- LNC | Crée le 15.09.2024 à 05h00 | Mis à jour le 15.09.2024 à 05h00ImprimerAuguste Bouteiller, dit Gustave (1840-1916). Photo DRAuguste Bouteiller dit Gustave est ouvrier horloger lorsqu’il est condamné à huit ans de travaux forcés. Installé à Canala, il s’unit à une jeune fille d’une tribu voisine puis à une Indienne. Réhabilité, travailleur, l’ancien forçat est médaillé pour la qualité de ses récoltes. Devenu exploitant minier, sa situation est florissante et sa descendance nombreuse. Rosemonde Jarossay, entourée de ses cousins, raconte la vie de ce trisaïeul au profil de gentilhomme bon vivant dans ce dix-septième épisode de notre saga consacrée aux familles issues du bagne.
"Auguste Bouteiller dit Gustave est né le 1er septembre 1840 dans l’Ain, d’une famille originaire de Franche-Comté. Il est le fils de Françoise Bouteiller et d’un officier allemand. Tout d’abord élevé par sa mère, il est ensuite confié à sa grand-mère maternelle à l’âge de 6 ans. Il entre très jeune aux Usines & Manufactures Japy, où une grande partie de sa famille, forgerons pour la plupart, est employée. Puis il se convertit au métier d’ouvrier horloger qu’il commence à exercer. Il quitte l’est de la France en 1859 pour la Normandie jusqu’en 1862, puis il s’installe à Paris.
Auguste vit en concubinage avec Kuma, une Mélanésienne de la tribu de Kaké à Canala, fille de Kitadié et de Boineaco.
Trois ans plus tard, le 5 avril 1865, la cour d’assises de la Seine le condamne à huit ans de travaux forcés pour vols, complicité de vols et récidive. Il est déclaré coupable de soustraction frauduleuse à l’aide d’effraction dans une maison habitée, de faux en écriture privée et usage, de recel d’objets soustraits à l’aide d’effraction par un domestique à son patron. Il est tout d’abord envoyé au bagne de Toulon puis embarqué sur l’Iphigénie en février 1867, le troisième convoi de transportés. "
Marie-Thérèse Bouteiller épouse Mailliez, Henri David, Rosemonde Elmour épouse Jarossay et Gilles Bouteiller. Photo DRRosemonde Jarossay a commencé ses recherches il y a plus de vingt-cinq ans, à une époque où les demandes par voie postale étaient accompagnées du coupon-réponse et d’une enveloppe timbrée. Si aujourd’hui la généalogie de la famille Bouteiller remonte jusqu’en 1600, la tâche n’a pas été simple, il a fallu quinze ans à Rosemonde pour retrouver la trace de la mère d’Auguste car le dossier du bagne était mal renseigné. Grâce à des correspondances conservées et prêtées par les demoiselles Papon, elle a pu rechercher et trouver les branches apparentées ainsi que Françoise Bouteiller, la mère de son ancêtre.
Des travaux forcés à l’exploitation minière
" Après quelques années passées à l’île Nou puis à Canala, notre ancêtre est libéré le 29 juin 1873, mais toujours astreint à résidence. Il se fait alors embaucher chez des colons de Nakéty, comme Jean-Louis Cassou, chez qui il réside. Puis il acquiert une petite propriété. C’est le début d’une nouvelle vie. Auguste vit en concubinage avec Kuma, une Mélanésienne de la tribu de Kaké à Canala, fille de Kitadié et de Boineaco. De leur union naissent trois enfants : Auguste en 1873, Françoise en 1879 et Marie-Louise en 1881, année où ils régularisent leur situation et reconnaissent les deux aînés.
La grande propriété d’Auguste à Nakéty. A gauche, la maison d’habitation, et divers logements abritant une boucherie, une boulangerie, un hangar à café et le logement du personnel. A droite le magasin. Photo DRAuguste va travailler sans relâche pour mettre en valeur son lopin de terre, et ses récoltes lui permettent de s’agrandir. Il achète d’autres terrains, cultive de nombreux caféiers et crée un commerce à côté de son habitation. Son travail est d’ailleurs récompensé en 1889 par l’attribution d’une médaille à l’Exposition universelle pour la qualité exceptionnelle de son café.
Petit à petit, Auguste va jouir d’une position très honorable grâce à la prospection minière. Il est titulaire de plusieurs permis de recherche et d’exploitation à Nakéty et, en 1890, à Bogota. Permis après permis, Auguste se retrouve ainsi dans la dernière décennie du XIXe siècle à la tête d’un domaine minier de 1 984 hectares !
La réhabilitation
A gauche : Auguste et Julia Watilingan et leur fils Julien né en 1887. A droite : Les deux fils d’Auguste dit Gustave Bouteiller : Julien dit « Lili » et Auguste, l’aîné, à droite. Photos ANC Collection Serge Kakou, cliché Charles Mitride et DRQuelques années après leur mariage, son épouse Kuima et Marie-Louise sont atteintes d’une maladie incurable. Elles sont logées dans une petite maison indépendante sur la propriété. Pour s’occuper d’Auguste fils et de Françoise, Auguste fait appel à Julia Waintiligon, une Indienne de Madras. Martha Pauline et Julien naissent en 1886 et 1887 de ce concubinage mais ne sont pas reconnus car ce n’est qu’après le décès de sa femme Kuima, le 26 août 1906, qu’Auguste épouse Julia, en 1907, celle que les petits-enfants surnommaient affectueusement " grand-mère Yaya ".
Notre aieul sollicite du président de la République la remise de résidence perpétuelle à laquelle il est astreint.
À cette occasion, le chef du service judiciaire requiert par courrier le 28 juillet 1890 la bienveillance du gouverneur Noël Pardon, avec avis favorable, et la mention suivante :
"Je fais exception à la règle que je me suis tracée, en appuyant instamment près de vous cette demande en remise de résidence. Le sieur Bouteiller s’est créé en Nouvelle-Calédonie une situation très honorable, et une famille qui est un véritable exemple de bonne conduite, d’ordre et de travail." Sa demande est accordée le 9 octobre 1890.
Assis à gauche, Auguste Bouteiller dit Gustave et sa famille en France en 1907. Julia, son épouse, est assise (2e femme en partant de la droite). Photo DRPreuve de son aisance financière, Auguste retourne en France à trois reprises, en 1893, 1896 et 1907, afin de retrouver sa famille et de présenter Julia, sa compagne. Ils sont accompagnés, la première fois, de leur fils Julien et la seconde fois, de sa petite-fille Mélanie, âgée de 3 ans."
Amour de jeunesse
"En 1893, Auguste, son fils aîné, épouse Marguerite Vray, fille métisse de Martin Vray et de Fachimoin. Onze enfants naissent entre 1893 et 1908 : Mélanie épouse Péré puis Chapon, René, Jean, Marcel, Marguerite épouse Kabar puis Giozzi, Gustave, Marie-Louise épouse David, Alexandre, Maurice, Camille et André. Grâce à l’aide de leur grand-père, les cinq aînés vont à l’école des sœurs de Saint-Joseph de Cluny à Nouméa et chez les frères maristes pour les garçons.
Auguste fils et sa famille en 1909. Assis au centre Auguste ; contre lui à gauche Alexandre et entre ses jambes Gustave ; assise à côté de lui, son épouse Marguerite Vray, contre elle Maurice ; assise à côté de sa mère, Mélanie (épouse Péré puis Chapon) l’aînée qui tient sur ses genoux le petit dernier André, puis Marie-Louise (épouse David) debout tout à droite. Debout derrière leurs parents, Marcel, René, Jean et Marguerite (épouse Kabar puis Giozzi). Camille (1906-1908) n’est pas sur la photo. Photo DRAuguste travaille avec son père aux cultures et à la mine, notamment à Poro près de Houaïlou. Vers 1900-1910, alors que le petit dernier marche à peine, il quitte femme et enfants pour rejoindre son amour de jeunesse, Adeline Soenne, à Touho. C’est notre trisaïeul qui vient en aide à la famille restée seule.
Si la descendance de Françoise et Julien est peu nombreuse, en revanche celle de leur frère aîné a été la plus prolifique, 578 des 600 descendants recensés en 1995.
Françoise, la seconde enfant de notre ancêtre, s’unit à Jean Suaud, un Métropolitain avec lequel elle repart en France accompagnée de leur unique enfant, Gustave. Marie-Louise, née en 1881, décède à l’âge de 20 ans et Martha Pauline, la première enfant d’Auguste et Julia, décède à 3 ans. Julien dit " Lili " a une fille, Lucie, mariée à René Papon. C’est Julien qui reprend la propriété familiale de Nakéty jusqu’à son décès en janvier 1950.
Notre ancêtre était un homme fort respecté et estimé. Il décède à son domicile à Nakéty le 7 janvier 1916 à 76 ans.
Si la descendance de Françoise et Julien est peu nombreuse, en revanche celle de leur frère aîné a été la plus prolifique, 578 des 600 descendants recensés en 1995. "
Marguerite Bouteiller et ses enfants vers 1914-1915. Debout de gauche à droite : Alexandre, Raoul Désiré Kabar, Marguerite, Marie-Louise et Maurice. Au premier rang, Loulou et sa grand-mère Marguerite Vray-Bouteiller, André et une petite voisine néo-hébridaise. Photo DRNote
Cette série sur les destins de familles issues de la colonisation pénale, tirée du livre Le Bagne en héritage édité par Les Nouvelles calédoniennes, est réalisée en partenariat avec l’Association témoignage d’un passé.
Cet article est paru dans le journal du 22 avril 2017.
Une dizaine d'exemplaires de l'ouvrage Le Bagne en héritage, certes un peu abîmés, ainsi que des pages PDF de la parution dans le journal sont disponibles à la vente. Pour plus d'informations, contactez le 23 74 99.
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