- Baptiste Gouret | Crée le 18.05.2025 à 05h00 | Mis à jour le 19.05.2025 à 15h29ImprimerManuel Valls a annoncé, le 8 mai, l’échec des négociations entamées cinq mois plus tôt entre les indépendantistes et les non-indépendantistes, plongeant la Nouvelle-Calédonie dans une nouvelle période d’incertitude. Photo Anthony TejeroLa reprise des échanges entre indépendantistes et non-indépendantistes n’a pas abouti. Après trois cycles de négociations, Manuel Valls et les délégations calédoniennes ont échoué à se mettre d’accord sur l’avenir institutionnel. Un an après les violences, cette absence de compromis ouvre une nouvelle période d’instabilité pour le pays. Dernier volet de notre série consacrée aux émeutes, un an après.
Le "conclave" de Deva avait tous les traits d’une réunion de la dernière chance pour la signature tant espérée d’un accord sur l’avenir institutionnel. Après trois jours de négociations dans l’intimité du luxueux Sheraton, il s’est soldé par un échec cuisant. Les Loyalistes-Le Rassemblement ont rejeté en bloc le projet d’accord de Manuel Valls, jugé trop proche d’une "indépendance-association". Un an quasiment jour pour jour après les violences insurrectionnelles ayant plongé la Nouvelle-Calédonie dans une crise inédite en 40 ans, le pays semble être revenu à la case départ.
Des provinciales redoutées
L’échec des négociations laisse la Nouvelle-Calédonie sans boussole. La perspective d’un accord, que beaucoup pensaient tout proche, s’est brusquement éloignée. "Peut-être désormais n’y aura-t-il un accord qu’après les élections présidentielles de 2027, estime Sonia Backès. Mais l’accord politique n’est pas l’alpha et l’oméga de la stabilité." Si la frange la plus ferme des non-indépendantistes juge préférable l’incertitude à un accord qui ne leur convient pas, d’autres se montrent plus inquiets pour la suite. "De tout temps, l’échec des discussions a conduit à la radicalisation […] Chez nous, renoncer au consensus, c’est renoncer à la paix", craint Calédonie ensemble.
Avant son départ, le ministre des Outre-mer a également exprimé son inquiétude. Lui qui martelait "un accord ou le chaos" avant son ultime déplacement, dans l’objectif, à peine voilé, de presser les partenaires à s’entendre, a affirmé au terme du "conclave" que "le vide laissé par l’absence d’un compromis est lourd de menaces". "La Nouvelle-Calédonie va plonger dans un abîme économique et social", a alerté de son côté Milakulo Tukumuli, président de l’Éveil océanien, qui anticipe déjà une "campagne très violente" pour les élections provinciales.
Avec la fin des négociations, la tenue d’ici fin novembre de ce scrutin redouté semble désormais inéluctable. "Des élections qui se tiendront avec des institutions à bout de souffle, sans que le corps électoral ne soit ouvert, sans que les modalités d’exercice du droit à l’autodétermination ne soient définies, dans un contexte d’instabilité politique et, par là même, de renforcement de la crise économique et sociale que traverse notre pays", avertit Calédonie ensemble. L’organisation des provinciales "n’est pas gage de construction, de cohésion et de refondation", pense l’Union nationale pour l’indépendance (UNI).
Le contexte ne convient pas davantage aux Loyalistes-Rassemblement, qui continuent de dénoncer un corps électoral contraire à la démocratie, et expriment leur intention de tout faire pour l’ouvrir. "On va regarder ce qu’il est possible juridiquement de faire avec une loi organique et si des recours sont nécessaires", a assuré Nicolas Metzdorf dans une interview accordée aux Nouvelles calédoniennes. De quoi alimenter la crainte d’une nouvelle flambée de violences.
Poursuite des discussions
Face à cet avenir institutionnel bouché, voire menaçant, certains se raccrochent aux "acquis" des échanges menés entre l’État et les partenaires calédoniens depuis le début de l’année. "Même si aucun accord n’a été trouvé aujourd’hui, ce n’est qu’une étape, il y a eu d’autres échecs des discussions auparavant, ça n’a pas empêché la signature des différents accords", a déclaré Emmanuel Tjibaou, président de l’Union calédonienne, au micro de NC La 1ère. "Nous avons identifié des points d’équilibre et de convergence sur de nombreux sujets : composition du congrès, mode d’élection du gouvernement, capacité d’auto-organisation, renforcement d’un pouvoir fiscal aux provinces, délégation et association à certaines compétences régaliennes… Ils devront nourrir nos prochains travaux pour parvenir à un consensus", soutient Philippe Dunoyer, de Calédonie ensemble.
Mais qu’adviendra-t-il de ces rapprochements quand Manuel Valls cédera sa place, rue Oudinot ? "Que dit le président ?", s’est justement demandé l’UNI, devant la délégation outre-mer en déplacement sur le Caillou ces derniers jours. Quelques heures avant son départ, Manuel Valls a promis la mise en place d’un comité de suivi pour ne pas perdre les "avancées constatées". Interrogé lors des questions au gouvernement, le 14 mai, le ministre des Outre-mer a dit avoir "bon espoir que les discussions se poursuivent". "Je considère que nous avons encore un peu de temps pour permettre le rapprochement des points de vue."
Le débat, s’il doit se poursuivre, portera à nouveau sur les deux projets présentés à Deva : la souveraineté partagée avec la France proposée par Manuel Valls, et le fédéralisme interne défendu par les Loyalistes-Rassemblement. "Ces deux options pourraient-elles faire l’objet d’un référendum ?", se demande l’UNI. Une alternative au vide laissé par l’échec des négociations et un moyen de ne pas "rompre les fils du dialogue", selon l’expression éculée. "Le chemin pour trouver une solution consensuelle est étroit, constatent les représentants des Loyalistes et du Rassemblement. Mais il existe."
Retour sur une crise sans précédent
Il y a tout juste un an, la Nouvelle-Calédonie sombrait dans la violence et la destruction. À cette occasion, Les Nouvelles calédoniennes reviennent, dans une série d'articles, sur ce qui a conduit le pays à l'une des pires crises de son histoire, et sur ses conséquences toujours vivaces. Retrouvez un volet, chaque matin, du lundi 12 au dimanche 18 mai.
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