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    Nouvelle Calédonie
  • Propos recueillis par Anthony Tejero et Julien Mazzoni | Crée le 18.07.2025 à 05h00 | Mis à jour le 26.07.2025 à 18h29
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    Victor Tutugoro, signataire de l’accord de Bougival, pour la délégation UNI, est rentré au pays dès le dimanche 15 juillet. Photo Anthony Tejero
    De retour sur le Caillou après la signature de l’accord de Bougival, Victor Tutugoro, au nom de la délégation UNI, livre ses impressions sur cette séquence historique et se projette vers l’avenir. Il appelle à construire tous ensemble le pays de demain. Entretien.

    Alors qu’on pensait se diriger vers un nouvel échec des négociations, l’accord a été signé au dernier moment. Qu’est-ce qui a provoqué ce revirement ?

    Parce que le ministre des Outre-mer a indiqué que c’était la fin de la séquence parisienne. Alors qu’on était encore en train de discuter, les uns et les autres, on a pris sur nous de faire ce compromis. Parce que, certes c’est un accord, mais avant tout, c’est un compromis politique qui a été fait, de part et d’autre. Qui dit compromis, dit concessions.

    Au départ, la proposition de Manuel Valls de souveraineté partagée a été remise sur la table avec les aménagements de l’Élysée. À un moment donné, il a été souhaité par les délégations non-indépendantistes de discuter entre nous, les partenaires calédoniens, et notamment entre ceux les plus éloignés (Le Rassemblement-Loyalistes, UNI et FLNKS). L’Éveil océanien et Calédonie ensemble n’ont pas participé à ces discussions qui ont quand même duré trois jours. Au bout du troisième jour, on a fait le constat qu’on était allés au bout et qu’on ne parvenait pas à se mettre d’accord.

    L’État a donc repris la main, en remettant ses différentes propositions sur la table. On a discuté les uns et les autres, on a trouvé ce compromis et il nous a dit que, de toute façon, on ne pourrait pas aller au-delà de vendredi. C’est ce qui a mis un peu la pression sur les uns et les autres. On est ainsi arrivé à ce compromis, signé finalement à 6 heures du matin.

    Quels sont les éléments de satisfaction de cet accord, que vous qualifiez de compromis ?

    Nous, on portait le fait d’accéder tout de suite à la pleine souveraineté. Le compromis, c’est que cette question est renvoyée à plus tard. Dans quelle temporalité ? C’est encore à construire.

    La satisfaction, c’est qu’on crée un État, avec ses éléments de souveraineté, même si aujourd’hui cet État est lié à la France et à la Constitution française. C’est un élément de satisfaction, parce que ce sujet a été posé sur la table et on y est. Pour autant, la nationalité, les compétences, le transfert des compétences, la reconnaissance sur le plan international, etc. Tous ces éléments restent à construire.

    On a mis en place des mécanismes pour construire ensemble. On ne pourra pas faire les uns sans les autres.

    L’autre sujet de satisfaction, c’est qu’on a mis en place des mécanismes pour construire ensemble. On ne pourra pas faire les uns sans les autres. C’est important parce que c’est quelque chose qu’on n’a pas su faire après l’accord de Nouméa en 1998.

    Par exemple, on va revoir le nombre d’élus au Congrès, on va revoir les institutions d’une manière générale, on va revoir le niveau de compétences, la loi fondamentale, etc. Mais tout ça ne peut pas se faire à la majorité seule. Il faut une majorité de trois cinquièmes des élus. Il faut donc qu’on les porte ensemble.

    Vous défendiez de longue date un projet d’État associé. Selon vous, est-ce que ce qui a été signé à Bougival s’en rapproche ?

    Oui, à partir du moment où on construit la souveraineté et qu’on la construit ensemble. Car c’est ça qui est important, non plus les uns contre les autres, mais ensemble. Je constate depuis la signature, que beaucoup de gens dans la population n’ont pas compris, notamment sur les réseaux, ça parle dans tous les sens. Mais l’esprit, c’est justement de construire ensemble le pays, notre pays.

    À partir du moment où on fait le pays et qu’on est dans la construction, à quoi ça sert de continuer à geler le corps électoral ?

    Certains points bloquants, notamment lors du conclave de Deva, semblent avoir été franchis par les indépendantistes, comme le dégel du corps électoral. Comment le justifiez-vous ?

    À la grande différence de Deva, où on disait que dans 10 ans, 15 ans ou 20 ans, on ferait un référendum pour l’accession à la pleine souveraineté, là, on y est tout de suite. Le référendum qui aura lieu en février va valider le processus de création de l’État. La souveraineté sera là et il n’y aura plus à y revenir. C’est le Congrès, à la majorité des trois cinquièmes, qui va, petit à petit, construire les éléments de cette souveraineté.

    Donc, à partir du moment où on fait le pays, où on lance la souveraineté et qu’on est dans la construction, à quoi ça sert de continuer à geler le corps électoral ? On rentre dans une logique de construction du pays, donc on associe tout le monde.

    On crée une citoyenneté calédonienne qui va voter et les nouveaux élus du congrès définiront un code de la nationalité calédonienne, toujours à la majorité des trois cinquièmes. Ça oblige à travailler ensemble.

    Justement, le fait qu’il faille passer par les trois cinquièmes du Congrès pour accéder aux compétences, n’est-ce pas un verrouillage infranchissable ? La pleine souveraineté ne devient-elle pas inaccessible ?

    Aujourd’hui, oui. Mais le corps électoral peut évoluer. Il a commencé à bouger, même en province Sud. On peut imaginer que dans cinq ou dix ans, il y ait une majorité pour dire oui, on est convaincus, puisqu’on a travaillé ensemble, et qu’on est d’accord pour accéder à la souveraineté et faire donc le partenariat, l’association avec la France. Parce qu’on reste sur ça.

    L’exercice du droit à l’autodétermination est quasiment absent de l’accord. Est-ce que cela fait partie des concessions des indépendantistes ?

    Il n’y a plus de consultation d’autodétermination, parce qu’elle n’est plus nécessaire. À partir du moment où, si elle est validée en février, on entre dans la construction de la souveraineté. Dans cinq ans, six ans, sept ans, la Nouvelle-Calédonie pourra demander le transfert de compétences et demander à la France de l’exercer pour nous comme c’était prévu à Déva, pour continuer à maintenir sa présence ici. Parce qu’on sent bien que la présence de l’État rassure une large majorité de l’électorat, au-delà des non-indépendantistes, et les investisseurs. Même chez nous, indépendantistes, nous sommes un certain nombre à dire qu’il vaut mieux que l’État reste pour le moment, parce que ça contribue à la stabilité du pays.

    La province Sud disposera de davantage de sièges au Congrès, ça constitue aussi un défi pour aller convaincre au-delà de vos bases ?

    Oui. C’est aussi une des concessions que nous avons faites, dans la mesure où, encore une fois, on crée le pays. On a donc lâché sur la composition. Sachant qu’il n’y a pas que des non-indépendantistes en province Sud. Encore une fois, on dit les indépendantistes, mais il faudra peut-être s’appeler autrement. Puisque l’on va dans un pays que l’on construit ensemble. Donc il faudra peut-être aussi trouver d’autres appellations.

    Avec les non-indépendantistes, à Paris, nous, l’UNI, avons accepté le principe de défendre ensemble le compromis de Bougival.

    Vous souligniez que beaucoup de gens dans la population n’ont pas encore compris cet accord. Comment vous allez le défendre auprès de votre base ? Et envisagez-vous de le faire aussi aux côtés des non-indépendantistes ?

    Alors, déjà nous allons nous adresser à nos bases. Il y aura un congrès extraordinaire du Palika ce week-end, le 19 juillet, à Voh, puis un comité central de l’UPM le 26 juillet, à Houaïlou.

    Avec les non-indépendantistes, à Paris, nous, l’UNI, avons accepté le principe de défendre ensemble le compromis de Bougival. Ce matin [jeudi, NDLR], je viens de convenir encore avec le président Ponga de le faire aussi en province Nord. On va le défendre ensemble, au cours de réunions communes, pour rassurer la population. Il faut sauver cet accord, c’est le dernier.

    Comment appréhendez-vous ces mois de campagne qui s’annoncent ?

    Pour les questions de sécurité, une organisation est en place, mais c’est par la pédagogie qu’on va désactiver les extrémistes des deux bords. Donc, effectivement, ce serait mieux de le faire ensemble pour expliquer l’accord. Je pense que ce serait bien que toutes les formations signataires soient représentées.


    Victor Tutugoro : "L’État se dit prêt à acheter du minerai s’il est transformé pour répondre aux besoins du marché des batteries électriques." Photo Julien Mazzoni

    L’État s’est visiblement engagé à ce que, si cet accord est signé, il y ait une reprise de l’activité métallurgique en province nord. Quels sont concrètement ces engagements ?

    L’État dit qu’il est prêt à racheter le minerai qui sera produit par les usines. Mais il faut que ce minerai réponde aux besoins de l’industrie des batteries pour véhicules électriques. Donc c’est du minerai transformé.

    Pour le moment, la SLN ne répond pas à ces besoins. Elle survit aujourd’hui parce qu’elle est supportée par l’État. Mais jusqu’à quand ? Eramet s’est retirée donc, un jour ou l’autre, l’État va arrêter de payer le fonctionnement de la SLN.

    Pour l’usine du Nord, ce que l’on sait pour le moment, c’est que pour les potentiels repreneurs les plus sérieux, JSL Global Commodities, il y a la question de l’énergie qu’il faut résoudre. Parce que ce qui fait que notre produit n’est pas compétitif, c’est le prix de l’énergie. Il faut aller au bout de la transition énergétique.

    On ne peut pas continuer à faire du parallélisme, chacun de son côté.

    Et puis les fours sont à l’arrêt, ce qui veut dire qu’il faudra les changer et les adapter au traitement du minerai pour les batteries électriques. Ce sur quoi nous nous sommes mis d’accord, c’est qu’il faut essayer de traiter au maximum le minerai localement. Tout ce qui relève de la pyrométallurgie, on le ferait dans le Nord. Tout ce qui relève des latérites, dans le Sud. Et le reste, ce qu’on ne peut pas traiter, on l’exporte. Conformément à la doctrine nickel.

    La question peut sembler rhétorique, parce que sinon vous n’auriez pas signé, mais croyez-vous vraiment à cet accord ?

    Oui. En tout cas, c’est le projet qu’a porté l’UNI jusque-là. On se retrouve dans ce compromis politique. Parce qu’on ne peut pas continuer à faire du parallélisme, chacun de son côté et que sans ça il n’y aura pas de stabilité pour le pays.

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