fbpx
    Nord
  • Anthony Tejero | Crée le 15.10.2023 à 05h52 | Mis à jour le 15.10.2023 à 12h37
    Imprimer
    Très impliqué dans la vie de sa commune, Jehudit Pwija, 42 ans, est également le huitième adjoint à la mairie depuis 2020. Photo Anthony Tejero
    Depuis une quinzaine d'années, Jehudit Pwija fait découvrir les trésors que recèle Napoémien, paisible tribu luxuriante à quelques encablures du village de Poindimié. Si son activité a été mise à mal par la pandémie, ce guide dont la réputation n'est plus à faire, est convaincu que le potentiel touristique de la côte Est est encore largement sous-estimé. Rencontre.

    Cernée par des montagnes recouvertes de forêt humide et nichée dans un écrin de verdure luxuriant où fourmille fleurs, lianes et fougères arborescentes, Napoémien semble tout droit sortie d’une des vallées les plus reculées de la Chaîne. Pourtant, cette tribu on ne peut plus paisible se trouve aux portes du village de Poindimié, à quelques encablures seulement du bord de mer. Autant d’atouts que Jehudit Pwija a décidé de mettre en avant et de partager avec le public. Depuis plus de quinze ans, ce père de famille, à l’infatigable chapeau de cuir sans cesse vissé sur la tête, propose des visites guidées de l’éden où il a grandi. Et qu’il compte bien ne plus quitter.

    De Napoémien à la Nouvelle-Zélande

    "Lorsque je faisais mes études de mécanique au lycée professionnel de Bourail, je voyais que la plupart de mes cousins et des autres jeunes partaient une fois qu’ils étaient diplômés et ne revenaient plus à la tribu. Elle se vidait et notre culture se perdait en même temps, se souvient Jehudit, loin d’être fataliste. J’ai donc réfléchi à ce que je pouvais faire pour rester ici, pour perpétuer nos traditions et nos coutumes tout en gagnant un peu d’argent."

    Les images de son père, qui aimait faire découvrir Naopémien à des amis européens certains week-ends, lui reviennent en tête. Et surtout la joie réciproque qui émanait de ces échanges.

    Une fois la décision validée par le conseil des clans de la tribu, le jeune homme met alors tout en œuvre pour devenir guide professionnel. Une démarche qui lui vaut de quitter pour la première fois de sa vie le Caillou, en 2007. Direction Timaru, sur l’île du sud de la Nouvelle-Zélande, où il part se former aux métiers du tourisme et apprend à parler l’anglais.


    La tribu de Napoémien est traversée par une route puis un sentier en accès libre, permettant d’admirer la nature qui y foisonne. Photo Anthony Tejero

    "Je n’avais encore jamais vu la neige. J’étais même le seul noir de la ville ! C’était à la fois une ouverture d’esprit et une ouverture sur de nouvelles cultures, glisse, sourire en coin, le Calédonien qui a alors pu mesurer sa chance. Ici, grâce à l’acquis de nos vieux des " 4 i ", qui rendent les terres des Kanak inaliénables, insaisissables, incommutables et incessibles, on n’a pas besoin d’acheter notre terrain pour habiter dans une maison, ce qui n’est pas le cas, par exemple, pour les Maoris. Sans oublier qu’on peut planter pour manger, chasser et pêcher toute l’année chez nous. Tout est à portée de main."

    "Voyager et rester à la maison en même temps"

    Un mode de vie que Jehudit a à cœur de partager. Confection d’un bougna, randonnées pédestres, découverte des plantes et de pétroglyphes, récits sur l’histoire du pays et de la région… La formule porte ses fruits et la notoriété grandissante du guide attire des visiteurs aux profils et aux origines de plus en plus variés. Du moins avant que la pandémie ne vienne tout bousculer.


    Au cours de ses visites guidées, Jehudit propose notamment de découvrir ce pétroglyphe. Photo Archives LNC 

    "Ce métier me fait voyager et rester à la maison en même temps. J’accueillais des Australiens, des gens de toute l’Europe, des Russes, etc. Et j’avais des réservations à l’avance sur un an. Sauf qu’avec la Covid, j’ai tout perdu d’un coup. D’autant que la tribu est restée fermée pendant longtemps aux visiteurs locaux pour nous préserver du virus, raconte ce père de famille, contraint de changer de vie et de devenir élagueur ''par nécessité''. Je n’organise des visites plus que le week-end car la reprise touristique est encore trop incertaine pour abandonner ce travail qui me garantit une sécurité financière."

    "Le potentiel de la côte Est est sous-exploité"

    Pour autant, Jehudit en est convaincu : sa région regorge de possibilités pour structurer une véritable économie liée au tourisme vert. "Avec notre nature, nos montagnes, nos forêts et nos rivières, il y a beaucoup à faire. On pourrait par exemple développer de l’accrobranche, des tyroliennes ou autre car on a de grands arbres et de très belles canopées. Le potentiel de la côte Est est aujourd’hui sous-exploité, estime cet habitant de Poindimié, qui voit dans le tourisme une alternative d’avenir à la mine et une opportunité de faire vivre la notion souvent éculée du vivre ensemble. À travers cette activité de guide, j’aime montrer notre culture et nos traditions aux visiteurs extérieurs ou aux gens d’autres ethnies et je partage en même temps les leurs. C’est très enrichissant. On arrive à mieux se connaître, à mieux se comprendre et ainsi à mieux se respecter."

    Cette tribu qui "punit" les incendiaires


    Début juillet, de nombreux feux de Brousse cernaient déjà le village de Poindimié.

    Avec le retour du temps sec et du vent, les feux de Brousse sont particulièrement nombreux dans le Nord et sur la côte Est depuis de longues semaines. Pour mettre un terme à ce fléau, le conseil des clans de la tribu de Napoémien a décidé de prendre des mesures radicales.

    Une fois identifiés, les auteurs d’incendie au sein de la tribu sont dorénavant sanctionnés. Et c’est la double peine : ils doivent reboiser la zone brûlée puis répondre de leurs actes devant la justice puisque le chef de la tribu porte désormais systématiquement plainte auprès des gendarmes.

    De l’eau en abondance

    "Jusque dans les années 2000, cela brûlait tous les ans à la tribu. Depuis que nous avons adopté cette règle, les feux ont considérablement reculé, assure le guide qui précise que quatre incendiaires de la tribu ont ainsi été présentés à la caserne de gendarmerie depuis 2015. C’est efficace car désormais nous retrouvons nos arbres, les niaoulis repoussent bien dans les zones sinistrées. On peut de nouveau en utiliser les écorces pour nos cases et nos farés. D’autres tribus de la région ont tenté de nous imiter, mais avec plus ou moins de réussite pour l’instant."

    Si les autorités de la tribu ont fait ce choix, c’est avant tout pour protéger un trésor dont la tribu regorge en abondance. "Ici, nous avons beaucoup d’eau : une rivière, de nombreux creeks, etc. Nous avons de la chance de pouvoir autant profiter d’une ressource qui manque cruellement à de nombreux Calédoniens, insiste Jehudit. C’est pourquoi nous devons absolument faire attention à cette nature généreuse. Et cela commence par préserver nos montagnes et leurs forêts."

    Des visites à la carte

    Jehudit Pwija propose un circuit type incluant la confection d’un bougna et le repas, ainsi qu’une randonnée familiale de deux heures pour un tarif de 7 000 F par adulte et 5 500 F par enfant (de moins de 12 ans).

    Pour autant, il adapte également ses parcours selon le public, notamment pour les seniors et personnes à mobilité réduite, mais également pour les amateurs de marche avec des randonnées de 4 à 7 heures.

    Contact : 81 82 98.

    MERCI DE VOUS IDENTIFIER
    X

    Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.

    J'AI DÉJA UN COMPTE
    Saisissez votre nom d'utilisateur pour LNC.nc | Les Nouvelles Calédoniennes
    Saisissez le mot de passe correspondant à votre nom d'utilisateur.
    JE N'AI PAS DE COMPTE

    Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
    Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement.
  • DANS LA MÊME RUBRIQUE
  • VOS RÉACTIONS