- Anthony Tejero | Crée le 12.02.2025 à 18h20 | Mis à jour le 12.02.2025 à 18h47ImprimerLa famille Ufa, habituée du samedi matin, tenait absolument à participer à cette première ouverture du marché broussard des halles de Ducos, le mercredi après-midi. Photo Anthony TejeroC’était une première qui a séduit de nombreux curieux. Depuis cet après-midi, le marché broussard, qui attire des milliers de Calédoniens chaque samedi matin, ouvre désormais ses portes les mercredis, de 13 heures à 17 heures. L’occasion pour les exposants de pouvoir mieux écouler leurs produits en circuit court à moindre coût, tout en offrant plus de choix aux consommateurs. Reportage.
Ce matin, Hans et Élie n’ont pas hésité à traverser à pied la rivière en crue pour charger leur camion en cageots de carottes fraîches. La famille Ufa, installée au Mont-Dore Sud, tenait absolument à répondre présent à la première édition du marché broussard de Ducos, le mercredi après-midi, signe que ce nouveau rendez-vous hebdomadaire est très attendu. Ces maraîchers, fidèles au poste chaque samedi matin, ont sauté sur l’occasion pour participer à ce deuxième créneau proposé par la Chambre d'agriculture. Et à peine leur stand ouvert, ces agriculteurs ne cachent pas leur satisfaction.
"C’est bien, il y a une bonne affluence pour une première. Pour nous, c’est très important car le marché de Ducos représente plus de 90 % de notre activité, explique Adrien Ufa. Ce deuxième jour, c’est une vraie chance de pouvoir mieux écouler nos produits, qui seront plus frais, notamment lors des pics saisonniers. Notre famille participe à ce marché depuis l’époque du grand-père et l’ambiance avec les gens est toujours aussi bonne."
Élie et Hans Ufa n’ont pas hésité à traverser à pied la rivière en crue, ce mercredi matin, pour pouvoir vendre leurs carottes. Photo Anthony TejeroAvec plusieurs milliers de visiteurs chaque samedi matin, la réputation des halles de Ducos n’est plus à faire auprès des Calédoniens. Et c’est aussi pour cette raison que Yoran Chanene ne compte pas non plus laisser passer cette nouvelle opportunité de développer son activité. En à peine une heure, ce pêcheur de La Foa a déjà épuisé son stock de 130 kilos de crabes de palétuvier.
"C’est terrible comme ça part toujours très vite ici ! sourit-il. Ce deuxième jour de marché, c’est une super idée. Cela va me permettre de sortir une fois de plus par semaine pour pêcher car les crabes doivent rester frais et je ne les vends que deux jours maximum après les avoir attrapés. Pour compléter les recettes, en plus du marché du samedi matin, je vendais un peu au bord de route, mais là, je compte bien revenir chaque mercredi désormais."
Yoran Chanene, de La Foa, a vendu tous ses crabes en à peine une heure. Photo Anthony TejeroEn ce jour d’ouverture, une quinzaine d’exposants en tous genres ont fait le déplacement. Un chiffre qui pourrait bien vite gonfler. En témoignent Gaston et Marie-Laure Sonnier, originaires de Ouégoa, qui espèrent vendre leurs achards de fruits de mer, dès mercredi prochain. "Le week-end nous ne pouvons pas venir à Ducos car nous participons déjà aux différents marchés proposés en Brousse. Mais on a vraiment envie de pouvoir être présents également ici, car c’est un très bon endroit qui attire beaucoup de monde. Nous sommes sûrs que ce nouveau créneau va très bien fonctionner."
"C’est bien moins cher qu’ailleurs"
Un enthousiasme partagé par les clients croisés dès la première heure d’ouverture du site. "J’aime beaucoup cet endroit, mais je ne peux pas souvent me libérer le samedi et je trouve qu’il y a trop de monde, glisse Isabelle, 55 ans, de Nouméa. J’espère donc que cette initiative sera pérennisée et qu’il y aura plus de producteurs pour en profiter davantage car c’est bien moins cher qu’ailleurs et l’ambiance est très agréable."
Agathe et Eugène Wahnaade viennent exprès de Maré pour vendre à Ducos leurs bananes et avocats. Photo Anthony TejeroMême son de cloche pour Christina, venue faire le plein avec sa fille, avant de rentrer à Ouvéa. "Je suis là exprès car chez nous, on n’a pas de charcuterie et de viande comme ici alors on en profite. Ce nouveau rendez-vous, c’est bien, c’est l’occasion d"une petite sortie en famille pour acheter des produits à des prix vraiment très abordables, notamment pour les gens en difficulté financière en ce moment."
"Ce marché répond aux attentes des gens qui ont perdu leur travail et dont les revenus ont baissé"
Photo Anthony TejeroEntretien avec Jean-Christophe Niautou, président de la Chambre d'agriculture et de la pêche.
Pourquoi avez-vous décidé d’ouvrir les portes du marché de Ducos une deuxième fois dans la semaine, le mercredi après-midi ?
Le marché broussard de Ducos est devenu une institution. C’est un lieu très prisé le samedi matin. Nous avons eu, depuis quelques mois déjà, une forte demande, d’une part des consommateurs, mais aussi des exposants, de pouvoir élargir les créneaux d’ouverture de ce marché. Il a donc fallu réfléchir aux possibilités parce que le marché de Ducos est avant tout un marché de gros destiné aux grandes surfaces et commerces en semaine, avec des camions de livraison, des élévateurs, des producteurs qui viennent avec leurs véhicules.
C’était difficile de pouvoir faire cohabiter ces deux activités. Et on a trouvé le créneau du mercredi. C’est le jour où le marché de gros et le moins actif de la semaine et cela correspond aussi aux possibilités de certains consommateurs, puisque l’après-midi les écoles sont fermées.
Et nous espérons que cette édition est la première d’une longue série. Parce que ce marché correspond à une attente des consommateurs, des producteurs, et des pêcheurs.
Quels sont les premiers retours alors que le marché vient d’ouvrir ?
On a déjà du monde, malgré le temps, et c’est très bien. On aurait pu s’attendre à pire. Néanmoins, il faut qu’on fasse attention aux comparaisons car le marché du samedi matin est extrêmement fréquenté, attirant minimum 3000 personnes et jusqu’à 5000 personnes les semaines où les gens ont reçu la paye. Aujourd’hui, on a près d’une vingtaine d’exposants, ce qui correspond à un peu près moins de la moitié de ce qu’on a d’habitude.
Ce nouveau créneau du mercredi est aussi une opportunité pour d’autres exposants qui n’ont pas de place le samedi qui affiche complet, avec des exposants sur liste d’attente depuis un certain temps. Cela permet donc aux consommateurs d’avoir des produits différents.
Les amateurs de crabes ont une nouvelle opportunité d'achat à Ducos... à condition d'arriver tôt ! Photo Anthony TejeroEst-ce une volonté aussi de proposer un autre canal d’écoulement pour les agriculteurs notamment lors des pics de production ?
La Chambre de l’Agriculture et de la pêche, dès le mois de juin 2024, au lendemain des émeutes, a décidé de reprendre ses marchés. D’une part, celui de Ducos. Mais on a aussi créé un marché tous les mardis à Bourail et au parc Fayard tous les vendredis. On a par ailleurs accompagné tous les autres marchés de proximité communaux. Parce que nous pensons qu’il y a aujourd’hui un véritable challenge à mettre en place des outils de distribution locaux.
Et ce, afin de permettre aux producteurs, aux pêcheurs et aux consommateurs de se rencontrer, d’avoir accès à des bons produits frais à des prix compétitifs. C’est également l’opportunité pour nos producteurs de réaliser un chiffre d’affaires plus intéressant que s’ils vendaient avec des intermédiaires. C’est ça l’idée des marchés de proximité. On va donc continuer. Nous sommes actuellement sollicités par les communes de l’agglomération, au Mont-Dore, à Païta et à Dumbéa, pour les aider à redynamiser leurs marchés.
Dans un contexte où le pouvoir d’achat s’est effondré, est-ce également une volonté de donner plus d'accès aux circuits courts et donc à des produits à moindre coût ?
2024 a été un challenge pour tous les Calédoniens, pour toute l’économie et pour toutes les entreprises. En ce qui concerne le secteur de l’agriculture et de la pêche, ce défi a été la commercialisation et la mise en marché. D’une part, car il y a 20 % des surfaces commerciales du Grand Nouméa qui ont été détruites, ce qui a totalement perturbé les circuits de distribution.
D’autre part, on a eu un certain nombre de consommateurs qui ont quitté le territoire et des consommateurs qui sont restés mais qui ont perdu leur pouvoir d’achat. Donc, il a été important de mettre en œuvre une stratégie pour faire en sorte que notre production, notamment lors de son pic, arrive sur ces marchés. Cela répond aux attentes des gens qui ont perdu leur travail et dont les revenus ont baissé, mais aussi des personnes qui ont toujours leur emploi mais qui font attention parce qu’ils ont des incertitudes sur l’avenir.
Au vu de la crise que traverse le pays, développer ces lieux de rencontres, permet-il aussi de (re) créer du lien social ?
On a remarqué que très rapidement, en 2024, alors que la société calédonienne était extrêmement fragmentée, et qu’elle est toujours aujourd’hui divisée, sur les marchés, c’est comme si on était dans un espace qui n’avait pas connu le 13 mai. On le voit sur tous les marchés du pays. Les exposants comme les acheteurs sont très variés, et il y a une mixité sociale qu’on retrouve, je pense, difficilement ailleurs encore aujourd’hui. Donc il faut absolument préserver ces espaces qui nous permettent de garder cette cohésion calédonienne qui a malheureusement été mise à mal depuis le 13 mai. Il ne faut pas se décourager pour l’avenir et les marchés permettent de maintenir cela.
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