fbpx
    Nouvelle Calédonie
  • Propos recueillis par Baptiste Gouret | Crée le 17.07.2025 à 16h50 | Mis à jour le 26.07.2025 à 18h25
    Imprimer
    Pour Virginie Ruffenach, membre de la délégation Rassemblement, l'accord de Bougival "ne souffre d'aucune ambiguïté". Photo Baptiste Gouret
    De retour de Paris, la présidente du groupe Rassemblement au Congrès a déjà entamé un travail de terrain pour défendre un accord qui parvient, selon elle, à associer les aspirations des deux camps à travers des équilibres néanmoins fragiles. Entretien.

    Le Rassemblement a organisé une première rencontre avec ses militants, mercredi soir, pour présenter l’accord. Quel accueil a-t-il reçu ?

    On était plus de 250 à la permanence, donc on voit véritablement que les gens ont besoin d’explications. On a fait le choix de la transparence, en présentant le texte brut afin de montrer une chose importante : contrairement aux accords précédents, celui-ci ne souffre d’aucune ambiguïté. Il y a des choses qui ne plaisent pas au camp indépendantiste, d’autres qui ne plaisent pas au camp des partisans de la France, mais elles sont dites. Il n’y a pas de double compréhension possible, chaque point important de l’accord est clairement affirmé, nous avons été très vigilants là-dessus à Bougival.

    Deux mois après l’échec des négociations à Deva, la conclusion d’un accord semblait inenvisageable. Qu’est-ce qui a permis ce revirement ?

    Remettons-nous dans le contexte : nous, Loyalistes et Rassemblement, refusons Deva parce qu’on estime que c’est un accord définitif dans l’indépendance, alors que les Calédoniens ont voté trois fois "non". Quand nous arrivons à Paris, nous sommes perplexes et plutôt dans un état d’esprit où l'on considère que les indépendantistes ne sont pas prêts à respecter les trois référendums et que, probablement, cette énième tentative, cette fois du président de la République, sera peut-être vouée à l'échec. Rapidement, ce qui est posé sur la table par le ministre Manuel Valls, c’est un référendum dans quinze ans pour choisir entre un État associé et la France. Pour nous, ça n’est pas possible. Ce qu’on demande, c’est une solution pérenne. À ce moment-là, nous prenons l’initiative avec Les Loyalistes, de consulter les indépendantistes du FLNKS et de l’UNI seuls à seuls. Au bout de 24 à 48 heures de discussions sans l’État et sans les autres parties prenantes que sont Calédonie ensemble et l’Éveil océanien, nous arrivons à une forme de blocage. Les indépendantistes nous disent que la solution à laquelle nous parvenons est, selon eux, quasiment définitive et consacre une Nouvelle-Calédonie dans la France. C’est à ce moment-là que l’État entre dans le jeu et des points d’équilibre sont trouvés.

    Nous restons au sein de l’ensemble national.

    Cet accord est historique parce que, pour la première fois, on retrouve deux blocs puissants. Chez les indépendantistes, le FLNKS et l’UNI sont d’excellents négociateurs qui ont su défendre leurs projets respectifs et, de notre côté, on est un bloc fort de partisans pour la France, très unis. Aucun des deux camps n’a trahi ceux qu’il représente à travers cet accord. On a renoué avec le pari de l’intelligence.

    Quels sont les éléments de satisfaction pour Le Rassemblement ?

    Il n’y a pas de transfert immédiat des compétences régaliennes. C’est essentiel, car l’exercice des compétences par l’État garantit un état de droit et le maintien des grands équilibres en Nouvelle-Calédonie. Mais surtout, on préserve les aspirations des partisans de la France de rester français. Nous restons au sein de l’ensemble national. Pas en dehors, pas avec, mais dedans.


    Une première réunion publique avait lieu, mercredi soir, à la permanence du Rassemblement pour présenter les grandes lignes de l’accord signé à Bougival. Photo DR

    On a également assuré le dégel du corps électoral, ainsi qu’une nouvelle représentation au Congrès. Surtout, on ne dira plus aux Calédoniens que la seule perspective que nous sommes capables de leur offrir, c’est un référendum.

    Certains points qui avaient été refusés à Deva, comme la création d’un État de la Nouvelle-Calédonie, la double nationalité ou la possibilité de transférer des compétences régaliennes, ont finalement été acceptés par votre délégation. Comment le justifiez-vous ?

    La nouvelle nationalité, dont nous ne voulions pas au départ, n’enlève rien à la nationalité française des Calédoniens. Quant à l’État, conformément aux résultats des trois référendums, il fait partie de l’ensemble national, à travers un statut sui generis qui n’existe nulle part ailleurs. On a été capable de faire des pas les uns vers les autres, pour construire un statut unique de la Nouvelle-Calédonie dans le monde, tout en préservant les essentiels de chacun.

    Les indépendantistes avaient besoin d’une perspective de transfert des compétences.

    Nous avons également consenti à transférer les relations extérieures, mais dans un cadre circonscrit, c’est-à-dire dans le champ de compétences de la Nouvelle Calédonie. Concernant les autres compétences régaliennes, les indépendantistes avaient besoin d’une perspective de transfert. C’est le cas : ils pourront le demander, mais sur la base d’un très large consensus, avec une majorité extrêmement large au Congrès de 36 élus, ce qui est colossal. Pour y parvenir, ils devront donc convaincre au-delà du cercle indépendantiste. D’autre part, l’État peut encore dire non à un transfert s’il considère que ce n’est pas soutenable.

    Vous vous êtes engagés à défendre cet accord auprès des Calédoniens. Comment allez-vous vous y prendre, et peut-on imaginer que ce travail soit réalisé aux côtés des indépendantistes ?

    Il y a des discussions en ce sens. Dans un premier temps, notre devoir c’est d’aller rencontrer ceux que nous représentons et la population calédonienne. Nous le ferons en commun avec Les Loyalistes. Ensuite, la question se pose de savoir si, effectivement, nous allons présenter ce que nous avons négocié à Bougival avec les indépendantistes, et expliquer les équilibres trouvés.

    Cet accord peut-il être modifié d’ici la consultation des Calédoniens en février 2026 ?

    Nous avons insisté pour que l’accord soit soumis en l’état aux Calédoniens, parce qu’il a fait l’objet de centaines d’heures de négociations. Nous avons négocié jour et nuit à Bougival. Le chemin a été difficile, et nous allons essayer de donner de la force à cet accord. Mais ces équilibres restent très fragiles. Nous ne sommes pas prêts à faire un pas de plus, et je pense que les indépendantistes ne sont pas prêts, non plus, à faire un pas de plus.

    Sans accord, ce serait une Nouvelle-Calédonie face au néant.

    Que se passera-t-il si une majorité de Calédoniens décide de rejeter l’accord ?

    Pas de dégel du corps électoral, donc encore des milliers de personnes privées de participer au développement de ce pays, un référendum dans 15 ans, dans 20 ans… C’est la seule perspective qu’on aurait à offrir aux Calédoniens. Ce serait une Nouvelle-Calédonie face au néant, et on sait ce que ça donne. Le 13-Mai est le résultat du néant politique. Donc je veux mettre en garde ceux qui, en faisant de la politique politicienne, s’opposent à cet accord.

    Votre coalition a notamment obtenu que soit inscrite la possibilité d’un renforcement des compétences des provinces. Comment cela va-t-il se traduire ?

    Cette différenciation provinciale permet aux provinces d’adopter des modèles différents. Il ne s’agit en aucun cas d’une partition. C’est simplement un moyen de mettre en œuvre des projets de société qui collent à la réalité de nos populations. On ne vit pas en province Nord comme on vit en province Sud, ni dans les îles. Cette différenciation provinciale se traduit par le transfert de compétences de la Nouvelle-Calédonie vers les provinces qui en feraient la demande. Ce n’est pas un choix de séparatisme mais de souplesse institutionnelle et la reconnaissance d’une identité forte de chaque province.


    Virginie Ruffenach lors de la signature de l’accord de Bougival, samedi 12 juillet. Photo DR

    Peut-on encore imaginer, avec cet accord, que la Nouvelle-Calédonie puisse un jour accéder à son indépendance ?

    Quand les Calédoniens le souhaiteront, oui.

    De quelle manière ? Car l’exercice du droit à l’autodétermination semble avoir disparu…

    Il est maintenu dans le préambule, à travers le droit international. Mais surtout, il est garanti par le mécanisme de transfert de compétences régaliennes. Si un jour, une très large majorité du Congrès le souhaite, ainsi que la population, c’est envisageable. En réalité, c’est elle qui aura toujours le dernier mot en la matière, mais on s’évite ces référendums couperets qui ont fait tant souffrir la Nouvelle-Calédonie.

    L’accord suivra son chemin, quel que soit le gouvernement français.

    Vous plaidiez depuis de nombreuses années en faveur d’une nouvelle répartition des sièges au Congrès, au bénéfice de la province Sud. Elle disposerait de cinq sièges supplémentaires. Que va permettre ce nouveau rapport de forces ?

    C’est d’abord un rétablissement démocratique. On ne peut pas avoir 75 % de la population [en province Sud NDLR] qui ne représentait que par 59 % des élus. Ça n’était plus acceptable. Avec cet accord, nous passons à 66 % d’élus issus de la province Sud. Ce n’est pas encore un pour un. On a accepté une forme de décalage, mais qui colle davantage à la démocratie, et on revient dans un rapport de forces équitable. Les équilibres vont être modifiés, mais pas dans des proportions démesurées.

    L’instabilité politique dans l’Hexagone peut-elle encore avoir un effet sur la mise en œuvre de l’accord ?

    L’accord est gravé dans le marbre. Il suivra son chemin, quel que soit le gouvernement français. Le président de la République, dont le mandat est pérenne jusqu’en 2027, s’y est lui-même engagé. Côté parlementaire, il n’y a pas de risque de dissolution à ce stade. Donc on devrait parvenir à tenir le cap pour mener à son terme la réforme constitutionnelle d’ici la fin de l’année. Désormais, le travail est dirigé vers les forces politiques nationales, pour leur faire comprendre que cet accord est notre planche de salut. Nous sommes parvenus à un compromis localement, ce qui n’était pas gagné, donc s’il n’est pas soutenu au niveau national, ce serait incompréhensible.

    MERCI DE VOUS IDENTIFIER
    X

    Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.

    J'AI DÉJA UN COMPTE
    Saisissez votre nom d'utilisateur pour LNC.nc | Les Nouvelles Calédoniennes
    Saisissez le mot de passe correspondant à votre nom d'utilisateur.
    JE N'AI PAS DE COMPTE

    Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
    Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement.
  • DANS LA MÊME RUBRIQUE
  • VOS RÉACTIONS