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    Nouvelle Calédonie
  • Anthony Tejero | Crée le 24.05.2024 à 09h29 | Mis à jour le 24.05.2024 à 19h36
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    Au cous de sa visite éclair, Emmanuel Macron, a pris le temps pendant une heure, au haussariat, d'échanger avec des jeunes du pays. Photo Anthony Tejero
    En marge des rencontres avec le monde politique et économique, le chef de l’État a tenu à s’entretenir, jeudi soir, avec une vingtaine de jeunes qui lui ont fait part de leurs doutes et leurs profondes inquiétudes depuis le début de ces émeutes dont la force et la violence les ont tous surpris. Au cœur de leurs interrogations : comment parvenir à reconstruire demain tous ensemble le pays ? Témoignages.

    "Déception" et "découragement". Ces mots reviennent dans presque toutes les prises de parole de la vingtaine de jeunes Calédoniens qui ont rencontré Emmanuel Macron, jeudi soir, pendant une heure au haussariat. L’occasion de livrer leur ressenti sur des violences qu’ils "n’ont pas vu venir" et d’interpeller le chef de l’État sur les doutes et les inquiétudes qui les assaillent quant à leur avenir.

    "Jamais, je n’y aurais cru"

    "J’ai une bande d’amis qui se déchire actuellement à cause de ces violences. Les gens se filment entre eux avec les téléphones, on ne sait pas pourquoi et où ces vidéos vont finir. Je vis dans un profond sentiment d’insécurité. Ce qui se passe, c’était quelque chose d’inenvisageable pour moi il y a encore quelques jours. Jamais je n’y aurais cru", confie cet habitant du PK6, qui, les premiers jours d’émeutes, a ressenti un "profond sentiment d’abandon de l’État" et est parcouru par des questions en cascade. "Il y a des interrogations sur nos emplois. Quand va-t-on pouvoir y retourner ? Pour ceux qui le pourront du moins. Comment est-ce que ça va se passer demain ? Comment va-t-on arriver à revivre dans le respect ? Pour autant, je suis convaincu qu’il y a des gens de bonne volonté. Ce sera notre travail, en tant que jeunes, de reconstruire."

    De son côté, cette jeune femme de Touho se dit "découragée en tant que Kanak par cette jeunesse". "J’ai une autre mentalité que ces jeunes de mon âge qui, eux, ne pensent pas à demain."

    "Il est difficile de parler avec des gens de camps opposés"

    Dans l’assistance, cette étudiante confie, elle, être saisie par trois émotions depuis le 13 mai : la peur, la tristesse et la colère. "J’ai peur de sortir et de prendre une balle mais j’ai aussi peur pour mes proches. Je suis triste de voir mon pays brûler et autant de vies, d’emplois détruits. Je suis en colère de voir que des gens qui ont des revendications, que j’estime légitimes, brûlent et saccagent tout, raconte la jeune femme. Comment construire un destin commun avec ces personnes ? La mission du dialogue est un idéal à atteindre, mais la réalité, c’est qu’il est difficile aujourd’hui de parler avec des gens de camps opposés qui refusent de s’écouter."

    "On assiste à une descente aux enfers"

    Qu’importent leurs opinions politiques, dans la salle, ces jeunes invités autour du président condamnent fermement ces exactions. "Certes, on n’est pas tous d’accord avec les décisions que les politiques ont prises, mais ce ne sera pas par la violence qu’on pourra se faire entendre. Plutôt que de détruire, il faut proposer de nouvelles visions pour l’avenir, tient à réagir une autre jeune femme, désemparée par ces émeutes. Au lieu de s’entraider, de se tenir la main pour construire notre société, on assiste à une descente aux enfers. Des familles n’ont même plus de quoi acheter du pain. Ce n’est pas l’avenir que je souhaite pour mes futurs enfants."

    Pour y remédier, ces jeunes s’interrogent sur les voies et les moyens à adopter pour retrouver un semblant de retour à la normale sur le Caillou : " Comment pourra-t-on contenir cette extrême violence sans la légitimer mais sans non plus donner gain de cause aux émeutiers ?", s’interroge une autre étudiante, qui elle aussi se dit "très inquiète" pour l’avenir du pays et raconte "l’émotion horrible" qu’elle a ressentie lorsqu’elle s’est vue contrainte de préparer un sac, au début de ces émeutes, "au cas où" elle aurait dû fuir de chez elle.

    "Nous avons réussi la reconnaissance du passé, mais pas la construction d’un avenir commun"

    Alors qu’un jeune homme a demandé à Emmanuel Macron si ces émeutes "auraient pu être évitées", le président de la République a concédé que "les forces de sécurité, sur place, ne les (ces manifestants) avaient pas vu avec une telle organisation. Or il y a bien une organisation sous-jacente politico-insurrectionnelle", estime désormais le chef de l’État. "Le fait qu’il y avait des désaccords était bien sûr connu, mais pas que l’opposition au dégel puisse atteindre une telle violence. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que ces jeunes sont (impliqués) dans cette violence pour l’unique question du dégel du corps électoral."

    "Il n'y aura pas d'impunité"

    Toujours est-il, les réponses pénales devront être fortes en vue de rétablir le calme, selon le président de la République qui l’assure : "il n’y aura pas d’impunité car il n’y aura pas de stabilité s’il n’y a pas de justice."

    Quant à un éventuel passage en force de la réforme constitutionnel ? "Il y a eu énormément de dialogue avec les élus sur ce sujet qui est prévu depuis les Accords", rappelle Emmanuel Macron, qualifiant la France de "drôle de pays", où d’un côté "on accorde le droit de vote à des élections locales pour les étrangers," mais "de l’autre côté on ne veut pas de ce droit pour des citoyens" à ce scrutin provincial. Et ce, alors que ces deux combats sont parfois "défendus par un même parti politique".

    "Colonisation et immigration ne sont pas les mêmes choses"

    À cette remarque, un jeune homme le contredit, estimant que "colonisation et immigration ne sont pas la même chose" et que "c’est ce qui fait la spécificité de notre pays. Je ne dis pas que les Kanak doivent être au-dessus des autres, mais on demande l’égalité. Si on ne parle plus de peuple premier, c’est faire une croix sur le passé."

    À ce sujet, le chef de l’État s’est montré à la fois rassurant et ferme : "la reconnaissance du peuple kanak en tant que peuple premier est actée" et c’est "un acquis des accords". "Le dégel du corps électoral ne remet pas en cause cet intangible."

    "Chemin qui bégaye"

    La question pour Emmanuel Macron, comme il l’avait déjà déclaré, est de "savoir si on décide d’être totalement pris dans le passé, sans pouvoir le dépasser ou si on veut aujourd’hui le digérer" pour avancer sur ce "chemin qui bégaye" actuellement vers la reconnaissance de l’histoire singulière de la Nouvelle-Calédonie.

    En guise de conclusion, le président de la République le répète : "Il ne s’agit pas d’effacer ou de remettre en cause cette reconnaissance ou cette légitimité (du peuple kanak). Ces 40 dernières années ne nous ont pas permis de résorber certaines béances (dont les inégalités). Nous avons réussi la reconnaissance du passé, mais pas la construction d’un avenir commun et vous avez votre rôle à jouer."

    Note

    Pour respecter l'anonymat de ces jeunes, originaires de tout le pays, aucune photo n'a pu être prise lors de cette séquence. Leur nom et leur âge n'ont volontairement pas été signalés dans cet article. 

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