fbpx
    Monde
  • Daniel MATTHEWS et Sylvain PEUCHMAURD / AFP | Crée le 19.10.2023 à 11h08 | Mis à jour le 19.10.2023 à 12h08
    Imprimer
    Karim Vahed, professeur d’entomologie à l’université de Derby, tient dans sa main une écrevisse signal, espèce importée en 1970 au Royaume-Uni pour la consommation humaine mais qui s’est échappée pour coloniser les cours d’eau du pays. Photo Oli SCARFF / AFP
    Écureuil gris, écrevisse américaine, renouée du Japon… Et si manger des espèces invasives pouvait contribuer à les combattre ? Un restaurant londonien a exploré cette piste, qui suscite la prudence de scientifiques.

    L’idée derrière plusieurs dîners "invasifs", dont le dernier a été servi récemment chez Silo, dans de l’est de Londres, est de "populariser de manière créative des espèces qui sont nuisibles pour l’environnement", explique le chef Douglas McMaster, dont l’établissement se revendique "zéro déchets".

    Des écureuils qui pullulent dans les villes et campagnes britanniques – au détriment de leurs cousins roux – en passant par l’écrevisse "signal" qui fait disparaître les écrevisses locales, ou la renouée du Japon, tous "sont des forces de destruction", explique-t-il. Mais "elles sont toutes comestibles, elles sont toutes délicieuses".

    "Se réveiller" face à ce "fléau"

    Elles font partie des envahisseurs au cœur d’un récent rapport d’experts travaillant sous l’égide de l’ONU, dont la publication a donné lieu à des appels de spécialistes à "se réveiller" face à ce "fléau".

    Douglas McMaster voudrait lui que la chaîne d’approvisionnement de ces espèces soit "légitimée" et qu’elles deviennent "une ressource accessible" pour les chefs.


    Un plat d’écrevisses préparé est photographié au Silo, un restaurant zéro déchet, à Londres. Photo Daniel LEAL / AFP

    Mais l’idée n’est évidemment "pas de populariser ces espèces et que la demande soit telle qu’elle leur permette de devenir plus invasives. Ce serait quelque chose de terrible", souligne-t-il. Son espoir est que l’on puisse "apporter un équilibre au sein de l’écosystème et qu’ensuite, on arrête de les manger".

    "Hors de contrôle"

    Car le danger que le remède ne vienne aggraver le mal est bien réel. "Consommer des espèces invasives n’est pas quelque chose que j’encouragerais", explique Karim Vahed, professeur émérite d’entomologie à l’université de Derby.

    Pour l’écrevisse "signal", importée dans les années 1970 au Royaume-Uni pour la consommation humaine avant de s’échapper pour coloniser de très nombreux cours d’eau, au détriment de l’écrevisse à pattes blanches, il y a selon le spécialiste un risque que "les gens les introduisent eux-mêmes" en pensant les pêcher pour qu’elles soient consommées.

    Les spécimens invasifs transmettent aussi une infection fongique, la "peste de l’écrevisse", à laquelle les Américaines sont immunes. Et leurs quelques prédateurs, loutres, hérons, ne suffisent aucunement à endiguer leur propagation.

    Aujourd’hui, celle-ci est "hors de contrôle", se désole le spécialiste. Les écrevisses autochtones, plus petites, qui ont connu un déclin de 80 à 90 %, sont menacées d’extinction.

    "Réponse très humaine"

    Dans un petit cours d’eau qui coule dans un parc de Derby (centre de l’Angleterre) les écrevisses américaines pullulent. Il y a 16 ans, l’un des étudiants de Karim Vahed y a trouvé le premier spécimen recensé. Dans les cinq ans qui ont suivi, l’espèce invasive a totalement remplacé l’autochtone.

    Prélever les plus grosses ne contribue pas à contenir la propagation. "Vous aidez juste les plus jeunes à survivre", explique le spécialiste. "Les prendre pour les manger n’est pas une solution".

    Le tableau est plus contrasté pour la renouée du Japon, plante invasive qui peut être consommée ou utilisée pour brasser de la bière.


    Les principales espèces animales invasives répertoriées par classe, ordre et famille d’après la base des espèces invasives de l’IUCN, Union internationale pour la conservation de la nature. Infographie Sophie RAMIS et Valentin RAKOVSKY / AFP

    "Ça pourrait potentiellement être une bonne idée", relève Karen Bacon, spécialiste de cette plante, amusée par cette "réponse très humaine" qui consiste à se dire "cette plante cause des problèmes, elle est comestible", "mangeons-la".

    "Mais de l’autre côté", souligne la professeure, en poste à l’université irlandaise de Galway (Ouest), "il y a des risques": car déranger la plante peut en fait la faire croître.

    Elle souligne la nécessité d’élaborer tout projet avec des spécialistes "qui comprennent la plante". "Il y a du potentiel", conclut-elle, mais les choses doivent être faites "prudemment".

    MERCI DE VOUS IDENTIFIER
    X

    Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.

    J'AI DÉJA UN COMPTE
    Saisissez votre nom d'utilisateur pour LNC.nc | Les Nouvelles Calédoniennes
    Saisissez le mot de passe correspondant à votre nom d'utilisateur.
    JE N'AI PAS DE COMPTE

    Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
    Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement.
  • DANS LA MÊME RUBRIQUE
  • VOS RÉACTIONS