- Anthony Tejero | Crée le 11.06.2025 à 18h23 | Mis à jour le 16.06.2025 à 14h21ImprimerUn dispositif accru de gendarmerie est déployé sur la commune de Touho depuis qu’ont éclaté les premiers heurts. Photo Gendarmerie de Nouvelle-CalédonieAlors que la commune était secouée depuis une dizaine de jours par des violences qui se sont soldées par des blessés, des maisons incendiées et des tentatives d’expédition punitive, les autorités coutumières du secteur de Touho ont décidé, mardi 10 juin, d’expulser 32 personnes. Ces familles, exfiltrées par la gendarmerie vers Hienghène et Pouébo, sont affiliées à un "guérisseur" qui serait à l’origine, selon un courrier de la grande chefferie, de ce conflit larvé depuis de nombreuses années. Explications.
Serait-ce l’épilogue de la flambée de violence qui s’est emparée de Touho depuis une dizaine de jours ? Mardi 10 juin, la grande chefferie et les autorités coutumières des districts de Poyes et de Touho ont décidé de "reprendre la main" sur le conflit qui déchire une partie de la population, en actant l’expulsion de 22 familles, soit 32 personnes au total, de la commune.
Un courrier leur a officiellement été adressé dans l’après-midi, avant de leur laisser une heure pour préparer leurs affaires et quitter les lieux. Ces familles sont majoritairement originaires de la tribu de Kongouma, mais également de Touho-Mission, Amoa, Vieux-Touho, Tiwaé et Tipindjé. Leur tort ? Être des proches ou des soutiens d’un homme qualifié de guérisseur et qui serait, selon ces représentants coutumiers, à l’origine du conflit larvé qui se trame dans la commune depuis plusieurs années.
Une "potion" aspergée dans les tribus et les lieux publics
Cet habitant aurait "formé un groupe de jeunes de 22 à 39 ans" venus de plusieurs tribus du nord de la commune sur lequel il exercerait une emprise. "Ce prétendu guérisseur fait l’objet d’un litige avec la tribu (de Touho-Mission) en occupant de manière irrégulière, depuis dix ans, une parcelle foncière qu’il a transformée en quartier général, avance, dans ce document que les Nouvelles calédoniennes ont pu consulter, la grande chefferie de Tuo Pwatabe, qui précise que le mis en cause n’a jamais accepté de se présenter au conseil des clans pour s’expliquer. Après chaque consultation, il indiquait aux personnes qu’il recevait sur ce Q.G, le soi-disant responsable de ce qui leur arrivait, ce qui provoquait des divisions au sein des familles et des clans. Ce groupe parcourait également les tribus et les lieux publics tard dans la nuit pour asperger les espaces et les routes d’une soi-disant potion pour "laver" les lieux sans l’accord des autorités coutumières."
C’est donc, selon la grande chefferie du secteur, dans ce contexte qu’ont éclaté les violences lundi 2 juin, dans cette commune habituellement paisible de la côte Est. Pour rappel, ce jour-là, des affrontements avaient eu lieu entre différents clans faisant trois blessés, dont un enfant de 12 ans et un adolescent de 17 ans ayant reçu plusieurs coups de sabre d’abattis. À l’issue de ces heurts, sept personnes avaient été interpellées. Elles seront convoquées devant la justice en juillet. Depuis, un dispositif accru de gendarmerie, mobilisant une soixantaine de militaires, est déployé dans la commune.
Un camion de la gendarmerie a été mobilisé pour transporter, mardi 10 juin en fin d’après-midi, les affaires des personnes expulsées encore sur place. Photo Gendarmerie de Nouvelle-CalédonieDes renforts bienvenus puisque le samedi 7 juin, environ soixante-dix personnes ont tenté de mener une "expédition punitive" contre ce guérisseur, retranché avec ses soutiens, dans son habitation de Touho-Mission. "De part et d’autre, les gens étaient très tendus et hyper impliqués. On redoutait un bain de sang, que l’on a heureusement réussi à éviter en nous interposant et en favorisant la reprise du dialogue avec les coutumiers, estime Paul Sandevoir, chef d’escadron et commandant de la gendarmerie pour le secteur de la côte Est. Plus tard dans la journée, face à des menaces importantes de destruction du nakamal qui était le fief du guérisseur, nous avons alors décidé de protéger ce site avant d’exfiltrer cet homme, ses proches et une dizaine de ces soutiens vers Pouébo."
Plusieurs enquêtes de gendarmerie ouvertes
Mais, dans la soirée puis dans la nuit de samedi à dimanche, quatre habitations (celle du guérisseur et de trois autres personnes appartenant à son groupe) ont été brûlées par des habitants de la commune. Si la tension est restée "importante" dimanche et lundi, "aucune exaction" n’a été constatée par la gendarmerie jusqu’à la réunion organisée mardi, qui a rassemblé plus d’une centaine de personnes autour des autorités coutumières. Et qui s’est soldée, à l’issue de longs palabres, par la décision d’expulser 32 personnes affiliées au guérisseur.
La sentence leur a officiellement été notifiée dans l’après-midi. C’est ainsi, sous escorte de la gendarmerie, qui a mis à leur disposition un camion pour transporter leurs effets personnels, que ces familles ont été exfiltrées vers Hienghène et Pouébo, où elles auraient toutes été recueillies par des proches. "Ce mercredi, l’ambiance est apaisée au niveau de la population à Touho, mais nous maintenons toujours notre dispositif de gendarmerie. Le but est d’éviter toute nouvelle forme de violence qui pourrait avoir lieu notamment en cas de représailles de la part de ces personnes chassées", indique le chef d’escadron Paul Sandevoir, qui juge bon de préciser que des enquêtes sont désormais ouvertes afin d’appréhender les auteurs des destructions par incendie de ces quatre maisons.
L'appel "au calme et à la retenue" du gouvernement
Dans un communiqué diffusé ce mercredi 11 juin, le gouvernement exprime "sa vive préoccupation" et adresse un "appel solennel au calme, à la responsabilité et à la retenue".
L'exécutif rappelle "avec fermeté" que "la violence ne saurait être une réponse acceptable à un différend, quel qu'il soit. Elle ne mène qu'à l'escalade, à la souffrance, et compromet gravement la paix sociale ainsi que la cohésion entre communautés."
Ce communiqué est également l'occasion de "saluer l'engagement des gendarmes et des autorités coutumières qui œuvrent conjointement pour éviter de nouveaux drames."
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