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    Nouvelle Calédonie
  • Anthony Tejero | Crée le 13.05.2025 à 07h03 | Mis à jour le 15.05.2025 à 10h55
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    Le mardi 14 mai, les panaches de fumée des dizaines d’incendies en cours ont gagné Nouméa et son agglomération. Un triste spectacle auquel assistent, impuissants, ces habitants. Photo Anthony Tejero
    Dans la nuit du 13 au 14 mai 2024, Nouméa et son agglomération ont sombré dans le chaos, cibles d’une vague de pillages et d’incendies inouïs. Au petit matin, l’incompréhension et la sidération s’abattent sur les Calédoniens face à une telle flambée de violence, qui ne cessera de monter en puissance au fil de la journée. Retour sur 24 heures qui ont à jamais changé tout un pays, dans ce second volet de notre série consacrée aux émeutes, un an après.

    La tension était plus que palpable depuis plusieurs semaines sur fond d’opposition à la réforme du corps électoral, mais il n’aura fallu que quelques heures pour que tout bascule, dans la nuit du 13 au 14 mai, plongeant le pays dans une flambée de violences et une crise insurrectionnelle inédites. Alors que des "rumeurs" de blocages courent depuis le matin, et que bon nombre de Calédoniens ont décidé de rentrer chez eux plus tôt, dès les dernières lueurs du jour, Nouméa et son agglomération se figent. Magenta, Tuband, Vallée-du-Tir, Ducos, Rivière-Salée, Portes-de-Fer, Koutio, Normandie, Dumbéa-sur-Mer,… les routes et les ronds-points stratégiques sont pris d’assaut par des dizaines de manifestants dont l’action va très vite dégénérer en émeutes.

    Deux-roues, chariots, détritus en tous genres, bouteilles de gaz… Des barricades en flammes fleurissent un peu partout au son répété des klaxons, des cris et insultes mais aussi des pétards et coups de feu. Des incendies qui ne tardent pas, dans la soirée, à gagner bon nombre de commerces et d’enseignes emblématiques du pays comme les industriels Le Froid et Biscochoc ou encore des concessionnaires automobiles. Les réseaux sociaux s’emballent et les premières images des bâtiments en proie aux flammes deviennent virales.

    Impossible pour les pompiers, pris à partie et caillassés, d’être sur tous les fronts. En quelques heures, leur centre reçoit 1 500 appels contre une centaine par jour en moyenne. "Nous sommes débordés. Nous ne pouvons pas aller partout. Nous devons hiérarchiser nos interventions et prioriser nos moyens sur les plus gros feux", confie aux Nouvelles calédoniennes, entre deux interventions, le commandant Géraldine Bourgoin, chef de corps des sapeurs-pompiers de Nouméa.

    "C’est totalement parti en vrille"

    Après une nuit d’une violence rare où certains Calédoniens n’ont pas fermé l’œil, un calme relatif semble de nouveau s’emparer de la ville à mesure que le soleil s’élève dans le ciel. Et ne révèle les premières scènes de désolation. En ce mardi 14 mai, la sidération gagne tout le pays, sonné.


    À Magenta, le matin, quelques riverains sortent et découvrent les stigmates des émeutes de la veille. Photo Anthony Tejero

    Alors que les autorités recommandent à la population de rester chez soi, certains riverains décident de voir de leurs propres yeux l’ampleur des dégâts. L’incompréhension et la tristesse dominent parmi les habitants rencontrés dans les rues de Nouméa. "Je suis très déçue du comportement des jeunes. C’est dramatique ce qu’il se passe. À la base, il s’agissait seulement d’afficher les couleurs, mais là, c’est totalement parti en vrille", déplore Loriana, 21 ans, qui ne cache pas sa peur, après avoir vécu une nuit au rythme des cris, des caillassages et des tirs de flash-ball, dans son appartement des tours de Magenta.

    Pour les plus anciens, le spectre des Évènements refait surface. "Nous sommes revenus 35 ans en arrière, se désole Edonise, du Ouen Toro. Quand je vois des jeunes de 12-13 ans dans ces violences, c’est tout simplement inadmissible. Je ressens beaucoup de colère, notamment auprès des autorités qui auraient dû prendre plus de précautions, car c’était prévisible."

    Premiers blessés

    Comme les secours, les forces de l’ordre, mises à rude épreuve, sont complètement dépassées, en l’absence de renforts. En ce premier jour des émeutes, près de 700 policiers sont mobilisés à Nouméa, soutenus par 550 gendarmes et 600 "mobiles", également déployés dans le reste de l’agglomération (des effectifs bien loin des 3 200 renforts de militaires sollicités au plus fort de la crise, notamment lors du 24 septembre).


    Alors que des bandes s’affrontent à Tuband depuis quelques heures, trois policiers sont positionnés près du rond-point de l’Eau-Vive. Photo Anthony Tejero

    En quelques heures, le premier bilan humain tombe, avec l’annonce par l’État, dès le milieu de matinée, de 35 blessés parmi les forces de l’ordre (des chiffres qui, au fil des heures, vont s’emballer avec notamment les premiers décès de ces émeutes qui tueront 14 personnes).


    La société Le Froid, à Montravel, continue de brûler, laissant échapper un gigantesque panache de fumée noire. Photo Anthony Tejero

    Mais la principale préoccupation des autorités se trouve du côté de l’usine Le Froid, d’où un énorme panache de fumée noire s’échappe et où un drame risque de se jouer les prochaines minutes. Lors d’une conférence de presse organisée en urgence, le haut-commissaire Louis Le Franc exhorte à "la trentaine d’individus, pour la plupart très jeunes", de sortir de cette industrie en proie aux flammes, où deux cuves d’hydrogène sous pression menacent d’exploser. Cette éventuelle déflagration pourrait atteindre une zone d’environ "300 mètres" autour de l’usine. Fort heureusement, ce scénario ne se produira pas.

    Maisons brûlées et affrontements entre bandes rivales

    Sauf qu’au fil des heures, les tensions et violences regagnent du terrain dans toute l’agglomération, notamment à la Vallée-du-Tir, où plusieurs habitants ont été sortis de leurs domiciles par des émeutiers avant que leurs domiciles soient brûlés sous leurs yeux. Déjà, dans la nuit, le GIGN est intervenu pour extraire un homme âgé de 81 ans de sa maison en flammes.

    Une tension extrême qui ne tarde pas à gagner le quartier de Tuband, où deux bandes rivales décident d’en découdre en s’affrontant à quelques pas du rond-point de l’Eau-Vive pris pour cible dès la veille au soir. "Les Calédoniens commencent à s’énerver. On arrive doucement sur le terrain d’une guerre civile", alerte notamment la maire Sonia Lagarde.


    Au rond-point de l’Eau-Vive, tous les objets alentour ont fini au feu, même les caddies. Photo Anthony Tejero

    Dans ce climat électrique et on ne peut plus anxiogène, la nuit tombe sur l’agglomération, synonyme de mise en place d’un couvre-feu, de 18 heures à 6 heures (une mesure qui, bien qu’allégée, restera en vigueur pendant six mois et demi, jusqu’au 2 décembre). Alors que le Grand Nouméa est envahi par les fumées des incendies, que des avions de l’armée survolent la ville, les habitants s’apprêtent, fébrilement, à subir une nouvelle nuit hors du commun.

    Dans plusieurs secteurs, les voisins dits "vigilants" s’organisent. En quelques heures, des quartiers entiers se barricadent. Des barrages filtrants qui, pour certains, ne seront levés que de longs mois plus tard, et dont les traces sont encore visibles un an après. En moins de 24 heures, le pays sombre dans une crise sans précédent, ravivant les plaies d’une société calédonienne profondément fracturée.


    Des habitants se sont organisés pour assurer la sécurité de leur quartier, comme ici à l’entrée de Ouémo, où un barrage filtrant a été mis en place par des résidents de la presqu’île. Photo Baptiste Gouret

    Retour sur une crise sans précédent

    Il y a tout juste un an, la Nouvelle-Calédonie sombrait dans la violence et la destruction. À cette occasion, Les Nouvelles calédoniennes reviennent, dans une série d'articles, sur ce qui a conduit le pays à l'une des pires crises de son histoire, et sur ses conséquences toujours vivaces. Retrouvez un volet, chaque matin, du lundi 12 au dimanche 18 mai. 

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