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    Nouvelle Calédonie
  • Yann Mainguet | Crée le 29.08.2018 à 06h02 | Mis à jour le 29.08.2018 à 06h02
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    Depuis le lundi 6 août, des individus, étrangers à la SLN, bloquent les voies d’accès aux sites miniers de Méa et Kiel.
    La rencontre entre les coutumiers, les représentants de la SLN, la commissaire déléguée de la République pour la province Nord, et le maire, n’a pas accouché de mesures franches hier à Kouaoua. Les protestataires avaient choisi de ne pas participer. Le conflit perdure, et l’absence de visibilité inquiète. Nouveau rendezvous aujourd’hui.

    Les salariés ?

    La plus jeune commune de Nouvelle- Calédonie est-elle en train de s’éteindre ? Une crise profonde ronge actuellement Kouaoua. Les incendies d’origine criminelle sur le convoyeur Serpentine puis le blocage d’accès ont emporté une décision rare dans l’enceinte de la SLN : le 14 août, la filiale d’Eramet annonçait la fermeture - autrement dit, la mise en sommeil - du centre minier, car « la sécurité n’est plus assurée ». La première répercussion est d’ordre social. L’effectif en ce point de la côte Est s’élève d’ordinaire à 180 salariés Société-Le Nickel. Vu la conjoncture, une centaine ont été répartis sur quatre sites de l’entreprise : Tiébaghi, Thio, Népoui, et Doniambo. L’aiguillage pour ces affectations présentées comme provisoires, s’est opéré au regard des corps de métier et des besoins des lieux. L’idée étant alors de constituer des équipes supplémentaires. Par ailleurs, une procédure de chômage partiel est engagée pour un peu moins de 80 employés. Un traumatisme dans la région.

    Les sous-traitants ?

    Une trentaine de sous-traitants, dont une majorité sont originaires du bassin, oeuvrent habituellement pour le centre minier de Kouaoua. Leur activité regroupant tout de même 200 emplois, porte sur l’arrosage des voies, le roulage, ou encore les travaux environnementaux. Un monde aujourd’hui à l’arrêt, alors que les traites de sociétés doivent être honorées. « Nos engins sont bloqués à l’intérieur du site, déplore un entrepreneur, soutenu par des collègues. On ne peut pas travailler. On subit la situation. » Une intervention du Fonds Nickel est, entre autres, espérée. Avant le cataclysme, « certains étaient déjà en redressement judiciaire ».

    Kouaoua vit de l’activité minière. L’exécution de tous les contrats de prestations en cours est suspendue.

    Et pour Doniambo ?

    La production de minerai à Kouaoua est de l’ordre de 600 000 tonnes par an. Non négligeable (20 %) sur les 3 millions de tonnes, tous sites confondus, envoyées à l’usine de Doniambo. Or, depuis la mi-août, plus une benne de terre rouge ne sort du centre minier. La SLN a mis en place un plan pour compenser le déficit : des apports du centre de Thio mais aussi de petits mineurs. La région paralysée est essentiellement constituée de massifs ultrabasiques. Point fondamental, un équilibre au niveau des caractéristiques chimiques - l’acidité du minerai et la teneur en fer - doit être respecté pour le parfait fonctionnement des fours à Nouméa. Un minerai du même type que celui de Kouaoua est ainsi recherché. La formule de secours est-elle tenable à moyen terme ? Le risque de perdre des tonnes de métal est élevé.

    Demain ?

    « Aujourd’hui, la commune reste essentiellement dédiée au développement minier qui façonne son économie mais également son organisation territoriale et sociale, ainsi que ses paysages », indiquait une enquête publique sur Kouaoua il y a quelques années. Sans l’activité de la SLN, la jeune collectivité souffre, vacille. La filiale d’Eramet traverse elle une très mauvaise passe. L’application du plan « SLN 2020 » a pris du retard. Les mesures de productivité attendues par la direction ne sont pas appliquées. Puis est arrivée l’affaire de Kouaoua, source d’une réelle évolution à la hausse des coûts. L’industriel s’attendait à un exercice 2018 déficitaire. Conséquence : tirer des lignes de crédit, et augmenter la dette. La perspective d’un bilan comptable encore plus sombre est réelle. Un impact sur les effectifs est redouté.


    Le village est mort, y’a plus rien

    Huit jours après le blocage, la SLN annonçait la fermeture du centre de Kouaoua. Photo Julien Cinier

    Marie-Paule Tourte-Trolue, la commissaire déléguée de la République pour la province Nord, avait prévenu, « Tout ne va pas se régler “demain” ». Sa déclaration remonte désormais à neuf jours et l’État peine toujours à éteindre une crise qu’il n’a pas vue venir. Voilà un peu plus de trois semaines qu’une cinquantaine de protestataires bloquent l’accès à la mine de Kouaoua, manifestant contre l’exploitation l’an prochain des gisements de Mont-Calm et de Chêne- Gomme par la SLN, et les conséquences sont déjà considérables. L’entreprise a ainsi annoncé la fermeture de son centre minier plongeant la commune dans un profond sommeil.

    Hier, une réunion à la mairie s’annonçait cruciale. Elle devait pour la première fois rassembler les principaux acteurs de ce dossier aussi complexe que sensible : jeunes, coutumiers et SLN, en plus de la Dimenc, de la province Nord, de l’État. Refusant que la réunion se tienne à la mairie, les auteurs des barrages n’ont pas assisté aux débats. « On avait prévu de parler à la tribu de Méa, pas à la mairie. On est optimistes, c’est par le dialogue que l’on va s’en sortir. Mais il est clair qu’on ne bougera pas tant que la SLN ne nous aura pas clairement dit qu’elle refusait d’exploiter “Mont- Calm” et “Chêne-Gomme” », avertit Hollando Nimoiri, le porte-parole des protestataires. Aujourd’hui, les responsables de la SLN devraient se rendre à Méa pour rencontrer les jeunes. En présence des coutumiers ? Hier soir, il était impossible de l’affirmer. « La SLN va pouvoir s’exprimer devant les jeunes qui ont beaucoup de questions. On va entrer dans le coeur du sujet : les autorisations d’exploitation, les travaux entrepris, les compensations environnementales, décrypte la représentante de l’État. Réunir la SLN et les jeunes est déjà un succès. Mais rien n’indique que la crise ne va pas durer au sortir de cette réunion.

    Nous sommes dans une démarche de médiation, il faut aller jusqu’au bout

    Pour désamorcer « cette bombe sociale », comme l’avait justement dit le maire de Kouaoua Alcide Ponga au début du conflit, il ne reste que le dialogue, le recours à la force étant écarté par l’État à ce stade des négociations. «Nous sommes dans une démarche de médiation, il faut aller jusqu’au bout. On n’a pas encore épuisé toutes les voies du dialogue », souligne Marie-Paule Tourte-Trolue. Au village, il n’y a plus un bruit et pour trouver âme qui vive, la solution la plus simple est encore de se rendre à l’alimentation. « C’est sûr que la situation n’est pas facile, c’est très calme ici… Beaucoup de monde est parti, on se débrouille autrement mais la vie suit son cours », raconte Béatrice Chagnoux, la gérante de l’unique restaurant du coin qui est fermé « en attendant de voir la suite des événements ». Pour une autre habitante, « le village de Kouaoua est mort. Depuis que la SLN a fermé et que les sous-traitants sont dispersés, y’a plus rien ! » Uniquement, ici et là, les familles des employés. Néanmoins, la dame « reste optimiste », et croit à un apaisement entre les protestataires et les coutumiers. Il le faut, parce que, selon un entrepreneur du coin, « ce n’est pas une bonne situation à l’approche du référendum du 4 novembre ».


    REPÈRES

    « Réduction, évitement et compensation »

    La SLN l’affirmait dans un communiqué de presse diffusé le 14 août, des actions d’évitement ou encore de compensation sont appliquées et prévues : 2% des chênes-gommes, soit 717 arbres sur plus de 33 000 estimés sur Kouaoua, seront impactés par la mine ; les arbres coupés seront mis à disposition des habitants des tribus, à leur demande ; quatre fois plus d’arbres seront réintroduits que le nombre d’arbres coupés (une collecte de 250 kg de graines a déjà eu lieu) ; des mesures d’évitement de l’habitat forestier et des plus gros chênes-gommes ont été mises en place (1,8 ha) ; un programme de multiplication et de réintroduction des espèces rares inventoriées dans la zone a également été engagé (collecte de plantules réalisée fin 2017) ; des mesures de compensation ont été prises telles que la création sur le massif de Kouaoua d’une zone de conservation de la biodiversité avec études de la faune et de la flore et mise en oeuvre de mesures de restauration de l’habitat, écrivait la filiale d’Eramet.

    Toute jeune

    « L’histoire administrative de la commune de Kouaoua est très récente. En effet, anciennement rattachée à la commune de Canala, ce n’est qu’en 1995 que Kouaoua devient une commune à part entière. Cette scission de Canala en deux communes, Kouaoua et Canala, intervient alors que chacun des deux sites affirme son identité culturelle. Leur séparation dans l’espace est une volonté commune de distinguer les deux entités » précise un rapport sur le Plan d’urbanisme directeur (PUD) de la collectivité aujourd’hui touchée.

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