- Propos recueillis par Anthony Tejero | Crée le 01.11.2024 à 11h26 | Mis à jour le 04.11.2024 à 07h10ImprimerYoann Lecourieux, maire de Dumbéa. Photo Anthony TejeroFrappée de plein fouet par les destructions et les violences depuis le 13 mai, la ville de Dumbéa a décidé de relancer les conseils de quartier ouvert à tous les habitants à partir de ce mardi 5 novembre. L’occasion pour le maire Yoann Lecourieux et ses équipes de répondre aux questions des habitants, notamment sur les sujets sécuritaires, tout en informant de "l’état actuel" de la commune où les dégâts sont estimés à 2 milliards de francs, rien que pour le secteur public. Entretien.
Vous reprenez les conseils de quartier ouverts à tous les habitants de Dumbéa, sous un format qui se faisait plus depuis quelques années. Pourquoi ?
Il était nécessaire de réorganiser des conseils de quartier et donc on a mis en place un nouveau système avec quatre secteurs, du nord jusqu’aux quartiers sud de la commune. Ce ne sera pas possible pour 2024, mais dès l’année prochaine, on compte les proposer trois fois par an.
L’objectif, c’est d’organiser de grandes réunions ouvertes à tous avec un ou deux thèmes qui concernent tout le monde pour commencer ce rendez-vous. Ensuite, on peut aborder toutes les questions, quelles qu’elles soient, sur la vie de la commune et du quartier.
Justement, ces conseils des quartiers font leur retour dans un contexte inédit lié aux émeutes où Dumbéa a payé un lourd tribut…
Ces conseils de quartier sont surtout des réunions d’information car je pense qu’il est très important que l’information soit la bonne. Cela évite les rumeurs. D’une part, cela nous permet de donner la meilleure information et d’autre part, c’est aussi important que les personnes puissent poser des questions à l’exécutif de la commune. Je peux comprendre que la période interpelle et que les personnes aient des interrogations. Ce seront donc des moments d’échange sur certaines thématiques, notamment la sécurité, mais aussi les aides sociales dans certains quartiers. Je pense que ces thématiques vont être abordées très fortement.
Pour la mairie, ce sera aussi l’occasion d’informer sur l’état actuel de la commune, sur ce que l’on peut faire jusqu’à la fin de l’année et sur l’organisation communale qui a pu résister à l’ensemble des événements.
Environ 70 % du tissu économique de la commune est mis à mal et un peu moins de 2 000 emplois directs ont été perdus.
À Dumbéa, les dégâts sont estimés à 2 milliards de francs rien que pour la mairie. Dans quel état se trouve votre commune aujourd’hui ?
Dumbéa est la commune qui a connu le plus grand développement ces 15 dernières années. Et en 15 jours, c’est celle qui a subi aussi les plus gros dégâts, que ce soit sur le secteur public comme le secteur privé. Environ 70 % du tissu économique de la commune est mis à mal et un peu moins de 2 000 emplois directs ont été perdus, ce qui est conséquent pour une commune de 38 000 habitants.
Quant aux deux milliards de dégâts pour la ville, c’est énorme. La commune toute seule n’aura aucune capacité d’investir. Cette somme de 2 milliards représente quasiment trois années pleines d’investissement si on exécute tout à 100 %, ce qui est intenable pour la ville. D’une manière générale, les communes ne pourront rebondir que si nous avons le soutien fort et immédiat de l’État car à ce jour, les communes n’ont touché aucune aide de sa part.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles sont confrontés les Dumbéens ?
Cela concerne notamment les transports en commun dont les gens ont besoin, mais pour lesquels les services sont très réduits aujourd’hui. Par ailleurs, il y avait cinq agences bancaires, il n’en reste plus qu’une. D’une manière générale, il y avait beaucoup de services qu’on ne trouve plus sur la commune et la population est obligée de se déplacer sur la commune de Nouméa comme il y a 20 ans.
Ensuite, il y a des soucis qui relèvent plus de l’aménagement urbain lié directement à la commune. C’est le cas de l’éclairage public. Plus de 220 lampadaires ont été détruits sur l’ensemble de la commune. Cela dépendra donc du soutien financier que l’on recevra pour les remettre en fonction, mais en attendant, on a des soucis de sécurité à cause de l’aménagement qui a été cassé, détruit, brûlé.
Il y aura d’ailleurs toute une phase aussi, jusqu’à la fin de l’année, de démolition lourde de ce qui a été détruit et brûlé pour la partie communale mais on incite également le privé à le faire pour des raisons de sécurité sanitaire et aussi cyclonique.
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Ensuite, nous rentrons dans une deuxième phase, qui concerne la construction, à partir de l’année prochaine qu’on ne pourra faire qu’avec l’aide de l’État. Mais comme nous n’avons pas les moyens de tout démolir, nous prioriserons.
Justement, l’État, par la voix du ministre des Outre-mer, a notamment annoncé que la reconstruction des écoles sera prise en charge à 100 % et celle des autres bâtiments publics à 70 %. Quelles seront donc les priorités de la ville pour cette reconstruction ?
C’est simple, tous nos dossiers sont quasiment prêts. On a deux écoles à reconstruire : Jacarandas et Louise-de-Greslan, ainsi que l’ensemble des services de cantine de l’école Jacques-Mainguet, si possible pour la rentrée. Nous avons aussi des équipements moins visibles mais tout aussi importants pour la commune : la station d’épuration, qui a subi des incendies ; le centre aquatique qui doit être reconstruit pour des questions de sécurité à la personne.
Mais je peux dire tout de suite que 70 % de prise en charge pour les bâtiments publics (en dehors des écoles) ce n’est pas suffisant. Les communes, à l’heure actuelle, n’ont même pas 10 % à mettre dans les reconstructions. Il faudrait que l’État pousse au-delà de 70 %. C’est une certitude.
À quelle échéance pourraient aboutir les premières reconstructions ?
On n’a pas de visibilité aujourd’hui sur le soutien de l’État or je voudrais avoir de la visibilité sur ce soutien pour les écoles car la rentrée, c’est le 15 février et si on ne commence pas maintenant, on ne pourra pas maintenir la rentrée le 15 février dans les écoles concernées.
C’est-à-dire qu’il y a des annonces de l’État, mais pas d’écrit ?
Il n’y a en effet pas encore d’arrêté avec une somme attribuée. On fait des dossiers, on refait des dossiers. Ça fait deux mois qu’on en monte, mais le temps passe vite maintenant.
Je pense que le couvre-feu est encore nécessaire parce qu’on voit que la situation de la Calédonie n’est pas bien stabilisée, notamment sur notre commune.
D’un point de vue sécuritaire, comment la situation évolue-t-elle dans la commune et quels sont encore les quartiers les plus compliqués ?
La situation s’est quand même nettement apaisée par rapport à ce qu’on a pu connaître au mois de mai et juin, mais il reste encore des points de vigilance et il est important de maintenir de la présence physique de gendarmes sur l’ensemble de la commune. Notamment avec la saison d’été qui arrive, qui va engendrer une suroccupation du côté rivière, d’où la nécessité d’avoir des forces de gendarmerie dans le nord. Mais aussi dans le sud, parce qu’on sait qu’il y a des quartiers encore hypersensibles comme à Takutéa, vers Apogoti et aux Palmiers.
On sait que les maires sont étroitement concertés dans la décision du haussaire d’instaurer un couvre-feu, qui dure depuis 5 mois et demi désormais. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Je pense que le couvre-feu est encore nécessaire parce qu’on voit que la situation de la Calédonie n’est pas bien stabilisée, notamment sur notre commune. À Dumbéa, il y a encore des incendies volontaires qui font des dégâts, pas uniquement au niveau végétal, mais aussi au niveau matériel, avec notamment des maisons qui ont été brûlées récemment. Mais je pense qu’on va peut-être réduire cette mesure, à une phase entre minuit et 5 heures, afin de regarder comment cela fonctionne. Et à un moment donné, c’est sûr qu’il faudra l’enlever. Mais en l’occurrence, il est encore nécessaire parce qu’il permet de maintenir surtout les forces de l’ordre en Nouvelle-Calédonie dont on a encore besoin sur la commune.
Note
Dates des prochains des conseils de quartier :
• Mardi 5 novembre à l’hôtel de ville pour Cœur de ville/Auteuil
• Jeudi 7 novembre à la mairie du nord pour Koé-Koghis/Katiramona
• Mardi 12 novembre à l’hôtel de ville pour Koutio/Becquerel-Les Érudits
• Jeudi 14 novembre à la maison de quartier de Dumbéa-sur-Mer pour Dumbéa-sur-Mer/Panda.
Horaires : de 18 heures à 19 h 30.
Le détail des secteurs est à retrouver sur le site de la ville.
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