Il a puisé dans ses dernières forces pour se traîner, les os du visage brisés, vers la maison la plus proche. Il y a deux mois, le 5 février, Arthur* a vécu une nuit d'horreur, celle que l'on ne voudrait jamais vivre et que l'on pense qu'elle n'arrive qu'aux autres. Après une soirée en boîte de nuit jusqu'à deux heures du matin, son destin a vrillé à cause d'une mauvaise rencontre dans une station-service de la Vallée-des-Colons. Arthur et un ami sympathisent avec une jeune femme de 16 ans qui attend son dealer pour acheter du cannabis. Mais il ne vient pas. Ces nouveaux amis décident de poursuivre la soirée à la tour OPT de Montravel, où ils retrouvent d'autres fêtards. Les joints passent de main en main. On se "shoote" en mélangeant les cachets de Tercian, un neuroleptique, et de l'alcool fort.

"De taper le blanc"

Au petit matin, Arthur, son ami, la jeune femme et Julien Sameke se rendent devant le lycée du Grand Nouméa pour se procurer du cannabis. Le trafiquant veut lui aussi faire la fête, il embarque l'ami d'Arthur et tout ce petit monde part pour le trou des Nurses, à Dumbéa. Mais sur la route, tandis qu'Arthur dort à l'arrière, sa voiture tombe en panne. Julien Sameke, rejoint par un ami, Daniel Seiko, part faire de l'essence. L'horloge affiche presque sept heures du matin. À leur arrivée à la rivière, le trafiquant et l'ami d'Arthur sont déjà partis, ils ont pensé qu'ils leur avaient fait faux bond.

Arthur reprend peu à peu ses esprits. Il ne trouve plus son portable. Il accuse ses acolytes et déclenche, instantanément, un déferlement de violence. Seul, sans défense, encore enivré, Arthur est mis au sol par un balayage et lynché à coups de pied dans la tête. La mineure s'empare d'une grosse pierre et la lui lance à la figure à plusieurs reprises. "J'ai jeté à bout portant, il bougeait encore. Quand il essayait de parler, ils lui shootaient la tête", racontera l'adolescente devant les gendarmes. "C'est elle qui nous a dit de taper le Blanc", affirme au tribunal l'un des prévenus. "À aucun moment, vous vous dites que vous êtes en train de le massacrer ? Il était à moitié mort", répète la présidente Lise Prenel. Quand il est pris en charge par les secours, Arthur souffre de multiples ecchymoses au visage et d'une fracture du nez et de la mâchoire. Les médecins lui ont vissé une plaque au visage. Il devrait la garder à vie.

Les coups s'enchaînent. Julien Sameke et Daniel Seiko iront même jusqu'à traîner Arthur sur quelques mètres avant de le tabasser à nouveau. "C'était pour le mettre sur l'herbe, qu'il soit plus confortable", avance Daniel Seiko, 24 ans, vingt-deux condamnations à son casier et huit séjours au Camp-Est. "Quand on est parti, il agonisait", décrit Julien Sameke qui part au volant de la voiture d'Arthur. "Ils se sont fait plaisir à lui pilonner le visage. C'est un piège qui s'est refermé sur lui-même", plaide l'avocate d'Arthur, M^e Servane Garrido-Lucas, relevant "la dynamique de meute" des agresseurs. Le procureur Hervé Ansquer poursuit, il évoque des faits "sordides", "l'absence d'empathie" et écarte "la thèse de la mineure manipulatrice".

Julien Sameke et Daniel Seiko, défendus par M^e Stéphane Bonomo, ont été sanctionnés de cinq ans de prison ferme (et une révocation d'un précédent sursis de, respectivement, quatre et huit mois) avant de regagner le Camp-Est. Arthur, lui, va pouvoir tourner la page de cette difficile histoire.