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    Nouvelle Calédonie
  • Anne-Claire Pophillat | Crée le 01.04.2025 à 05h00 | Mis à jour le 17.04.2025 à 10h04
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    Pour Steeve Teriitehau, secrétaire général de la Fédé, il ne faut pas "uniquement activer le levier de la masse salariale", mais aussi "s’attaquer aux autres dépenses publiques, sociales et fiscales, aux exonérations, niches fiscales et dépenses de foncti Photo A.-C.P.
    Jugeant le PS2R (plan de sauvegarde, de reconstruction et de refondation) "ultralibéral" et "ne traitant pas assez profondément la question des inégalités", la Fédé a organisé un colloque, jeudi 27 et vendredi 28 mars, en vue d’élaborer son propre "plan de refondation sociale et solidaire" (PR2S). Si tous les secteurs ont été passés en revue, logement, santé, social, éducation, etc., c’est bien la fiscalité qui apparaît comme "le nerf de la guerre". Interview avec Steeve Teriitehau, secrétaire général de la Fédé.

    Quel était l’objectif du colloque, qui doit conduire à l’élaboration d’un plan de refondation sociale et solidaire ?

    Le but est d’alerter nos élus sur le fait que ce que nous venons de passer n’est pas uniquement une crise politique, mais aussi une crise sociale. Il ne faut pas recréer le même modèle que celui dans lequel nous sommes actuellement. Les diverses interventions ont pointé les manquements du PS2R, le fait qu’il ne traite pas assez profondément les inégalités.

    Que reprochez-vous au PS2R ?

    Ce plan s’attache principalement à la relance économique, ce qui est primordial, mais il ne fait pas le nécessaire concernant le logement, la vie chère, la fiscalité, l’éducation, etc. On se focalise aussi sur les bas salaires et la suppression du Smag au profit du SMG. Cela fait des années que nous attendons. Il ne faut pas travailler seulement sur quelques leviers, mais sur tout en même temps, la relance de l’emploi et de l’économie, la réforme fiscale adaptée, etc. Manuel Valls a dit qu’il fallait traiter rapidement les inégalités, si on ne voulait pas que cela nous explose à la figure. Emmanuel Macron en avait déjà parlé en juillet 2023, lors de son discours place des Cocotiers, disant qu’il fallait se servir de la réforme fiscale comme outil de redistribution des richesses.

    Quel principal élément est ressorti du colloque ?

    Je dirais que c’est le partage des richesses et la fiscalité, qui est ultralibérale. On nous dit qu’il n’y a plus de richesses, nous disons juste que nous ne voulons pas refaire le même modèle demain. On se rend bien compte que la fiscalité, c’est le nerf de la guerre.

    Il existe plusieurs mesures, comme la taxation des dividendes, la réforme de l’IRPP, la taxe croisière, la taxe des plus-values mobilières, pour mieux répartir les richesses

    Que proposez-vous en termes de fiscalité justement ?

    Il existe plusieurs mesures, comme la taxation des dividendes. Le Medef nous dit qu’il n’y en a plus, sauf que quelques entreprises en ont quand même sorti. Il y a la réforme de l’IRPP (impôt sur le revenu des personnes physique), la taxe croisière, qui ne coûterait rien aux Calédoniens et permettrait de rapporter entre 600 et 700 millions par an. Nous proposons aussi, pour soutenir les bailleurs sociaux, la taxe des plus-values mobilières ou la réaffectation de la taxe des plus-values immobilières qui, elle, est déjà votée. On en veut à nos élus, parce que cela fait des années qu’il est question de la situation du logement social. C’est pareil avec le régime retraite de la Cafat. En février 2026, il n’y aura plus la trésorerie pour les payer, mais on entend personne sur le sujet. Ces propositions ont été chiffrées, elles représenteraient environ 10 milliards de francs par an.

    Pourquoi cibler plus particulièrement, dans la dépense publique, les dépenses fiscales et sociales ?

    La Chambre territoriale des comptes dit que les dépenses fiscales et sociales, donc les exonérations, les niches fiscales, etc., représentent 28 % des recettes totales de la Nouvelle Calédonie. C’est 49 milliards sur 202 milliards. La CTC dit qu’elle arrive à suivre le montant des exonérations, mais qu’en face, elle n’a aucune évaluation des dispositifs. C’est opaque. On ne dit pas qu’il faut tout enlever, il y a des secteurs qui en ont besoin, il faut juste tout remettre à plat. Par exemple, les entreprises d’entretien d’espaces verts sont déclarées dans le secteur agricole, donc elles rémunèrent leurs agents au Smag, alors qu’ils sont hors du secteur de l’agriculture. Autre exemple : 3 000 agriculteurs sont inscrits à la Cafat et 4 000 cartes circulent. Il y a aussi des entreprises, qui vivent grâce aux exonérations. On ne doit donc pas uniquement activer le levier de la masse salariale, mais aussi s’attaquer aux dépenses sociales et fiscales, à celles de fonctionnement, dont celles des élus.

    La TGC est l’impôt le plus injuste, parce qu’il touche toute la population quels que soient les revenus

    Le 18e gouvernement envisage de revoir la fiscalité, notamment de réformer la TGC. Comment voyez-vous ces projets ?

    La TGC constitue l’impôt le plus injuste, qui touche toute la population, quels que soient les revenus. Aujourd’hui, on a une TGC à quatre taux, 3 %, 6 %, 11 % et 22 %, avec des produits exonérés. Là, on nous propose une TGC à deux taux avec le taux zéro. En réalité, c’est une TGC à taux unique, qui se situerait entre 10 et 11 %, ce qui aurait un effet inflationniste. Les produits à 3 %, tout ce qui est viande congelée, poulet, etc., augmenterait. Concernant les prestations de services, je doute que les organisations patronales soient complètement favorables. Pour nous, ce n’est pas entendable.

    On s’aperçoit une fois de plus, que le 18e gouvernement reste aligné avec le 17e. À l’ordre du jour de la conférence fiscale et sociale, on parle de l’impôt sur les sociétés, du coût du travail, mais on ne parle pas d’autres mesures qui viseraient à mieux distribuer les richesses. On va dire qu’on est fou, mais on ne peut pas vivre sans augmenter la pression fiscale. Il faut prendre ses responsabilités et arrêter de solliciter le contribuable français.

    Que pensez-vous de la trajectoire de baisse des dépenses publiques qui repose beaucoup sur la diminution de la masse salariale, le gel de l’avancement des fonctionnaires, etc. ?

    Les fonctionnaires font preuve de solidarité depuis un moment, puisqu’ils cotisent au Ruamm, alors qu’ils n’en bénéficient pas. Il faut savoir aussi ce que pèsent les agents publics dans l’économie. Pendant la période de crise, ils ont participé à la faire tourner. Ensuite, si on parle de la rémunération, les agents publics ne sont pas mieux payés que dans le privé par catégorie socioprofessionnelle. La masse salariale est plus élevée, parce qu’il y a le milieu médical, avec des catégories A, l’enseignement, qui en représente plus de 55 %. Et puis, nous nous sommes déjà engagés sur cette question. On a supprimé 150 postes en 3 ans avec la province Sud, 150 postes en CDD avec l’OPT. On est inscrit dans cette démarche depuis longtemps.

    On peut créer des taxes qui ne vont pas affecter la majorité de la population. On parle de solidarité. C’est le cas de la taxe sur les dividendes, ou du déplafonnement du Ruamm

    Beaucoup de personnes pensent que créer de nouvelles taxes ou augmenter les impôts freine le développement et la croissance. Que répondez-vous ?

    On peut créer des taxes qui ne vont pas affecter directement la majorité de la population. On parle de solidarité. C’est le cas de la taxe sur les dividendes, par exemple. Concernant le Ruamm, il y a toujours des plafonds. Il y en a un à 515 000 francs. C’est-à-dire que les gens qui perçoivent des rémunérations entre 1 franc et 515 000 francs payent à hauteur de 15 % de leur salaire de cotisation au Ruamm. Ceux qui sont au-dessus de 515 000 ne payent que 5 %. C’est simplement une question de justice sociale, ceux qui touchent plus cotiseraient au même niveau que ceux qui touchent moins. D’après nos estimations, cela rapporterait aux alentours de 3 à 4 milliards de francs.

    Que vont devenir les propositions qui ont émergé lors du colloque ?

    On va rédiger la synthèse de nos conclusions pour les porter rapidement au niveau territorial et national, au ministère de l’Outre-mer ainsi qu’à la commission Outre-mer du Sénat, parce qu’on est en contact avec la sénatrice Micheline Jacques, qui en est la présidente. On a également saisi Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher. Ces conclusions vont devenir notre cheval de bataille pour les mois à venir, car on veut éviter de retomber dans la même crise. Après, on est globalement alignés avec les autres syndicats, notamment sur la réforme fiscale. On souhaite porter ces propositions ensemble. On essaie de recréer l’intersyndicale.

    Craignez-vous une crise sociale ?

    Oui. Nos élus de la Fédé, notamment du Nord et des Îles, nous disent que les gens en ont marre des injustices, qu’ils ont envie de manger. On tire la sonnette d’alarme sur les émeutes de la faim.

    Chômage : un dispositif transitoire ?

    Alors que le chômage partiel exactions prend fin en juin, des discussions sont en cours entre le gouvernement et les partenaires sociaux, en vue de mettre sur pied une formule transitoire, qui prendrait la relève jusqu’au 31 décembre, explique Steeve Teriitehau. "Le souhait des organisations patronales est de pérenniser le dispositif sur les six derniers mois de l’année de façon à maintenir les compétences", explique le syndicaliste. L’idée serait visiblement de diminuer le temps de chômage partiel, de façon à réinsérer progressivement les salariés dans les entreprises, à un taux d’indemnisation qui serait inférieur à celui qui existe aujourd’hui (50 %). Ce qui inquiète le responsable de la Fédé ? "À aucun moment nous n’avons parlé du financement, et pour les organisations patronales, il est hors de question de revoir la cotisation chômage." Cette question du financement concerne également le chômage total. Là aussi, il manquerait des ressources pour assurer les indemnisations. Le 18e gouvernement aurait également proposé de plancher sur un nouveau dispositif de chômage pour le 1er janvier 2026. Rien n’est encore acté, les discussions doivent se poursuivre, notamment dans le cadre de la conférence sociale et fiscale prévue fin avril.

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