- Baptiste Gouret | Crée le 25.04.2025 à 05h00 | Mis à jour le 28.04.2025 à 11h00ImprimerAlain Di Crescenzo, président de CCI France, a effectué un déplacement en Nouvelle-Calédonie du 21 au 24 avril pour rencontrer les acteurs du monde économique, près d’un an après les émeutes. Photo Baptiste GouretPrès d’un an après les émeutes qui ont mené à la destruction de 800 entreprises, le président des chambres de commerce et d'industrie s’est rendu en Nouvelle-Calédonie du 21 au 24 avril. Il y a fait le constat d’un tissu économique traumatisé, mais désireux de se relever. Une relance qui dépend, selon lui, du développement de nouvelles activités porteuses et d’une internationalisation de certaines entreprises calédoniennes.
Vous achevez un déplacement de quatre jours en Nouvelle-Calédonie, durant lequel vous avez rencontré notamment des chefs d’entreprise et des industriels. Dans quel état d’esprit sont-ils, selon vous ?
Il y a eu un véritable traumatisme, je crois qu’il ne faut pas se mentir à ce sujet. Le pays a été durement touché. Quand on regarde le nombre d’entreprises détruites, c’est vraiment significatif. En Nouvelle-Calédonie, on dénombre 23 000 entreprises, dont 90 % sont des microentreprises. Dans les 10 % restants, un quart ont été détruites. C’est colossal. Un an après les émeutes, 50 % des entreprises rencontrent encore des problèmes de trésorerie. Il y a une véritable détresse et des gens marqués psychologiquement.
Pour autant, il faut restaurer la confiance. Sur ce point, j’ai senti de la part des entrepreneurs une véritable envie de recommencer. Tout notre rôle, à la CCI, c’est de voir dans quelle mesure nous pouvons les accompagner techniquement, psychologiquement et politiquement pour leur redonner cette confiance.
Selon une récente étude commandée par la CCI de Nouvelle-Calédonie, seuls 15 % des chefs d’entreprise se disent prêts à reconstruire, tandis que 40 % d’entre eux hésitent. Comment réussir à les convaincre ?
Il faut déjà comprendre pourquoi ils hésitent. C’est d’abord parce que les assurances ne remboursent pas. Aujourd’hui, seules 40 % des sommes ont été versées. Il faut donner davantage de visibilité sur les indemnités. Si les assurances jouent leur rôle, nous avons tous les outils d’accompagnement à disposition des entreprises : défiscalisation, prêts bonifiés, etc.
Autre élément de la confiance : faire en sorte que les émeutes soient véritablement derrière nous. Je sais que des discussions sont en cours sur l’avenir institutionnel. Il faut que cet accord voie le jour. Car même si l’économie n’aime pas attendre du politique, ce qui s’est passé il y a un an relève d’un vrai problème politico-social. Il faut le résoudre.
"Sans continuité assurantielle, on met l’économie à l’arrêt."
Le problème posé par les assurances réside également dans le retrait du risque "émeutes et mouvements populaires" des contrats professionnels, ce qui limite les possibilités de financement. Quelle peut être la solution ?
Des réflexions sont en cours avec l’État. Il faudra une solution, sinon on met à l’arrêt l’économie. Sans continuité assurantielle, c’est fini. Donc, il faut qu’on trouve des moyens pour minimiser le risque pris par les assurances tout en permettant aux entreprises de s’assurer à un prix correct. C’est le rôle de l’État : y aller quand le privé n’ose plus.
Un certain nombre d’acteurs économiques affirment qu’il ne faut pas reconstruire à l’identique. Est-ce que vous partagez ce point de vue ?
Ce qu’il faut, c’est éviter la double peine : avoir subi la destruction de son entreprise et reconstruire à l’identique. La reconstruction doit absolument passer par une diversification de l’économie, en termes d’activité et de géographie. Il faut faire de ce qu’il s’est passé une opportunité pour penser différemment et imaginer ce que pourrait être la Nouvelle-Calédonie dans dix ans. Il y a un véritable travail de prospective à mener.
"Les entreprises calédoniennes ont l’opportunité d’internationaliser leurs services."
Ce territoire doit d’abord se diriger vers une diversification de ses activités. Sa grande force, c’est sa culture industrielle et les compétences issues du nickel. Je rappelle que l’industrie, c’est ce qui manque le plus à la France. Il faut garder cela. Mais on sait que le nickel, il ne faut pas continuer à miser dessus. Selon moi, il faut désormais investir l’industrie agroalimentaire. Il y a encore du boulot à faire à ce sujet, notamment dans la transformation des produits et l’autosuffisance alimentaire. Le deuxième secteur que j’ai repéré, c’est l’aérien, avec des projets de maintenance aérienne qui peuvent être porteurs. Même chose pour l’activité portuaire. C’est ici qu’il faut s’appuyer sur les compétences industrielles acquises. Il y a aussi le tourisme, avec des opportunités extraordinaires. Dernier axe de diversification : le service aux entreprises.
Vous avez également évoqué une diversification géographique. De quoi s’agit-il ?
Les entreprises ont l’opportunité d’internationaliser leurs services. Je pense à des pays comme Fidji, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Vanuatu, un peu l’Australie, même si c’est un marché déjà saturé. Prenons l’exemple de la Papouasie : 10 millions d’habitants et un investissement massif de Total. La Nouvelle-Calédonie doit être présente pour accompagner ce genre de projets, portés par des entreprises françaises.
Pour cela il faut des compétences, en particulier pour être capable de s’internationaliser, ce que la CCI peut offrir. Cette diversification dans son ensemble nous amènera à être plus inclusifs, notamment pour faire vivre cette économie tribale fondamentale pour la Nouvelle-Calédonie, et ça fait partie de la quête d’un vivre-ensemble visant à assurer le développement du territoire dans les 20-30 prochaines années.
"La fiscalité ne peut rien face au manque de stabilité."
Vous parlez de vivre-ensemble. Vous pensez réellement que l’économie peut permettre d’atteindre cet idéal ?
Le plus grand facteur d’inclusion, après le monde associatif, c’est l’entreprise. Ça l’a toujours été.
Cette semaine s’est tenue une conférence fiscale et sociale organisée par le gouvernement. Pensez-vous que la fiscalité est un enjeu important ?
Quelle que soit votre fiscalité, elle ne peut rien face au manque de stabilité. J’ai été investisseur et ce que je recherchais, c’était essentiellement de la stabilité. Donc c’est bien de réfléchir à la fiscalité, mais ce n’est pas la priorité selon moi.
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