- Baptiste Gouret | Crée le 10.06.2025 à 18h00 | Mis à jour le 16.06.2025 à 14h15ImprimerEn septembre, les 1 200 employés que comptait l’usine ont quitté les lieux, laissant le complexe industriel vide. Photo Baptiste GouretFermé en septembre 2024, le complexe métallurgique de Voh ne compte plus qu’une poignée de salariés chargés d’entretenir le site et d’opérer la maintenance des infrastructures. Alors que la quête d’un repreneur se poursuit, les équipes conditionnent les lieux en vue des deux grands scénarios qui se profilent : la relance de la production ou le démantèlement.
Dans les allées creusées par le passage autrefois systématique des engins, la végétation a doucement repris ses droits. À l’entrée de la centrale électrique, une affiche fait sourire Alexandre Rousseau, président de KNS : "Vous entrez dans une zone au niveau de bruit important". À l’intérieur, le silence s’est pourtant totalement emparé des lieux. Le complexe métallurgique, où fourmillaient auparavant quelque 1 300 salariés, n’est plus que l’ombre de ce qu’il était ces dix dernières années.
L’usine de Koniambo Nickel SAS s’est vidée en septembre 2024, six mois après une mise en sommeil censée offrir le délai nécessaire pour trouver un repreneur à Glencore, actionnaire à 49 % du site qui a décidé de lâcher l’affaire. Le temps imparti à cette quête de nouveaux investisseurs s’est révélé insuffisant, pour une usine dont la production a, certes, constamment progressé depuis son ouverture en 2014, mais qui a accumulé les dettes et s’est fracassée contre la crise mondiale du secteur du nickel.
Les émeutes de mai, survenues en plein milieu de cette phase de transition, n’ont évidemment rien arrangé dans la tentative de KNS de séduire d’éventuels repreneurs.
"Garder le contrôle de nos équipements"
L’usine compte désormais 65 salariés et autant de sous-traitants. Parmi eux, une grande partie est chargée de la sécurité d’un site, dont le niveau a été renforcé depuis la crise insurrectionnelle. "On a trois patrouilles qui tournent 24 heures/24 heures", en plus du poste de sécurité qui filtre les arrivées, révèle Alexandre Rousseau. Des pompiers veillent également à l’intégrité des installations et gardent notamment un œil sur le tas de charbon qui servait à alimenter la centrale électrique et peut s’enflammer à tout moment.
L’usine pyrométallurgique ne fait l’objet d’aucune maintenance. Le refroidissement des fours a provoqué des dégâts, qui nécessiteront d’importants travaux en cas de relance de la production. Photo Baptiste GouretUne vigilance qui vise à "garder le contrôle de nos équipements", souligne le président de KNS, et à conserver le statut de site industriel opérationnel, malgré l’arrêt de l’activité. "On est dans une phase d’attente, on doit se préparer à toutes les options." Notamment à celle, privilégiée, d’une reprise, dont personne ne désespère au sein de cette usine désertée. "C’est notre priorité. Ce qu’on fait aujourd’hui, c’est dans cette optique." Partiel, l’entretien des infrastructures a le mérite d’être régulier. Dans les conduits de la centrale électrique, "on envoie de l’air pour éviter la corrosion". Au port, les installations sont régulièrement testées, tandis que les navires ont été envoyés à Nouméa pour leur carénage. Les turbines à combustion et leurs grandes cheminées métalliques sont mises en route au moins une fois par semaine.
Sur le massif minier de Koniambo, adossé à l’usine, le travail consiste essentiellement à la gestion des eaux souterraines, qu’il convient de détourner et de ralentir pour assurer la stabilité des verses. "On se doit de maintenir en conformité le site." En revanche, dans l’usine pyrométallurgique elle-même, "il n’y a aucune maintenance". Alors forcément, l’état de cet outil de production colossal, conçu pour une activité permanente, "se dégrade", constate Alexandre Rousseau.
L’inquiétude porte notamment sur les deux fours. Maintenus chauds durant la phase de mise en sommeil, ils ont été éteints le 31 août, quand le site s’est vidé de ses équipes. Le métal en fusion a laissé place à des blocs figés, qui menacent l’intégrité des fours. "Cela provoque une poussée sur leur structure, faite de briques", explique le président de KNS, qui a succédé à Neil Meadows en janvier 2025.
Nommé président de KNS en janvier 2025, Alexandre Rousseau gère, depuis l’arrêt de l’activité, la conformité des équipements dans l’espoir d’une reprise de l’usine. Photo Baptiste GouretDes mouvements ont déjà été constatés. Impossible, en l’état, de relancer la production. "Ce serait dangereux de remettre du métal en fusion dans un four dont les éléments se sont déplacés." En cas de reprise, des "travaux majeurs" seront nécessaires avant de pouvoir sortir les premières fournées de minerai.
Une étude de démantèlement actualisée
Le retour d’une production classique (environ 30 000 tonnes par an) ne pourra être atteint "qu’un an voire un an et demi" après le rachat, estime Alexandre Rousseau. "Un tel projet de reprise implique de se projeter sur le temps long." D’autant qu’il devra s’accompagner d’un vaste plan de formation pour remettre à niveau des travailleurs dont le savoir-faire s’effrite à mesure que le temps passe. "Il y a déjà une perte de compétences, c’est certain, reconnaît le président de KNS, mais on ne partira pas de zéro, on s’appuiera sur un vivier toujours présent et une culture industrielle forte."
La direction de l’usine mise en effet sur la volonté des anciens salariés de retrouver leur poste en cas de reprise de l’activité. "On essaie de maintenir le lien." Une enquête, en cours d’élaboration, doit notamment offrir une vision plus précise de la répartition géographique et de la situation professionnelle du personnel licencié en septembre.
En cas de fermeture définitive, le démantèlement de l’usine pourrait nécessiter entre 5 et 10 ans de travaux. Photo Baptiste GouretSi les derniers employés de KNS mettent toutes les chances de leur côté pour assurer un avenir favorable à l’usine, le second scénario, celui d’une fermeture définitive, est dans toutes les têtes. "On est conscients de cette éventualité, on est constamment dans l’objectif de pouvoir s’adapter aux deux options", répète Alexandre Rousseau.
L’étude de démantèlement, conçue à la construction du complexe, a été retravaillée à l’annonce de la mise en sommeil. La dernière version a été rendue en août de l’année dernière. Alors que la construction de KNS avait duré sept ans, son démantèlement pourrait prendre "entre cinq et dix ans". Quel que soit le scénario choisi par Glencore et la SMSP, l’usine devrait donc offrir du travail pendant encore plusieurs années. Reste que l’option d’une fermeture définitive représenterait un échec considérable pour le développement économique de la région et le rêve de rééquilibrage que le complexe industriel incarnait. "D’où l’intérêt de tout faire pour garantir une reprise", insiste son président.
MERCI DE VOUS IDENTIFIER
Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.X
J'AI DÉJA UN COMPTEJE N'AI PAS DE COMPTE- Vous n'avez pas encore de compte ?
- Créer un nouveau compte
Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement. -
-
DANS LA MÊME RUBRIQUE
-
VOS RÉACTIONS
- Les transports aériensà consulter ici