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    Nouvelle Calédonie
  • Propos recueillis par Marion Durand pour Outremers 360 | Crée le 03.05.2024 à 05h00 | Mis à jour le 03.05.2024 à 05h00
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    L’océanographe Sophie Bonnet sur la bouée lors de son transport dans le lagon calédonien. Photo Marie Baritaud
    L’océanographe Sophie Bonnet a déployé une bouée intelligente au large de la passe de Boulari pour étudier la capacité des océans tropicaux à piéger du carbone. Pendant quatre ans, l’embarcation va récolter des données inédites et de nombreux échantillons, d’abord au large du récif Aboré puis à un autre endroit dans le Pacifique Sud. Pour la chercheuse, cette zone encore peu étudiée est un laboratoire idéal pour la recherche océanique et la Nouvelle-Calédonie coche toutes les cases pour accueillir ce genre de projet. Une interview réalisée par notre partenaire Outremers 360.

    Au large de la passe de Boulari, une nouvelle embarcation de 5 mètres de diamètre flotte sur l’eau depuis le 2 mars 2024. Cette bouée intelligente, munie de capteurs innovants, communique avec la Terre et récolte des données et des échantillons inédits. Financé par la bourse européenne ERC Consolidator et porté par Sophie Bonnet, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), le projet HOPE vise à étudier la capacité des océans tropicaux à séquestrer du dioxyde de carbone (CO2).

    Deux mois après l’installation de cette bouée, la chercheuse revient sur l’importance de mener des projets de recherche dans le Pacifique sud, une zone peu étudiée mais pourtant si riche. Et sur le choix de la Nouvelle-Calédonie, qui possède à la fois un navire océanographique et un centre de recherche très bien doté.

    Pourquoi avoir déployé cette bouée dans le Pacifique Sud, au large de la passe de Boulari ?

    J’ai beaucoup réfléchi à l’endroit, il fallait d’abord que ce soit dans l’océan tropical. Il fallait aussi avoir à disposition un navire océanographique, avec un labo hi-tech. L’Antéa, le navire de la flotte océanographique est basé en Nouvelle-Calédonie. Le choix s’est porté sur Nouméa car on y trouve aussi un centre de recherche IRD (Institut de recherche pour le développement) très bien doté en personnel et en logistique. Dans les outre-mer français, je ne pense pas qu’il y ait d’équivalent aussi efficace que la Nouvelle-Calédonie en termes d’océanographie physique et biologique.

    Le Pacifique est-il une zone encore pleine de mystères pour les océanographes ?

    Oui, surtout le Pacifique Sud. La première fois que je suis venue en Calédonie, en 2012, cette zone était un environnement assez vierge, immense mais peu étudiée par les océanographes. Pourtant c’est un territoire maritime passionnant et un environnement idéal pour les scientifiques qui travaillent sur les récifs coralliens ou sur les plaques tectoniques. Le Pacifique Sud est un chantier en or pour les chercheurs ! Toute la zone entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française est très riche car de nombreux processus s’y passent. Au large des îles Tonga par exemple, il y a de grandes oasis de vie et un puits de carbone unique au milieu du désert grâce aux fluides émis par les éruptions volcaniques sous-marines.

    Le Pacifique est un laboratoire idéal car il y a tout.

    Pourquoi est-ce essentiel d’aller voir ce qui se passe dans les eaux du Pacifique ?

    C’est une zone particulièrement intéressante, le Pacifique est un laboratoire idéal car il y a tout : des volcans aériens, des volcans sous-marins, des jonctions de plaques tectoniques, une biodiversité incroyable, des courants marins qui coulent d’Est en Ouest et amènent des eaux particulièrement riches. Il y a là-bas une conjonction de processus qui font que l’environnement est aussi hétérogène. On dit souvent que l’océan tropical est un vaste désert homogène, où rien ne se passe. Le Pacifique Sud n’est pas un désert, c’est un océan dit " oligotrophe ", moins productif que l’océan austral ou la Bretagne par exemple, mais très hétérogène. En Nouvelle-Calédonie, la présence du centre IRD et d’un navire océanographique fait que tout est réuni pour y faire de belles recherches.

    Le potentiel du Pacifique sud est-il selon vous suffisamment exploité par les chercheurs ?

    Je ne pense pas, l’effort de recherche reste bien plus faible que ce qu’on peut avoir en Métropole, en Europe ou aux États-Unis. Le navire océanographique présent à Nouméa, même s’il a le mérite d’exister, est trop petit et trop vieux. On manque aussi d’effectif, l’éloignement est l’une des principales raisons. On ressent ici une plus grande influence australienne que française. C’est aussi très cher de faire des recherches dans le Pacifique car l’acheminement du matériel coûte beaucoup d’argent. Je pense que notre méconnaissance de la richesse de l’écosystème présent ici fait qu’on ne déploie pas un effort de recherche important, surtout en océanographique physique et biologique.

    Si on prend la Polynésie, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie, on a des millions de kilomètres carrés qui nous tendent les bras…

    Faut-il investir davantage dans la recherche dans le Pacifique ?

    Oui, évidemment. Si on ne le fait pas, les Américains ou un autre pays le feront. La France est un grand territoire ultramarin, dotée d’une zone économique exclusive phénoménale. Dans le Pacifique, nous avons un seul bateau petit et vieux alors qu’on a une zone maritime qui nous est jalousée par tout le monde. Si on prend la Polynésie, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie, on a des millions de kilomètres carrés qui nous tendent les bras mais on est incapable de les étudier, de les exploiter. L’effort de recherche est très insuffisant ici et les outremers sont trop faiblement dotés, c’est certain.

    Les territoires ultramarins, répartis autour du globe, ont-ils une place suffisamment importante dans la recherche océanique ?

    Ils sont considérés par certains instituts. Pour l’IRD, l’outre-mer et les pays du Sud font partie des priorités de l’institut. Il est vrai que si on rapporte le nombre de chercheurs au nombre de kilomètres carrés d’océan à étudier, ça fait peu. Mais de nombreuses publications scientifiques émanent des outremers français car ce sont des environnements riches et peu connus. Dès qu’on met notre nez dans ces territoires ultramarins on trouve des choses extraordinaires.


    La bouée intelligente a été installée au large de vers du récif Aboré pour deux ans. Photo Nicolas Job

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