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    Nouvelle Calédonie
  • Enrico Letta, président de la Commission internationale d'experts indépendants
    Propos recueillis par Yann Mainguet | Crée le 12.03.2023 à 12h30 | Mis à jour le 12.03.2023 à 12h31
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    "Nous avons trouvé, auprès de chaque interlocuteur, une authentique envie d'apporter une contribution" a observé Enrico Letta qui travaille, avec les autres membres du CIEI, sur neuf thèmes de recommandation. Photo Y.M
    Comment le Congrès peut-il évoluer ? Conduite par l'Italien Enrico Letta, ancien président du Conseil des ministres, la Commission internationale d'experts indépendants (CIEI) se penche sur le fonctionnement de l'institution. Des pistes d'amélioration sont déjà proposées.

    La CIEI mène une mission d'évaluation du Congrès à l'initiative du président Roch Wamytan, alors que des travaux sont réalisés sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Ces deux opérations sont-elles bien distinctes ?

    La base de notre réflexion est celle-ci : le renforcement de la démocratie calédonienne et l'amélioration du travail du Congrès sont importants, quel que soit le niveau de relation entre la France et la Nouvelle-Calédonie. Ce que nous allons présenter est utile, quel que soit le scénario. Nous ne voulons absolument pas mélanger les deux choses. Nous ne voulons pas que les propositions de la CIEI soient conditionnées à l'un des scénarios d'avenir institutionnel.

    Tout ce que proposons est utile, pour une raison très simple. Après la signature de l'accord de Nouméa, le Congrès a travaillé, mais il est important aujourd'hui de réaliser une évaluation et de voir comment le faire évoluer vers un Parlement à part entière. Un Parlement qui soit capable de faire son travail, qui ne soit pas diminué comme il l'est actuellement.

    Quels éléments vous amènent à cette conclusion ?

    Ils sont simples. Les points essentiels de la vie d'un Parlement sont l'autonomie financière, une compétence législative exclusive et forte, mais aussi une capacité de contrôle du gouvernement efficace et l'immunité des membres du Congrès, c'est-à-dire le fait de ne pas pouvoir être poursuivis pour des propos tenus dans l'enceinte. Ce sont des éléments clés du parlementarisme. Quand on parle de démocratie, il faut aussi parler d'État de droit, de droits du citoyen à respecter, de l'indépendance de la justice, de la presse libre...

    Car il y a danger ?

    La démocratie est secouée, est mise en danger, partout dans le monde. Soit par une indifférence des gens - quand vous avez moins de 50 % de participation à un vote, comme lors des législatives -, c'est un problème sérieux. Soit par des événements comme à Capitol Hill, avec l'assaut du parlement par les soutiens de Donald Trump ou à Brasilia avec l'assaut du parlement par des soutiens de Jair Bolsonaro.

    La démocratie doit être défendue et renforcée.

    Ici aussi ?

    Ici, c'est plus simple, parce qu'elle est plus jeune. C'est-à-dire : le Congrès, dans sa fonction législative, est jeune. Mais il est vrai que, puisqu'il est jeune, il faut l'accompagner vers sa maturité. C'est ce que nous sommes en train de faire, avec respect. J'ai beaucoup apprécié la démarche du président Roch Wamytan et du Congrès. Cela veut dire : il faut une évolution des choses. C'est une démarche originale, intelligente, créative, qui démontre que la Nouvelle-Calédonie est un laboratoire démocratique unique au monde. Un laboratoire démocratique qui mérite d'avoir et d'apporter toutes les idées les plus intéressantes.

    Avez-vous toutefois relevé une fragilité ?

    Je ne parlerais pas de fragilité. Je pense que c'est un système dans lequel il y a un tel respect réciproque qu'il faut trouver la façon de le rendre intéressant pour les gens. Un exemple : il faut que les membres du Congrès s'habituent à "se disputer" entre eux, plus que ce qu'ils ne font jusqu'à maintenant, à travers notamment un instrument que nous proposons : les questions-réponses, sans langue de bois, sans lecture de texte, comme dans tous les Parlements, le top étant chaque semaine le Parlement britannique.

    La durée du mandat des présidents du Congrès et de commission - un an - vous a-t-elle surpris ?

    Aucun Parlement au monde ne fonctionne comme cela. On préconise, dans ce cas, la durée du mandat des conseillers, ou - je plaide plutôt pour cette piste - d'un demi-mandat, comme au Parlement européen, le successeur du président étant normalement d'une autre mouvance politique. Idem pour les présidents de commission. Parce que le Congrès est la maison de tous.

    Il y a beaucoup de sujets intéressants, comme celui - important - de la relation avec les provinces dans lequel est posée la question de la légitimité des membres du Congrès. C'est un sujet complexe. Parce que personne n'accepterait, j'imagine, de doubler le nombre d'élus. Il faudrait un ajustement. La mission d'un membre du Congrès doit être celle de représenter la Nouvelle-Calédonie et le Congrès, et non pas sa propre province.

    La question est : faut-il être élu provincial et membre du Congrès...

    Le Parlement européen a vu grandir son rôle quand ses membres ont été élus de façon exclusive au Parlement européen. C'est un point que nous étudions.

    Vous proposez l'arrivée d'un "défenseur des droits du citoyen". Quel est l'enjeu ?

    Beaucoup de Parlements ont élu un "ombudsman", une figure dotée de moyens pour défendre le droit des citoyens, des citoyens qui pensent avoir eu "un droit nié". Cette disposition procurerait davantage d'envergure et d'importance au Parlement. Elle donnerait la possibilité au Parlement d'être encore plus vu par le citoyen comme le lieu qui les aide.

    Vous savez, beaucoup de systèmes politiques rencontrent un vrai problème : des Parlements et parlementaires sont vus par les citoyens comme l'ennemi. Il faut transformer tout cela. Il faut que le Parlement devienne le lieu où le citoyen sait qu'il est défendu, c'est sa maison.

    Parce que la démocratie bouge, le Parlement doit donc bouger.

    Exactement. La démocratie bouge, nos vies personnelles bougent, à cause du temps réel de l'internet, etc. Les actions de démocratie participative sont nombreuses. Je cite les référendums, les consultations citoyennes...

    Vous avez d'ailleurs pensé à la Suisse, pourquoi ?

    En Suisse, les citoyens sont très souvent consultés. Et le système fonctionne bien.

    Il y a des sujets nouveaux, comme l'impact du réchauffement climatique en Nouvelle-Calédonie. C'est ici une question de vie ou de mort. Il est donc important de faire en sorte que les décisions soient aussi prises, sur ces aspects-là, avec l'appui des gens.

    Quelle est désormais votre feuille de route ?

    Notre rapport préliminaire comporte neuf grands axes de travail. (La semaine passée), nous avons eu six rencontres par jour. C'était fascinant. Nous avons trouvé une coopération partout. Une nouvelle visite est prévue en juillet, afin de compléter les entretiens et remettre le rapport final au président et au bureau du Congrès. Ce sera à eux de décider à la fin de cette mandature. J'espère que ce rapport ne va pas rester dans un tiroir et que le Congrès va choisir la route du courage.

    Note

    La Commission internationale d'experts indépendants est composée de : Enrico Letta (Italie), président de la CIEI, ancien président du Conseil des ministres, membre de la Chambre des députés, Jacques Chagnon (Canada), vice-président de la CIEI, ancien ministre, ancien président de l'Assemblée nationale du Québec, Alvaro De Soto (Pérou), co-rapporteur de la CIEI, ancien diplomate, ancien secrétaire général adjoint aux Nations Unies, Selma Bendjaballah (France), co-rapporteure de la CIEI, ingénieure de recherche et docteure en sciences politiques, Edward Wolfers (Australie), membre de la CIEI, professeur émérite, Université de Wollongong et Kaliopate Tavola (Fidji), membre de la CIEI, ancien diplomate, ancien ministre des Affaires étrangères. Les experts ne sont pas rémunérés.

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