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    Nouvelle Calédonie
  •  AFP/ Sabine Colpart  | Crée le 15.06.2024 à 09h10 | Mis à jour le 15.06.2024 à 09h10
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    Les barrages filtrants, tenus par les deux camps, sont encore nombreux dans l’agglomération. Photo Anthony Tejero
    Alors que les émeutes ont éclaté voilà plus d’un mois dans Nouméa et son agglomération, les barrages tenus par les militants contre le dégel du corps électoral et ceux des "voisins vigilants" se font toujours face. Reportage.

    Emma est fatiguée. Elle n’arrive pas à se projeter plus loin que la fin de la semaine. Wenceslas ne veut rien lâcher et maintenir la pression. Sur la terre de Nouvelle-Calédonie qu’ils chérissent, loyalistes et indépendantistes campent chacun de leur côté.

    "La dissolution de l’Assemblée, ça nous a cassé les pattes !", se désole Emma. Installés sous une tonnelle, la mère de famille et ses voisins, d’origine européenne, surveillent leur quartier de Nouméa pour dissuader voleurs et pillards.

    "Ça sert à quoi finalement ce qu’on a fait ?", poursuit-elle. "On arrive à un stade où on se dit que c’est la guerre qui a gagné, ce sont les Kanak qui ont gagné, y’a plus de dégel électoral".

    À l’autre bout de l’agglomération, Wenceslas Cadsoie discute tranquillement, pieds nus dans un campement mis en place autour d’un immense arbre, avec d’autres jeunes de Rivière salée. Ils ne sont pas des "émeutiers", dit-il, plutôt "la résistance".

    "On est là tous les jours pour montrer que nous, on est là aussi, parce que c’est chez nous ici, c’est notre terre", poursuit le Kanak à voix basse. "Là, avec leur dégel, ça va nous rendre minoritaire encore chez nous. On sait que c’est notre combat à nous".

    Leur vie à tous a basculé il y a un mois avec le vote d’une réforme constitutionnelle qui permettrait aux Calédoniens présents depuis dix ans sur l’archipel de participer aux élections provinciales. Les Kanak y ont vu une volonté de les marginaliser.

    Des émeutes ont éclaté mi-mai, faisant 9 morts et de très importants dégâts selon le dernier bilan officiel.

    "Coup de poignard"

    Depuis, les deux camps campent sur leurs barrages. Dans le sud de Nouméa, les habitants d’une résidence se relaient jour et nuit "pour empêcher ceux qui auraient de mauvaises intentions de passer", explique David, qui assure l’organisation des équipes sur ce barrage de "voisins vigilants".

    Sitôt le couvre-feu en place, hommes et femmes du quartier prennent place près d’un long portail déplacé, de ferrailles et d’une herse généreusement garnie de clous, pointes en l’air.


    Les barrages de riverains dits vigilants s’organisent encore dans tout Nouméa. Photo Anthony Tejero

    Emma, qui comme nombre de "barragistes" des deux camps préfère taire son patronyme, ne se remet pas de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée dimanche par Emmanuel Macron dans la foulée de la victoire du Rassemblement national aux élections européennes.

    Dans la foulée, le chef de l’État a suspendu la réforme électorale qui a mis le feu aux poudres dans le pays.

    "C’est un coup de poignard. On se sent, mais plus qu’abandonnés", déplore Emma, employée dans le secteur éducatif. "Je trouve vraiment injuste que je ne puisse pas voter, ça fait vingt ans que je suis ici […] je suis encore considérée comme une étrangère".

    "Que va-t-il se passer surtout quand les barrages vont partir ?", s’inquiète-t-elle. "Moi je vais avoir peur, me demander qui va rentrer dans notre quartier".

    "Avec tout le monde"

    Emma confie ne pas attendre grand-chose des élections législatives. "J’espère juste que les députés ne seront pas des indépendantistes parce que là, on est foutu", soupire-t-elle, assise au milieu de ses voisins qui ne cachent pas leur "lassitude".

    Sur son campement bercé de notes de rap, Junior est plus volubile. Ce Kanak de 38 ans a passé sa vie à Rivière salée, "le plus grand quartier populaire de Nouméa", dit-il fièrement.

    Autour de lui, des drapeaux kanak et des slogans : "Kanaky libre", "non au dégel" ou "à bas l’État colonial". À une centaine de mètres à peine, les forces de l’ordre veillent au grain.

    Junior l’assure, il veut construire l’avenir de la Nouvelle-Calédonie "avec toutes les races qui sont là".

    "On ne va pas les refaire repartir, ça sert à quoi ?", interroge-t-il. "On a grandi ensemble, tous les jours, on travaille ensemble avec des loyalistes, des Blancs, des Javanais, avec tout le monde".

    La dissolution et la suspension de la loi sont autant de petites victoires pour lui, qui se projette déjà dans la campagne législative. "On va essayer de mettre nos députés en place et le 30 juin j’appelle toute la jeunesse de Kanaky à aller voter ! Les négociations vont commencer, il faut qu’on soit prêt, on va rester mobilisés", promet Junior. "Le calme avant la tempête…"

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