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    Nouvelle Calédonie
  • Propos recueillis par Anne-Claire Pophillat | Crée le 26.07.2025 à 06h00 | Mis à jour le 26.07.2025 à 18h46
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    Nicolas Metzdorf insiste sur la nécessité que l’accord tienne. "Il le doit, il n’y a pas d’autre choix. Il faut aller au bout du processus." Photo A.-C.P.
    Le député Nicolas Metzdorf, membre de la délégation loyaliste et signataire de l’accord de Bougival, plaide pour aller au bout du processus. "C’est ça ou rien", insiste l’élu de Générations NC, qui retient surtout du document le fait qu’il ne prévoit plus de référendum, assure une continuité et permette la relance. Si le représentant juge les annonces de l’État "insuffisantes" en matière économique, il relève deux points importants : "la transformation des prêts en subventions" et la stratégie nickel. Entretien.

    L’accord de Bougival est qualifié par beaucoup d’historique. Est-ce le cas, et si oui, pourquoi ?

    Il est historique au sens de l’histoire, pas parce qu’il est fondamentalement exceptionnel. Tous les accords entre indépendantistes et non-indépendantistes marquent de nouvelles pages institutionnelles entre la Nouvelle-Calédonie et la France. C’était le cas de Matignon et de Nouméa, j’imagine que Bougival le sera aussi. Donc je considère que c’est historique.

    Quels points majeurs retenez-vous ?

    Le fait qu’il n’y ait plus de référendum. C’est toute une culture politique et populaire qui disparaît. Moi, j’ai 37 ans. Depuis que je suis né, en 1988, je sais qu’il y aura un référendum un jour. C’est la première fois qu’il n’y en n’a plus.

    Qu’est-ce que l’on ressent ?

    Je pense qu’il y a une forme de déstabilisation, parce qu’on ne se rend pas compte, mais ces périodes transitoires étaient des repères dans notre ligne de vie. Donc là, se dire que c’est infini, ça laisse une drôle de sensation. Mais c’est ce qu’on voulait, ne plus avoir l’épée de Damoclès. C’est un statut pérenne.

    Chaque décision importante devra être prise non plus à 50 % plus une voix, mais à une large majorité, aux 3/5es. Je crois que c’est aussi la volonté d’éviter à nouveau les clivages comme on a connu avec les trois référendums. C’est quelque chose de très nouveau qui va changer la donne politique.

    Quels autres aspects relevez-vous ?

    Le fait que maintenant, et pas seulement pour les compétences régaliennes mais aussi pour le fonctionnement de manière générale (comme la loi fondamentale NDLR), chaque décision importante devra être prise non plus à 50 % plus une voix, mais à une large majorité, aux 3/5es. Je crois que c’est aussi la volonté d’éviter à nouveau les clivages comme on a connu avec les trois référendums. Les camps étant équivalents entre indépendantistes et non-indépendantistes, le 50 % plus 1 ne fonctionne plus. C’est quelque chose de très nouveau qui va changer la donne politique.

    Cela peut-il inciter les politiques à fonctionner autrement ?

    Oui, on voit déjà l’UNI-Palika qui dit : "On ne va peut-être plus s’appeler des indépendantistes, on va dire quelque chose de nouveau". Le logiciel évolue tout doucement. Si on va au bout de cet accord, ce que je souhaite, j’ai l’impression qu’à moyen-long terme, le logiciel politique qu’on connaît aujourd’hui ne sera plus le même.

    Cet accord n’est pas accepté par tous. Les dissensions sont fortes chez les indépendantistes. Que se passerait-il si un des partenaires, le FLNKS, retirait sa signature ?

    Je suis pour aller au bout de la démarche. Donner le point à ceux qui veulent reculer, c’est quelque chose de néfaste pour la Nouvelle-Calédonie. Quand on signe quelque chose, on est tenu par notre signature, c’est une parole.

    Ils disent qu’ils ont signé un projet…

    C’est un projet parce que les Calédoniens ne l’ont pas encore adopté. Cela ne veut pas dire qu’on a le droit de le toucher. L’UC laisse entendre qu’on peut le modifier. Le projet, pour nous, ça veut dire que c’est aux Calédoniens de l’entériner définitivement, pas à nous.


    Contrairement à la délégation du FLNKS, menée par Emmanuel Tjibaou, pour qui il s’agit d’un projet d’accord, Nicolas Metzdorf considère que le document ne peut être "touché" et qu’il revient désormais aux Calédoniens de se prononcer. Photo Facebook Nicolas Metzdorf

    L’accord ne peut pas être modifié ?

    Je crois que les Calédoniens se sont beaucoup imprégnés du sujet, ils sont très intéressés. Donc, on ne doit pas leur retirer le fait que c’est à eux de choisir. Désormais, c’est entre leurs mains et moins entre les nôtres.

    On a fini une séquence de négociation. Maintenant, on a une séquence de construction et d’installation d’un nouveau statut. Il faut s’y consacrer. On a commencé à traverser la rivière, ça ne sert à rien de faire demi-tour maintenant.

    En déplacement en Polynésie, Manuel Valls a parlé de chaos si l’accord n’aboutissait pas. Êtes-vous d’accord avec ces propos ?

    Je pense qu’on continuerait dans l’instabilité permanente. S’il n’y a pas d’accord, il y aura des élections provinciales avec un corps électoral gelé et derrière, des élections nationales. C’est-à-dire qu’on reprendra des négociations entre formations politiques que dans un an et demi ou deux, avec un nouveau président de la République, un nouveau Premier ministre, etc. On repartirait de zéro. Là, on a fini une séquence de négociation. Maintenant, on a une séquence de construction et d’installation d’un nouveau statut. Il faut s’y consacrer. On a commencé à traverser la rivière, ça ne sert à rien de faire demi-tour maintenant.

    Les loyalistes organisent des réunions pour présenter et défendre l’accord. L’idée d’en faire avec les autres signataires est évoquée. Y êtes-vous favorable ?

    Oui, il faut arrêter de raconter des salades aux gens. On a vécu dix jours ensemble. On a pris notre petit-déjeuner, notre déjeuner, notre dîner ensemble. On a dormi dans les mêmes endroits. On a signé la même chose. À un moment donné, on ne peut pas faire comme si on ne s’était pas vus et entendus à Paris. Il faut aussi montrer cette image positive de toute une classe politique réunie aux Calédoniens. Je pense que ça, ce serait un élément qui serait très rassurant pour la suite. D’ailleurs, il n’y a pas une réunion où on ne me demande pas si une rencontre est prévue avec les indépendantistes. Donc, ça vient aussi des militants. J’ai l’impression que c’est un besoin. Je crois que ce qui les rassurerait, c’est qu’on défende la même version, qu’on dise les mêmes choses.

    Justement, est-ce que vous défendez la même version ? Si cet accord nécessite autant d’explications, de pédagogie, n’est-ce pas en raison d’une certaine ambiguïté du texte ?

    Je pense qu’il n’y a pas de problème d’interprétation sur le fond, c’est quand même écrit en français de manière très claire. Ce n’est pas ambigu et on a fait en sorte que ce le soit le moins possible. On reconnaît tous que c’est un État sui generis, qu’il y a une double nationalité, que les compétences régaliennes restent à la France, que les provinces sont renforcées, qu’il y a un dégel du corps électoral. Les indépendantistes ne disent pas "c’est gelé" et nous, "c’est dégelé". Je pense que le fait que ce soit innovant – c’est tellement un ovni juridique – suscite beaucoup d’interrogations et de questions. Après, chacun rassure aussi sa base sur ce qui a été obtenu.

    En matière économique, les annonces de l’État sont insuffisantes. Nous, on a pris nos responsabilités, on a pris des risques devant nos électeurs respectifs, la moindre des choses est de nous aider à redémarrer.

    Comment convaincre les récalcitrants ?

    Je crois que les slogans ne marchent plus. "C’est un accord dans la France", "C’est un accord pour la souveraineté", etc. Rentrer dans le détail de l’accord permettra davantage de convaincre les gens, expliquer avec précision ce que tel mot ou telle phrase engage. À l’époque de l’accord de Nouméa, on suivait Jacques Lafleur, il disait de voter, on votait. Là, les gens ont imprimé le papier, en discutent sur les réseaux, ils sont en train de le digérer. Ce processus peut mener à une adhésion globale.


    Avant son départ pour Nouméa, Nicolas Metzdorf a animé une réunion à la maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris, le 17 juillet, pour expliquer l’accord de Bougival. Le député poursuit l'exercice depuis son retour en Nouvelle-Calédonie. Photo Facebook Nicolas Metzdorf

    L’accord octroie des compétences supplémentaires aux provinces, notamment celle de la fiscalité. Comment la province Sud compte l’utiliser ?

    Aujourd’hui, on est encore plus dépendant de la Métropole qu’avant. L’idée est de recréer de la richesse pour financer nos compétences et favoriser un boom économique en étant très attractifs pour les investisseurs et les consommateurs. Il y a une volonté de créer une espèce de vitrine du Pacifique sud, moderne et développée. On a choisi d’être très autonomes, donc on doit se mettre au boulot, parce que ça ne sert à rien de transférer des compétences, puis de mendier de l’argent à l’État pour les financer.

    Vous estimez que l’État n’est pas assez impliqué dans l’accord, notamment dans sa partie économique. Que lui reprochez-vous ?

    Je suis très critique envers l’État pour deux raisons. Sur la partie institutionnelle, je ne l’ai pas vu avoir, dans toutes les négociations qu’on a menées depuis le début, de stratégie pour la Nouvelle-Calédonie, au-delà de nous faire mettre d’accord entre non-indépendantistes et indépendantistes. J’ai trouvé qu’il s’était contenté d’être le greffier de nos discussions. L’État est décevant, même si je ne dis pas qu’il ne fait rien.

    Concernant l’économie, l’État a mis des choses qui sont quand même importantes dans l’accord. La transformation des prêts en subventions, la stratégie nickel, etc. Il faut maintenant décliner précisément avec des montants financiers, des engagements, ce qui fera l’objet de discussions. C’est un sujet sur lequel indépendantistes, non-indépendantistes et société civile doivent tirer dans le même sens. Mais oui, je trouve cette partie incomplète et les annonces insuffisantes. Nous, on a pris nos responsabilités, on a pris des risques devant nos électeurs respectifs, la moindre des choses est de nous aider à redémarrer.

    Théoriquement, avec la signature de cet accord, l’État, qui attend aussi de nous des réformes, doit verser la deuxième tranche du prêt AFD. J’ai envie de dire que la plus grande des réformes, c’est la stabilité politique,

    L’accord évoque également une stratégie nickel. Il est question d’une relance de l’activité de transformation en province Nord. Que faut-il comprendre sur l’avenir des trois usines ?

    On est d’accord sur le redémarrage d’un outil industriel dans le Nord, l’État s’est d’ailleurs politiquement engagé à travailler à cette relance, ce qui était une demande assez unanime de la classe politique, et sur une stratégie autour du coût de l’énergie. Ce sont les deux points importants sur le nickel avec la possibilité aussi d’exporter plus. Si notre industrie continue de perdre de l’argent malgré les efforts de l’État, il ne faut pas se fermer des portes, il y a des emplois à sauvegarder.

    Cet accord, il est d’abord pour la jeunesse. Quand on veut éviter un nouveau référendum, c’est pour que les prochaines générations n’aient pas à se battre comme nous, on s’est battus.

    L’accord fait-il assez de place à la jeunesse ?

    Cet accord, il est d’abord pour elle. Quand on veut éviter un nouveau référendum, c’est pour que les prochaines générations n’aient pas à se battre comme nous, on s’est battus. Si on ne se préoccupait pas de la jeunesse, on n’aurait pas signé d’accord politique.

    Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui, êtes-vous satisfait de l’accord ? On ne ressent pas un enthousiasme débordant de part et d’autre…

    On sait qu’on est au début de quelque chose, que ce n’est pas fini. Moi, en tant que député, j’ai un gros travail à mener à l’Assemblée nationale sur la loi organique qui va décaler les élections, puis sur la réforme de la Constitution et la loi organique spéciale. Donc, si, il y a une satisfaction d’avoir signé un accord, évidemment, mais ce n’est pas une fin. On n’a pas gagné la finale de la Ligue des champions et puis on part faire la fête. On a passé le premier tour. Content d’avoir réussi cette étape, mais il en reste plein. Donc, plutôt toujours concentré.

    Vous pensez que l’accord sera voté en février ?

    Oui. C’est ça ou rien. Ce n’est pas un projet A contre un projet B. C’est un projet contre pas de projet.

    Est-ce qu’il permettra de construire une Nouvelle-Calédonie ensemble ?

    On ne peut pas demander à une culture politique de changer radicalement du jour au lendemain. Ce qui ne veut pas dire que ça ne va pas arriver. Cela peut prendre du temps, c’est une évolution. La Nouvelle-Calédonie des années 2000-2010 était loin du clivage qu’on connaît. Ce sont les référendums qui l’ont créé. Mais sans référendum, avec une majorité aux 3/5es, la matrice politique calédonienne va forcément évoluer. Je pense que dans 15 ans, ce ne sera plus la même logique politique qu’aujourd’hui.

    Et au niveau national ?

    Si l’acceptation de l’accord de Bougival se joue avant tout en Nouvelle-Calédonie, les parlementaires vont également devoir se prononcer sur le sujet au Sénat et à l’Assemblée dans quelques mois. D’abord lors de l’examen de la loi organique reportant les élections provinciales à juin 2026, prévu en septembre, puis lors de celui du projet de loi constitutionnel modifiant le titre XIII de la Constitution, a priori à partir du mois d’octobre, ce qui ne s’annonce pas si facile, selon Nicolas Metzdorf. Le député estime que l’accord de Bougival est "très novateur pour la France, qui est centraliste. On crée un État dans l’État, une double nationalité…" Et cela, c’est la représentation nationale qui doit "l’autoriser".

    "Pas de tout repos"

    Or, poursuit l’élu de la province Sud, cela "va être délicat. Ça peut bloquer. Marine Le Pen a déjà fait une déclaration en disant : "attention, on touche à des fondamentaux". Mélenchon est très jacobin". De plus, la donne politique nationale peut évoluer. Changement de gouvernement, dissolution, législatives… "Avec une majorité Rassemblement national, sachant que Marine Le Pen et que son responsable local, Alain Descombels, font campagne contre, ils peuvent s’appuyer sur l’UC… Et si Manuel Valls est remplacé ? Et si Emmanuel Tjibaou est toujours dans l’optique, sous la pression du FLNKS, de claquer la porte et que moi je défends l’accord… ?" De fait, considère le député, "cette partie nationale est très importante". Sans compter la conséquence pour d’autres territoires. "Les Corses peuvent ensuite demander, les Guyanais, les Polynésiens, etc. Le débat à l’Assemblée ne sera pas du tout repos."

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