fbpx
    Nouvelle Calédonie
  • Julien Mazzoni | Crée le 31.08.2025 à 14h00 | Mis à jour le 03.09.2025 à 09h28
    Imprimer
    Les mines de Thio sont à l’arrêt depuis avril 2024. Photo Archives LNC / Yann Mainguet
    C’est un secteur vital de l’économie calédonienne, mais qui traverse une crise sans précédent depuis plusieurs années. Usines à l’arrêt, mines fermées, emplois perdus ou menacés… Le nickel a subi de manière particulièrement violente les conséquences des émeutes de mai 2024. Photographie de la situation sociale d’un secteur qui pèse encore près de 4 000 emplois.

    À l’usine comme sur mine, l’or vert fait pâle figure depuis plusieurs années. Cours mondial en baisse, concurrence internationale féroce, conflits sociaux et émeutes de mai 2024… Tous les voyants sont au rouge dans ce secteur qui représente pourtant la première ressource économique du pays (près de 90 % des exportations) et jusqu’à 25 % de l’emploi privé, en incluant les sous-traitants.

    Après les émeutes, le dispositif de chômage partiel spécifique nickel a concerné, entre mai et décembre 2024, seize entreprises et 590 salariés. L’extraction minière a bien repris quelques couleurs au premier trimestre 2025 (+ 18,7 %), ainsi que la production métallurgique (+ 38 %), mais la Nouvelle-Calédonie est encore loin des niveaux d’avant mai 2024 (-24 % d'extraction et -37,4 % de production en glissement annuel).

    Si ce léger redressement permet de préserver des emplois, la situation du secteur est préoccupante pour de nombreux représentants syndicaux qui s’inquiètent du flou qui entoure l’avenir des trois usines métallurgiques du pays. Voici un tour d’horizon de la situation sociale chez les principaux acteurs d’un secteur qui représente encore près de 4 000 emplois

    SLN : 441 emplois perdus depuis 2023


    Photo Archives LNC /  Yann Mainguet

    Depuis décembre 2023, la société le nickel a perdu 441 emplois, dont 392 sur mine. Selon les chiffres fournis par la direction, l’effectif de la SLN s’élève 1 837 personnes, dont 710 sur mine et 1 127 à l’usine de Doniambo. Une demande d’indemnité de maintien dans l’emploi a été déposée pour les salariés de Kouaoua : "43 personnes sont concernées", indique l’industriel (22 en attente d’activité à la mine La Française, 21 en attente de l’activité de roulage du minerai). En parallèle, un plan de départ volontaire a été mené, 68 personnes sont concernées.

    Côté production, les chiffres communiqués par la direction font état de "3 000 tonnes par mois". "Il y a gros problème d’approvisionnement du four de Doniambo et de teneur du minerai. Les trois mines de Thio étant mises en sommeil depuis les évènements de mai 2024 alors qu’elles fournissaient 20 % du minerai. La capacité nominale de production est de 37 000 tonnes métal, alors que nous n’atteignons que 17 000 tonnes" depuis le début de l’année, signale Pierre Kaloï, délégué syndical STKE.

    Grâce au soutien de l’État, la SLN peut tenir jusqu’à la fin de l’année. Pas plus. Elle entend par ailleurs pérenniser son approvisionnement en énergie grâce à la CAT (centrale accostée temporaire), actuellement louée. La SLN pousse pour qu’elle devienne la centrale pays et indique qu’elle pourrait être approvisionnée au gaz.

    Quoi qu’il en soit, pour les salariés, confrontés à un manque de perspective, "c’est difficile, explique Jean-Claude Watanabe, du Soenc nickel. On n’a pas de visibilité. Tu ne peux pas savoir si le projet industriel sur le nickel va aller à son terme ou si ça s’arrête. Et puis le projet industriel pour le pays c’est quoi ? Personne ne le sait aujourd’hui", estime-t-il.

    KNS : 66 emplois et 85 sous-traitants


    Photo Baptiste Gouret

    L’usine du Nord, dont les fours sont à l’arrêt depuis septembre 2024, s’est séparée de 1 200 salariés. Il ne reste plus que 66 employés et 85 sous-traitants. Des emplois actifs qui concernent la sûreté, la maintenance, l’environnement et la gestion des eaux, mais aussi les "supports conformité" et les équipes de formation. Du côté de Vavouto, on espère qu’un repreneur redonnera vie au site, porteur de rééquilibrage économique et pourvoyeur d’emplois. S’il est "difficile à ce stade de dégager des perspectives claires", indique Alexandre Rousseau, directeur de KNS, "On y croit encore, on a un massif quasiment opérationnel, des routes, du minerai, c’est juste une question de temps", espère Andy Wright, délégué syndical STKE à KNS. La direction ajoute que "sur le principe, le site de KNS est en suspension. Il n’est pas fermé, il est techniquement en veille froide jusqu’à nouvel ordre et les discussions se poursuivent entre les actionnaires dans la recherche d’options d’avenir".

    PRNC "mobilisée pour maintenir l’outil" et ses 1 294 emplois


    Photo Archives LNC / Anthony Tejero

    Comme à Vavouto, l’usine du Sud de Prony Resources attend un repreneur. Mais, dans un contexte conjoncturel défavorable et dans un climat local d’incertitude institutionnelle, les discussions semblent au point mort. "Depuis le 13 mai, nous avons été confrontés à une perte importante de nos effectifs, de l’ordre de 10 %", indique la direction. Une perte d’effectifs qui a eu des impacts sur les activités sur le site. "Ce sont en grande partie des cadres intermédiaires et des profils aux compétences spécifiques, essentiels à la continuité de notre outil industriel", explique PRNC. À l’heure actuelle, Prony Resources emploie 1 294 personnes, contre 1 211 fin 2024. "Notre priorité est de consolider nos équipes et de fidéliser nos collaborateurs, car nous croyons fermement dans l’avenir du secteur. Nous sommes pleinement mobilisés pour maintenir notre outil de production et assurer la pérennité de l’emploi local", assure la direction de l’usine du Sud. "Dans un contexte où l’on observe une hausse préoccupante du chômage, PRNC souhaite jouer un rôle actif : nous sommes dans une dynamique de recrutement afin de garantir la stabilité de l’emploi et la pérennité de l’entreprise", affirme-t-elle. "À l’usine, les objectifs de production mensuelle ne sont pas atteints, il y a souvent des changements de pièces, s’inquiétait Pascal Pujapujane, délégué syndical USTKE, lors d’un récent conseil syndical de la fédération mines. Du côté de la mine, le taux d’absentéisme est élevé. Y a-t-il un relâchement du personnel ?", s’interroge-t-il. "Nous tournons avec 50 % des effectifs."

    NMC : 644 emplois actifs


    Photo Archives LNC / Yann Mainguet

    La Nickel Mining Company (NMC) coentreprise créée avec le coréen Posco et détenue à 51 % par la SMSP, embauche aujourd’hui 644 salariés. NMC a pour objectif d’approvisionner l’usine coréenne de Gwangyang grâce à ses quatre centres miniers : Ouaco et Poya sur la côte Ouest et Nakéty et Kouaoua sur la côte Est. Elle fait également appel à des tâcherons pour exploiter certains gisements.

    Sur le centre de Nakéty, à Canala, la NMC, au même titre que Ballande et Gémini sont bloqués depuis plus d’un an. "La NMC a mené avec les parties prenantes un nombre significatif de rencontres et de réunions, impliquant sous-traitants, mairie et coutumiers pour permettre une reprise des activités, indique la cellule communication de NMC. Si un protocole a été signé entre le mineur, les trois chefs de districts de Nakéty et la mairie le 7 avril, "il n’a pas été possible de le mettre en application pour des raisons indépendantes de notre volonté", ajoute le mineur.

    Ballande se trouve dans la même situation puisqu’un protocole a également été signé, mais ne peut être appliqué pour des raisons semblables. En janvier, la NMC a entamé une procédure de licenciement collectif, mais assure "faire tout son possible pour accompagner les personnels et le processus de licenciement et poursuit ses prises de contact pour la suite". La NMC compte donc 644 personnes. Nakéty représente 17 % de l’effectif global.

    La fermeture définitive du centre de Nakéty était d’ailleurs à l’ordre du jour du comité d’entreprise qui s’est réuni le 5 août, affirme Bertin Boéré, délégué syndical STKE. "112 emplois sont concernés à NMC, et près de 400 emplois sont également en jeu avec Ballande SAS, Gémini ou Cotransmine La situation tendue sur place ne favorise pas la reprise", selon le délégué, qui ajoute : "Nous discutons avec notre direction, mais elle ne nous écoute pas." Des propos qui étonnent la directio, qui estime pour sa part que le dialogue est "très régulier avec tous les syndicats".

    Cotransmine : 60 salariés permanents

    L’activité de Cotransmine repose essentiellement sur le chargement de minéraliers depuis le bord de mer. Elle assure le chargement de "20 à 30 % par an des minéraliers qui touchent la côte en Nouvelle-Calédonie. Les affaires maritimes contrôlent les barges, les remorqueurs et les bateaux", explique Jean-Jacques Tokutoku délégué syndical STKE qui souligne "le mauvais état de la batellerie. Elle est vétuste. Il y a un vrai problème d’investissement alors que l’activité continue", s’alarme le délégué syndical.

    Cette entreprise, étroitement liée à la NMC, puisqu’elle est son sous-traitant unique de chalandage minier (filiale à 100 % de la SMSP) subit la conjoncture défavorable des deux dernières années, "qui a rendu difficile des investissements en faveur de la rénovation et du renouvellement de la batellerie", justifie la cellule communication de la NMC, qui précise que "l’entreprise compte environ soixante salariés permanents et fonctionne avec des intermittents du chargement directement issus des zones de chargement à Téoudié (Kaala-Gomen), Poya, Kouaoua et Nakéty".

    "L'État est toujours prêt à accompagner"


    Manuel Valls, ministre des Outre-mer, lors de son dernier déplacement pour la deuxième session du comité de rédaction sur l'accord de Bougival. 

    La situation sociale des trois usines et des principaux opérateurs miniers du pays restent donc fortement liés au soutien de l'État et à l'évolution institutionnelle et notamment à la mise en œuvre d'un accord politique, comme l'a rappelé le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, à l'issue de sa récente visite. "L'État est toujours prêt à accompagner sur ce sujet, que ce soit sur la baisse du coût de l'énergie ou sur des dispositions fiscales. Je suis conscient que même s'il faut sortir du tout nickel, il faut quand même préserver cette filière, en renouvelant sa stratégie."

    Préserver l'emploi dans le secteur du nickel passerait-il donc par la réussite de Bougival ? "Si je dis ça, on parlera encore de chantage, se défend le ministre. Mais les éventuels repreneurs, s'ils arrivent et que la Calédonie est à feu et à sang, que les mines sont cassées, qu'on ne peut pas rouler, et qu'on ne peut pas accéder aux entreprises, à mon avis, ils vont s'interroger."

    MERCI DE VOUS IDENTIFIER
    X

    Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.

    J'AI DÉJA UN COMPTE
    Saisissez votre nom d'utilisateur pour LNC.nc | Les Nouvelles Calédoniennes
    Saisissez le mot de passe correspondant à votre nom d'utilisateur.
    JE N'AI PAS DE COMPTE

    Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
    Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement.
  • DANS LA MÊME RUBRIQUE
  • VOS RÉACTIONS