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    Nouvelle Calédonie
  • LNC | Crée le 18.05.2025 à 14h00 | Mis à jour le 18.05.2025 à 14h00
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    Etienne Ignace Lucien
    La famille Lucien a toujours connu le lien de son aïeul avec le bagne. Mais deux de ses arrière-petites-filles ont voulu savoir comment cet ancêtre, qui n'est pas né ni décédé en Nouvelle-Calédonie, peut y avoir une si nombreuse descendance. Monique Revercé et Jacqueline Fijalkowski ont beaucoup cherché, souvent trouvé, mais parfois quelques zones d'ombre demeurent... Retour sur la vie d'Étienne Lucien dans ce 52e épisode de notre sage consacrée aux familles issues du bagne. Cet article est une archive parue dans Les Nouvelles calédoniennes le samedi 19 novembre 2016.

    "Étienne naît le 9 mai 1866, à La Réunion, d'une famille française. À 12 ans, il est orphelin de père et de mère. En 1885, il a 19 ans et travaille au Trésor de Saint-Denis de La Réunion. Cette année-là, il écrit au gouverneur de l'ile et demande à participer aux examens de recrutement des commis de l'administration pénitentiaire de Guyane et de Nouvelle-Calédonie.


    Lettre écrite et envoyée par Étienne Lucien en septembre 1885 afin de demander l'autorisation au Gouverneur de postuler au concours de commis de l'administration pénitentiaire. Étienne est nommé le 9 décembre 1889. La période entre 1885 et 1889 reste encore floue, la famille ignore ce qu'il fait.

    Dans la famille, on a toujours bien insisté sur le fait qu'il n'était pas surveillant. Il appartenait à la classe des commis et a eu plusieurs fonctions comme celle de secrétaire dont ma grand-mère était très fière.


    Octobre 2016, rencontre entre cousines. Pour certaines, elles se voyaient pour la première fois et ne se connaissaient que depuis quelques jours. De gauche à droite: Vanda Lethezer-Jouanno, Jocelyne Bénébig, Cocotte Lucien, Jacqueline Lucien-Fijalkowski, Mauricette Lucien-Millot, Rosette Lucien, Monique Lucien-Revercé.

    Pour elle, c'était la marque de l'instruction d’Étienne, il avait une écriture magnifique. " Jacqueline et Monique, deux sœurs, deux arrière-petites-filles d’Étienne, sont heureuses de livrer l'histoire de leur aïeul. Elles n'ont eu accès au dossier d’Étienne qu'en 2011, à Aix-en-Provence. Cela fait quelques années à peine qu'elles connaissent enfin le détail de sa vie, de sa courte vie.

    L'employé modèle

    " En décembre 1889, Étienne est nommé commis de troisième classe puis arrive quelques mois plus tard par le Yarra à Nouméa, en provenance de La Réunion. Ses débuts dans l'administration pénitentiaire sont déjà gratifiés de bonnes appréciations telles : "Excellente acquisition pour l'administration pénitentiaire". Notre arrière-grand-père a une carrière ponctuée de commentaires élogieux. "

    Le dossier d’Étienne regorge en effet de notes de ses chefs de service et du directeur de l'administration, grâce auxquelles ses descendants peuvent mieux cerner son caractère et à quel point il franchit rapidement les grades. 1893 : " Je confirme en tous points les bonnes notes que j'ai données à cet employé aussi capable que modeste et dévoué [...] Je sais qu'il travaille assidûment chez lui pour affronter le concours pour l'emploi de Commis principal." 1895 : "Caractère orgueilleux, a une légère tendance à l'indiscipline. Connaît très bien le service dont il est chargé : mais a le tort de se croire indispensable. Néanmoins [...] je le propose pour un avancement de classe."

    Il a, il est vrai, le caractère un peu pointilleux et il supporte difficilement les observations.

    "M. Lucien est un excellent serviteur. Il est très capable et il dirige la section des libérés avec beaucoup de zèle. Il a, il est vrai, le caractère un peu pointilleux et il supporte difficilement les observations. Mais cette petite imperfection de caractère ne saurait l'empêcher d'être estimé à sa juste valeur."

    1896 : "Employé laborieux et capable. S'acquitte d'une manière irréprochable des fonctions de secrétaire [...] Vivement désireux d'améliorer sa position, il continuera, j'en suis convaincu, à satisfaire ses chefs. Je le propose à la première classe de son grade et à une gratification."

    1898 : "Occupe depuis trois mois le poste d'officier d'administration des magasins centraux; son service, dont il se montre très soucieux, na donné lieu à aucune observation. M. Lucien ne connait pas encore la comptabilité-matières, mais il travaille chaque jour à l'apprendre et à étendre son instruction administrative. Animé de bonne volonté, il s'applique à mériter la satisfaction de ses chefs. Je le propose pour la première classe de son emploi et pour une gratification de 250 F."

    Quoique ne comptant que douze années de services, il possède déjà des connaissances suffisantes qui permettront l'année prochaine de faire une proposition d'avancement en sa faveur.

    1901 : "Détaché à la Section de la relégation, en ce moment surchargée, il apporte beaucoup de bonne volonté dans l'exécution du service qui lui est confié. Quoique ne comptant que douze années de services, il possède déjà des connaissances suffisantes qui permettront l'année prochaine de faire une proposition d'avancement en sa faveur. Très intelligent. Par ailleurs très intéressant par sa situation de famille. Mérite d'être encouragé." "M. Lucien a toujours, et à juste titre, été considéré comme l'un de nos meilleurs employés. Il a de l'étoffe, beaucoup d'étoffe même et fera, plus tard, un bon sous-chef de bureau."

    La vie de famille

    " Tandis que notre arrière-grand-père franchit les échelons de l'administration pénitentiaire, de Nouméa à la Guyane (sa carrière est remarquable !), il construit en même temps une grande famille. Étienne épouse Marie-Angèle dite Adeline Ozoux à Nouméa en 1896. Ensemble, ils ont huit enfants. André Louis, l'aîné, décède rapidement.


    Marie-Angèle dite Adeline Ozoux, l'épouse du secrétaire, née à Nouméa au Faubourg-Blanchot, le 18 janvier 1880. C'est elle qui fait le voyage de la Guyane en Calédonie, toute seule, pour ramener ses sept enfants dans son pays natal.

    Raphaël naît à l'île des Pins mais notre grand-père Henri naît à Nouméa tout comme René, son jumeau, Fernand et Marthe, la grand-mère de Jocelyne Bénébig. Les deux derniers de la fratrie, Maurice et Étienne, naissent en Guyane, à Saint-Jean du Maroni puis aux îles du Salut.

     

    Étienne voit le jour une semaine après la mort de son père. Notre arrière-grand-père décède le 21 janvier 1908 des suites d'une péritonite d'origine typhique, il a 41 ans. Comme le règlement le prévoit, l'administration pénitentiaire prend en charge le retour de la famille du défunt. Le 3 août 1908, Adeline quitte la Guyane avec ses sept enfants âgés de 11 ans à 6 mois. Après une  traversée de l'Atlantique en paquebot, ils arrivent à Saint-Nazaire.


    Etienne Ignace dit Tienno. Il épouse en 1926, à Koné, Andrée Coq, puis en secondes noces, en 1941, Andrée Rival.

    La famille se rend à Paris en train puis à Marseille.

    Le 23 septembre 1908, tout le monde embarque à bord du vapeur le Néra. Le paquebot des Messageries maritimes arrive à destination en novembre 1908. Malheureusement, ils s'étaient fait voler leurs malles et meubles à Marseille et sont arrivés sans rien à Nouméa. Il paraît que la traversée n'a pas été de tout repos. Marthe nous a raconté que les jumeaux, alors âgés de 9 ans, étaient insupportables, et qu'ils s'étaient même cachés dans un canot de sauvetage; il a fallu des heures pour les trouver et, du coup, le commandant a enfermé toute la famille dans leur cabine pour le reste de la traversée ! "

    La descendance

    Trois des fils du commis de l'administration pénitentiaire, Henri, René puis Étienne en secondes noces vont épouser les petites-filles d'un condamné aux travaux forcés en Nouvelle-Calédonie, Ferdinand Rival.


    Les enfants du pionnier : Raphaël. Ses six enfants naissent entre 1924 et 1935, mais ce n'est qu'en 1945 qu'il épouse leur mère, Julia Dinet-Roussel, à Hienghène.


    Les enfants du pionnier : René. Il se marie en 1918, à 19 ans, avec Jeanne Rival qui n'en a que 16. Ils ont ensemble quatre enfants. Il décède en 1969 à Sydney.

    " Raphaël, l'aîné, devient chef de chantier de travaux publics et s'installe dans le nord de la Grande Terre, à Thiem (entre Touho et Hienghène). Il épouse Julia Dinet-Roussel.

    Ensemble ils ont six enfants. Leur première fille naît à Koné en 1924 et les autres à Hienghène.


    Henri, jumeau de René. Le grand-père de Monique et Jacqueline est entouré de sa famille en 1938. Premier rang : Henri portant Michel, Angéline portant Danièle, et Claude. Debout derrière : Didi, Yvan, André (le père de Monique et de Jacqueline) et Simone. Il manque Jeannot qui se trouve tout à gauche, hors cadre, il posait pourtant au côté de ses frères et sœurs !

    Henri et René, les jumeaux, ont participé à la construction du premier barrage de Yaté entre 1921 et 1925. Puis tous deux deviennent mécaniciens : Henri est spécialisé dans le réglage et l'affûtage des scies, d'abord à la société Le Kaori, puis, pendant la guerre, avec les Américains à la Forestière (rivière des Pirogues), puis à la société des Bois du Sud. René exerce à bord des bateaux de la SLN puis est gérant de la société des Bois du Sud. Maurice et Étienne suivent le même parcours que leurs frères : ils sont tous les deux officiers mécaniciens à bord des bateaux de la SLN.


    Fernand, le jour de ses 100 ans, entouré de ses arrière-petits-enfants, Grégory et Florian Foucher. En 1933, il épouse Suzanne Pamard avec qui il a un enfant, Raymond. Fernand décède en 2003, l'année de ses 100 ans.

    Dans les années 40, Étienne est chef mécanicien sur le vapeur le Cagou. Maurice travaille ensuite pour la marine marchande et fait du cabotage sur la côte Est, de l'ile des Pins aux Bélep en passant par les Loyauté.

    Et voilà comment la famille Lucien compte aujourd'hui plus de 500 descendants dont une grande partie en Nouvelle-Calédonie, alors qu’Étienne, le pionnier, n'est ni né ni décédé ici ! "

    Adeline Lucien, une cartomancienne dans la famille

    "Notre arrière-grand-mère est décédée en 1965. Elle s'est remariée trois fois après avoir été veuve à 28 ans, elle est restée chez sa fille Marthe à la fin de sa vie. Elle était médium, une grande voyante qui tirait les cartes. Il paraît que lors d'une soirée spirite au Central, elle avait fait monter les escaliers à une table sans la toucher et qu'elle ouvrait les tiroirs et les portes des meubles par simple pensée. Elle était adorée des aînés de ses petits-enfants qui ont tous une photo d'elle. Quant aux plus jeunes, ils en avaient une peur bleue et l'appelaient entre eux "la sorcière"."

    André Lucien à Sydney en 1941


    André Lucien à Sydney

    "Notre père, le petit-fils d'Étienne, le commis de l'AP, a fait son service pendant la guerre. Il était canonnier au Ouen Toro et a fait plusieurs séjours en Australie pour apprendre le maniement des canons. Il nous racontait toujours qu'il était de service avec Louis Maurel quand, le 12 mars 1942, à 6 heures du matin, ils ont vu des bateaux au large du phare Amédée. Ils ont cru que c'était des Japonais et ont sonné le branle-bas de combat. Le phare était éteint la nuit pour empêcher les navires d'entrer. Heureusement, c'était les Américains qui arrivaient ! Notre père a donc été un des tout premiers à voir les Américains débarquer en Calédonie.

    Après six ans de service militaire, il a été démobilisé en 1946. "

    Note

    Cette série sur les destins de familles issues de la colonisation pénale, tirée du livre Le Bagne en héritage édité par Les Nouvelles calédoniennes, est réalisée en partenariat avec l'Association témoignage d'un passé.

    Cet article est paru dans le journal du samedi 19 novembre 2016.

    Quelques exemplaires de l'ouvrage Le Bagne en héritage, certes un peu abîmés, ainsi que des pages PDF de la parution dans le journal sont disponibles à la vente. Pour plus d'informations, contactez le 23 74 99.

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