, et seulement 5 % ont obtenu un diplôme de l'enseignement supérieur, contre 28 % pour les non-Kanak. Et il y a eu une sorte de déplacement : plus les diplômes sont élevés, plus les inégalités sont importantes.

    Comment expliquez-vous ces inégalités persistantes ?
    Une précédente analyse, réalisée par Samuel Gorohouna en province Nord, a montré que le déterminant de la réussite le plus important, c’est la catégorie socioprofessionnelle des parents, le capital social et culturel. L’enfant qui grandit dans une famille qui a les "codes" de l’école y réussit mieux. Ce qui veut dire qu’on est dans un modèle de reproduction sociale, comme aurait dit le sociologue Pierre Bourdieu. L’école fait mieux réussir des enfants qui ont déjà à la maison ce que l’école leur demande. Alors que, justement, l’école républicaine affiche un objectif d’ascenseur social, de faire réussir des élèves qui arrivent à l'école avec différents « bagages ». Et ce souci fait également partie du projet éducatif calédonien.

    Est-ce à dire que les politiques de rééquilibrage n’ont pas abouti ?
    Tout dépend de la définition que l’on donne au rééquilibrage. En Nouvelle- Calédonie, on n’a jamais précisément défini ce terme, l’évaluation est donc difficile. Est-ce arriver à une situation où il n’y a plus de différence entre le Nord et le Sud, entre Kanak et non- Kanak, entre les tribus et les villes ? Ou est-ce avoir réduit de 50 % les écarts ? Si c’est effacer les différences, effectivement, ce n’est pas atteint. Si c’est réduire de moitié les écarts, dans certains domaines, c’est atteint.

    Vous voyez dans les inégalités un risque pour la croissance. Quel est le mécanisme ?
    Quand on a de fortes inégalités dans l’accès aux diplômes, et donc à l’emploi, on laisse sur le bord de la route une partie de la population, qui ne peut pas participer à l’effort productif. Quand on n’a pas d’emploi, on n’a pas de revenu, on ne paie pas d’impôt, on ne consomme pas, on ne contribue pas comme on pourrait le faire en occupant un emploi. Une majeure partie de la littérature économique fait consensus là-dessus aujourd’hui : plus on a des inégalités fortes, moins on a un développement économique et une croissance élevés sur le long terme. Une étude du FMI de 2014 montre que le faible niveau des inégalités est le facteur explicatif le plus fort des périodes de croissance de long terme, loin devant l’ouverture au commerce extérieur, ou les investissements directs étrangers, par exemple.

    Comment jugez-vous le niveau de formation de la population ?
    On a un retard. Quand on compare la Nouvelle-Calédonie aux pays qui ont un niveau de richesse comparable, comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, on a une population qui est beaucoup moins formée. Quand on sait que ce niveau d’éducation est un facteur de croissance, on se dit que les inégalités scolaires font peser un risque. Ce qui crée de la richesse aujourd’hui dans une économie de services, ce n’est pas de détenir de la terre, ou du capital physique, mais de la connaissance, du capital humain. Avec un déficit de formation, on risque de ne pas trouver les relais de la croissance qui doivent nous permettre de faire autre chose que du nickel.

    Vous préconisez de « corriger les inégalités existantes par, notamment, des politiques de redistribution ». La Calédonie a-t-elle encore les moyens financiers nécessaires ?
    Il est évidemment plus facile de redistribuer quand la richesse est créée en abondance, comme ce fut le cas jusqu’à la fin des années 2000. Cela peut passer par une politique de redistribution par la fiscalité - c’est un moyen privilégié - ça veut dire qu’on prend davantage aux « riches » pour donner aux « pauvres ». Je pense qu’on a encore des marges de manoeuvre dans ce domaine en Nouvelle- Calédonie. On sait que l’impôt sur le revenu n’est pas pleinement calibré pour permettre la redistribution, il comporte par exemple, une multitude d’exonérations. Le rapport Lieb de 2011 l’a montré, et cela n’a pas beaucoup changé.

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